Oubliez James Bond. Oubliez le smoking, les Aston Martin et les James Bond girls. Nos officiers de renseignement issus de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) sont loin de la figure de l’agent 007, née sous la plume du Britannique Ian Fleming.
Le mystère qui entoure leur profession laisse le champ libre à l’imagination des écrivains, des réalisateurs et de leurs scénaristes. Des blockbusters américains aux comédies françaises, les fantasmes les plus fous circulent sous les yeux, parfois agacés, des principaux concernés. Dans Le Bureau des Légendes, la nouvelle série événement de Canal+, l’auteur Eric Rochant tord le cou aux clichés et plonge dans la réalité des agents de renseignement.
Nous avons interrogé un ancien officier des services de renseignement pour tenter de démêler le vrai du faux.
Vous avez dit espion ? Agent?
“Non, nous ne sommes ni des espions ni des agents”, explique un ancien officier de la DGSE, qui tient à garder son anonymat. Ce terme employé dans la majorité des productions cinématographiques agace dans la profession. Certains sont même très pointilleux sur l’intitulé de leur poste.
D’un côté, il y a les agents et de l’autre, les officiers de renseignement. Les agents n’appartiennent pas au service de renseignement. Présents sur le terrain, ce sont eux qui fournissent des informations aux officiers dits “traitants”, qui les ont au préalable recrutés.
Ne fantasmons pas, la DGSE est comme une grosse entreprise, nous rencontrons les mêmes soucis administratifs que tous les employés en France
Les officiers de renseignement ont eux le statut de fonctionnaires d’état. Ils peuvent être militaires ou de simples civils. Ces derniers sont rattachés à l’un des deux services de renseignement français, la DGSI (anciennement DCRI) et la DGSE. Leur mission: protéger la France de toute attaque intérieure pour la première, et de toute attaque extérieure pour la seconde.
“Ne fantasmons pas, la DGSE est comme une grosse entreprise, insiste l’ex-officier, nous rencontrons les mêmes soucis administratifs que tous les employés en France”. Batailler pour des notes de frais avec le service comptabilité, faire face à des coupures d’électricité, manger à la cantine, tel est le quotidien de la plupart des officiers du 141 boulevard Mortier (XXe arrondissement).
Un métier à sensation ?
Faux. Un bon nombre d’entre eux ne partent jamais sur le terrain. Parmi les 6000 personnes employées, seule une élite est habilitée et surtout entraînée à partir en mission afin de recruter des agents, observer, filer …
“C’est un métier dont est fier, insiste l’ancien officier, mais il faut être conscient des réalités”. La plupart du temps, les officiers travaillent derrière un bureau. Leur métier n’en est pas moins important : ils sont analystes, crypto-mathématiciens, programmeurs, ingénieurs ou traducteurs. Ils sont au cœur du système. Au siège parisien, ils interceptent, décryptent et analysent les communications ou les rapports remis par les officiers traitants avec qui ils sont en liaison permanente.
Un monde d’hommes?
Encore faux. Loin du fantasme de la James Bond girl ou des “hirondelles” du KGB qui couchaient avec l’ennemi afin de soutirer des informations à leurs amants, les femmes se sont imposées comme de vraies professionnelles du renseignement pendant la Seconde guerre mondiale.
Depuis la démilitarisation de la DGSE dans les années 1980, le nombre de femmes a triplé. En 2013, elles étaient 26%. La plus illustre d’entre elles reste Dominique Prieur : elle fut la première femme intégrée au service action de la DGSE, l’unité militaire en charge des opérations clandestines et notamment anti-terroristes. Avec Alain Mafart, ils formèrent le célèbre faux couple Turenge, impliqué dans le sabotage du “Rainbow Warrior”, navire de Greenpeace, en 1995, ayant entraîné la mort d’un photographe.
Un milieu inaccessible ?
Plus de quatre mois après les attentats contre Charlie Hebdo,les candidatures affluent toujours au centre de la DGSE. Par émotion, par patriotisme, les demandes ont triplées. Dans une entrevue accordée au JDD, le directeur adjoint de l’administration de la DGSE affirmait qu’avant le 7 janvier, “on recevait une trentaine de candidature par jour contre aujourd’hui environ une centaine.”.
Et cet engouement pour la profession se mesure concrètement. En moins d’une décennie, les effectifs de la DGSE ont augmenté de plus de 20%. 434 emplois supplémentaires sont prévus suite au vote de la loi sur la programmation militaire 2014–2019. Sans oublier les 185 postes annoncés par le Premier ministre, Manuel Valls après les attentats de Paris.
Mais le profil du candidat recherché est bien particulier. Tout le monde ne peut prétendre à entrer dans le saint des saints du renseignement français. Aujourd’hui, la DGSE recherche des personnes aux compétences spécifiques telles des analystes en contre-terrorisme, des crypto-mathématiciens et des ingénieurs.
Mais les plus impatients doivent le comprendre : le parcours reste long et difficile avant de pouvoir intégrer l’équipe de l’officier Malotru, le personnage principal de la série Le Bureau des Légendes.