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Cinq choses qui ont (vraiment) changé en France depuis le 11 janvier

3millions7 a été créé au lendemain de la manifestation du 11 janvier, qui lui a donné son nom. Pendant trois mois, nous avons scruté, analysé, étudié les changements qui ont eu lieu en France après les attentats des 7, 8 et 9 janvier.

Voilà main­tenant plus de trois mois que la France a été frap­pée par le ter­ror­isme. Le 11 jan­vi­er dernier, près de 4 mil­lions de per­son­nes se sont rassem­blés dans les rues partout sur le ter­ri­toire pour pro­test­er con­tre la vio­lence, l’intolérance et revendi­quer des change­ments à tous les étages de la société.

3millions7.com s’était don­né pour ADN de scruter ces change­ments. Voir si la France de l’après-11 jan­vi­er était vrai­ment capa­ble de se trans­former. Le con­stat est mit­igé. Des chantiers ont été lancés pour les années à venir. Ils n’en sont qu’à leurs bal­bu­tiements mais ils augurent du vis­age de la société de demain.

1. Une offensive sécuritaire

Immé­di­ate­ment après les atten­tats, le plan vigipi­rate a été élévé au niveau “alerte atten­tats” et le restera jusqu’à l’été. Si l’Hy­per­cash­er de la porte de Vin­cennes a ouvert ses portes très récem­ment, les locaux de Char­lie Heb­do sont, quant à eux, tou­jours sur­veil­lés.

Suite à l’as­sas­si­nat de Claris­sa Jean Philippe, de nom­breuses mairies ont décidé d’armer leur police munic­i­pale et le Pre­mier min­istre, Manuel Valls, a annon­cé un grand plan pour les ser­vices de ren­seigne­ment français. Ain­si, 2 700 per­son­nes devraient être embauchées et 735 mil­lions d’eu­ros investis. Bien que les ser­vices français soient déjà très com­pé­tents, ces reformes devraient chang­er leur cadre juridique et leurs méth­odes.

2. La laïcité de 2015 ne sera plus celle de 1905, surtout pour l’islam

Au sein de la classe poli­tique et de la société civile, les idées fusent pour adapter tous les courants de l’islam à la laïc­ité française. Pour cer­tains, cela passera par des mesures sym­bol­iques : pronon­cer une prière pour la République dans les mosquées, déjà appliquée dans cer­tains lieux de cultes musul­mans. Pour le min­istre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve en revanche, il faut dévelop­per et con­duire les imams à pass­er un diplôme uni­ver­si­taire de laïc­ité. Une mesure dont l’efficacité n’est pas évidente.

Le nom­bre d’aumôniers musul­mans en prison, qui est aujourd’hui de 180, va égale­ment aug­menter. Enfin, au chapitre insti­tu­tion­nel, le Con­seil Français du culte musul­man, dont la légitim­ité est remise en cause, va devoir com­pos­er avec une nou­velle instance de dia­logue, encore à définir.

3. Inculquer les “valeurs de la République”

Après le refus par cer­tains élèves, de respecter la minute de silence, le gou­verne­ment a décidé de lancer un plan de réforme du col­lège. Par­mi les pro­jets, celui de for­mer les pro­fesseurs à l’apprentissage de la laïc­ité” a été mis en appli­ca­tion. Le pre­mier sémi­naire du genre s’est d’ailleurs déroulé fin mars alors que le min­istère de l’é­d­u­ca­tion dif­fu­sait au corps pro­fes­so­ral un livret con­tre la rad­i­cal­i­sa­tion des élèves.

La ques­tion d’a­jouter plus d’heures d’é­d­u­ca­tion civique a été soulevée. Mais de nom­breuses voix se sont élevées con­tre : l’é­d­u­ca­tion civique n’est pas une fab­rique à citoyens. Autre piste dévelop­pée par le gou­verne­ment, celle d’aug­menter et de favoris­er le ser­vice civique. Ce qui devrait être fait dès le mois de juin 2015. Les jeunes se sont aus­si soulevés con­tre ces atten­tats, comme le rap­pelle notre pre­mier reportage.

4. Les médias, victimes et bourreaux à la fois

Touché de plein fou­et par les atten­tats, le monde médi­a­tique peine à se recon­stru­ire. Le CSA a épinglé 16 des plus grands médias français pour des man­que­ments aux règles d’éthique du jour­nal­isme pour leur cou­ver­ture des événe­ments. Notam­ment lors des deux pris­es d’o­tages, celle de Dammartin-en-Goëlle, où étaient retranchés les auteurs de la tuerie de Char­lie Heb­do, et celle de l’Hy­per Cacher, per­pétrée par Amédy Coulibaly.

Les ventes des médias ont aug­men­té durant cette péri­ode et celles de Char­lie Heb­do ont explosé avant de retomber douce­ment. Mais la chas­se aux man­que­ments n’est pas ter­minée, le CSA a de nou­veau frap­pé au début du mois de mars.

5. Liberté d’expression, oui mais…

Célébrée par près de qua­tre mil­lions de man­i­fes­tants lors du rassem­ble­ment du 11 jan­vi­er, force est de con­stater que les con­tours de la notion de lib­erté d’ex­pres­sion sem­blent aujour­d’hui plus flous que jamais. Des oeu­vres cul­turelles ont été dépro­gram­mées pour éviter de faire des remous.  Par ailleurs, rien que pour le mois de jan­vi­er, plus de 30 000 sig­nale­ments ont été déposés sur la plate­forme Pharos pour “apolo­gie du ter­ror­isme.

C’est encore au nom de la lib­erté d’ex­pres­sion que l’hu­moriste con­tro­ver­sé Dieudon­né a jus­ti­fié sa déc­la­ra­tion sur Face­book, postée au lende­main du rassem­ble­ment : “Je me sens Char­lie Coulibaly”. Celui-ci, qui invo­quait dans l’un de ses procès le “droit à l’hu­mour”, a écopé de deux mois de prison avec sur­sis. Ses fans con­tin­u­ent de dénon­cer un “deux poids deux mesures”, con­sis­tant à défendre la lib­erté de ton de l’heb­do­madaire satirique tout en con­damnant leur idole. Preuve s’il en faut que la lib­erté d’ex­pres­sion ne met tou­jours per­son­ne d’accord.

Pho­to d’en-tête : Le rassem­ble­ment place de la République, à Paris, le 7 jan­vi­er 2015.  (Gwé­naël Pias­er/Flic’r/cc)