Culture

Le Festival d’Angoulême est Charlie, il a tout fait pour le montrer

L’organisation du Festival de la BD 2015 à Angoulême a décerné le grand prix spécial à Charlie Hebdo. Le journal satirique a aussi reçu un vibrant hommage de la part de l’auteur indépendant Jean-Christophe Menu, proche des victimes de l’attentat et chargé par Luz de faire le déplacement à la place des survivants de Charlie.

 

De notre envoyé spé­cial à Angoulême

Char­lie est à Angoulême. Partout. Où que le vis­i­teur pose les yeux, il se retrou­ve nez à nez avec le désor­mais célèbre « Je suis Char­lie », qu’il soit imprimé sur une feuille A4 ou sur une ban­de­role de deux mètres de large. Mais le jour­nal satirique ne se con­tente pas d’une présence sur les murs et les estrades. Les organ­isa­teurs ont choisi de lui remet­tre un prix spé­cial. Ce n’est pas une pre­mière, mais celui-ci a une saveur particulière.

« Le grand prix spé­cial du 42e Fes­ti­val est remis à Char­lie Heb­do, pour que le sou­venir du tra­vail de tous les con­tribu­teurs de ce titre essen­tiel de la presse française reste dans les mémoires, en hom­mage aux dessi­na­teurs assas­s­inés et à leur néces­saire com­bat pour la lib­erté d’expression », clame le com­mu­niqué du Festival.

C’est dans une salle de la Mairie que s’est tenue la céré­monie d’hommage. En même temps que celle de la remise des prix du jury du Fes­ti­val, à quelques cen­taines de mètres seule­ment dans le Théâtre ultra-mod­erne de la ville. Pas le même univers, comme pour mar­quer le côté sym­bol­ique de cette récom­pense : une salle qui ne ferait pas tache dans un château de la Renais­sance, un sol rouge uni­forme vive­ment éclairé par un trio de lus­tres imposants. Au milieu de tout ça, un « Je suis Char­lie » trô­nant au dessus de l’estrade.

« Être Charlie ce n’est pas transformer en héros des satiristes dont l’activité était de ch… sur le pouvoir »

Le maire d’Angoulême a pris la parole briève­ment pour présen­ter ce prix, celui de la « lib­erté d’ex­pres­sion », puis ce fut le tour de Jean-Christophe Menu, auteur et édi­teur indépen­dant, proche de Char­lie Heb­do et chargé par les sur­vivants de les représen­ter au Fes­ti­val. Sur son t‑shirt frap­pé du nom du jour­nal, une car­i­ca­ture de Cabu représen­tant Jacques Chirac et Lionel Jospin. « Être Char­lie, c’est n’avoir rien à bran­ler », a‑t-il lancé en guise d’introduction avant de poursuivre :

« C’est la meilleure réponse à faire à leur mémoire. Être Char­lie c’est ne pas faire son­ner les cloches de Notre-Dame pour des anti­cléri­caux, être Char­lie ce n’est pas trans­former en héros des satiristes dont l’activité prin­ci­pale était de ch… sur le pou­voir. Je suis Char­lie a fait sor­tir qua­tre mil­lions de per­son­nes dans la rue, des gens qui, dans leur grande majorité, ne con­nais­saient pas Char­lie Heb­do mais qui n’ont pas accep­té que l’on puisse être buté pour des idées et des dessins. » 

Jean-Christophe Menu au Festival d'Angoulême 2015 (Photo : Florian Maussion / 3millions7)
Jean-Christophe Menu au Fes­ti­val d’An­goulême 2015 (Pho­to : Flo­ri­an Maus­sion / 3millions7.com)

 

« Je voulais faire un dis­cours poli­tique, nous a con­fié Jean-Christophe Menu quelques min­utes après la fin de la céré­monie. Il y a trois jours, Luz m’a appelé pour me dire : ‘on n’ira pas à Angoulême, c’est pour toi’. J’aurai pu le faire de mille autres façons, j’aurais pu faire chanter les gens par exem­ple, mais il fal­lait un dis­cours car­ré. Je l’ai réécrit quinze fois, je n’ai pas dor­mi depuis trois jours. »

Le Fes­ti­val d’Angoulême n’en est qu’à son pre­mier jour, mais il est déjà, et restera Char­lie jusqu’à dimanche soir, jour de la clô­ture. L’hommage ren­du jeu­di a don­né le ton et le représen­tant de Char­lie dans la Char­ente en a rajouté un peu plus avant de quit­ter la salle, doigt ten­du vers le pla­fond : « Charb, Cabu, Tig­nous, Wolin­s­ki, vous étiez tous athées, mais moi je sais que vous êtes là. »

Pho­to : La salle de la mairie d’An­goulême ornée du slo­gan “Je suis Char­lie” (Flo­ri­an Maus­sion / 3millions7.com)