Religion / Laïcité, Sécurité

Attentat déjoué dans une église : à Paris, les fidèles refusent d’avoir peur

Selon Manuel Valls, 178 paroisses sont protégées en France. Pour les 45 000 autres, le plan Vigipirate se réduit au strict minimum. Ce qui n’empêche pas les paroissiens d’assister à la messe, plutôt sereins. Reportage.

 

Devant la basilique Notre-Dame-des-Vic­toires, pas un seul mil­i­taire ne pro­tège le bâti­ment. Sur les trois grandes portes qui com­posent la façade, une seule est ouverte. « Le plan vigipi­rate ici, c’est ça », iro­nise un prêtre de pas­sage dans le quarti­er. Il assure que cette paroisse est pour­tant un haut lieu de pèleri­nage en France, et même « très touris­tique », mais pas assez pour être pro­tégée vis­i­ble­ment. Si Manuel Valls a assuré que 178 églis­es étaient pro­tégées en France, les 45 000 autres, comme celle-ci, man­quent de moyens pour être surveillées.

Située en plein cœur de Paris, à coté de la mairie du 2e arrondisse­ment, n’importe qui peut ren­tr­er mais per­son­ne ne sem­ble s’en inquiéter. A la sor­tie de la messe, les gens n’hésitent pas à rester bavarder. Quelques jeunes vien­nent même pique-niquer sur les march­es pour prof­iter du soleil. Pour ce prêtre, « les gens ont con­fi­ance ici, ils n’ont pas peur ».

« Il ne faut pas jouer le jeu des terroristes »

« Surtout qu’il est impos­si­ble de pro­téger toutes les paroiss­es français­es », rap­pelle le prêtre. Et « si les ter­ror­istes vien­nent nous atta­quer, je leur répondrais moi-même », réag­it vive­ment Antoine Joseph Assaf, un autre fidèle présent à la messe. Ce doc­teur en philoso­phie de la Sor­bonne donne une petite pièce à un sans-abri, tout en livrant ses sen­ti­ments sur ce qu’il a con­nu. « Je suis français d’origine libanaise. Dans mon pays, ils ont détru­it nos églis­es. Entre sun­nites et chi­ites, ils ruinent même leurs pro­pres lieux de culte. Il ne faut surtout pas les laiss­er faire ». Selon lui, la présence mil­i­taire doit être adap­tée à la men­ace ter­ror­iste de chaque lieu. « Dans Paris, il y a des endroits sen­si­bles, mais il ne faut pas généralis­er. Ici, des forces de sécu­rité seraient seule­ment néces­saires pour les grandes mess­es… ou si par exem­ple François Hol­lande venait se con­fess­er », plaisante-t-il. Ce n’est pas prévu pour l’instant.

Beau­coup n’ont en tout cas pas envie de voir des hommes armés devant la mai­son de Dieu. « Je trou­verais ça dom­mage si on met­tait des mil­i­taires, des vig­iles, des gros chiens devant, s’a­gace presque Chan­tal, une paroissi­enne de 56 ans. « Je me sen­ti­rais même mal à l’aise. »,

« J’aurais l’impression qu’on touche à ma liberté ».

C’est un peu la même crainte qui domine chez le prêtre. « Les gens seraient choqués de voir ça. Pire, la présence de l’armée pour­rait ren­forcer leur peur ». Pour lui, il ne faut pas « jouer le jeu des ter­ror­istes » et con­tin­uer à ren­tr­er dans les églises.

« Ce n’est rien com­paré à ce que vivent les chré­tiens d’Orient »

Depuis la loi de 1905 de sépa­ra­tion de l’Eglise et de l’Etat, c’est offi­cielle­ment au curé de s’assurer de la sécu­rité de sa paroisse. Sans son accord, la police ne peut inter­venir à l’intérieur. Marie, une fidèle de 50 ans est per­plexe. « Sur la petite place devant l’église, des enfants jouent au foot­ball. Ce qui pose par­fois quelques prob­lèmes, surtout lorsque des grands-mères ou des pous­settes reçoivent vio­lem­ment le bal­lon. Le prêtre a demandé à les faire évac­uer. Il n’y est pas par­venu. Alors imag­inez des djihadistes! ».

Pour autant, elle non plus n’est pas favor­able à une présence mil­i­taire. Juste en face de l’église, une petite vierge trône sur la façade d’un bâti­ment. Marie lève le bras en sa direc­tion. « On va quand même pas lui met­tre une kalach­nikov. Bien sûr, il faut rester pru­dent. Mais si je dois mourir ici, je mour­rais ici. Je m’en remets à Dieu », tranche cette fer­vente catholique.

Le philosophe Antoine Joseph Assaf rap­pelle lui que « ce qui se passe ici, ce n’est rien com­paré à ce que vivent les chré­tiens d’Orient ». A la paroisse Notre-Dame-des-Vic­toires, on s’inquiète davan­tage pour leur vie que pour celles des fidèles parisiens.

« Les atten­tats en France nous touchent parce que c’est chez nous, explique le prêtre. Mais là-bas, hommes, femmes et enfants sont per­sé­cutés alors qu’ils y vivent depuis tou­jours. Là, oui, il y a des raisons de s’inquiéter ».

La seule men­ace qui pèse réelle­ment sur la fidél­ité des croy­ants en France, « ce serait la répéti­tion d’attentats dans les lieux de culte », con­cède l’ecclésiastique. Mais per­son­ne n’ose envis­ager cette perspective.