Politique

Egalité, Laïcité… A l’Assemblée nationale, on réfléchit sur « l’après Charlie »

Un colloque organisé par un collectif proche du PS organisait jeudi 28 janvier un débat sur le thème de « l'après Charlie ». Les inégalités structurantes de la société française et la laïcité ont dominé la discussion.

« Quelle république après Char­lie ? » Trois semaines après la vague d’attentats qui a frap­pé la France, vient le temps de la réflex­ion. Le col­lec­tif « L’avenir n’attend pas », proche du PS, organ­i­sait ce jeu­di un col­loque sur ce thème. La ques­tion est vaste. Des inter­venants aux pro­fils divers ont ten­té d’y répon­dre pen­dant deux heures, dans une large salle de l’Assemblée nationale.

« Il y a une impasse dans ce pays. Pour une par­tie de nos conci­toyens, l’espoir d’une vie décente n’existe pas ».

Pour Juli­ette Méadel, prési­dente de l’association « L’avenir n’attend pas », les atten­tats ont mis en lumière la ques­tion sociale en France. « Les actes de ter­ror­isme sont le fait de per­son­nes pour qui il n’y a pas d’issue. Il existe une jeunesse française qui est en rup­ture car elle évolue dans un envi­ron­nement dans lequel elle ne peut pas se pro­jeter », estime-t-elle.

Un con­stat partagé par Jean-Louis Bian­co, qui sou­tient l’emploi du terme « apartheid » par Manuel Valls : « Ces pro­pos révè­lent les failles dans l’intégration et l’organisation spatiale ».

Les deux hiérar­ques du Par­ti social­iste en tirent une propo­si­tion com­mune : l’instauration d’un ser­vice civique oblig­a­toire d’un an. «La jeunesse se sen­ti­rait alors par­tie prenante d’une société qui croit en elle» assure Juli­ette Méadel.« Ces jeunes com­prendraient que la France a besoin d’eux », a renchéri Jean-Louis Bian­co. Des pro­pos hors-sol, s’est agacé un mem­bre du pub­lic. « Un ser­vice civique à 1000 euros par mois, cela pèse quoi par rap­port à l’argent que cer­tains jeunes de quartiers peu­vent se faire dans le traf­ic de drogue ? ».

La laïcité en questions

En creux, se des­sine un com­bat : celui de l’égalité dans une société qui se fis­sure. Christophe Bar­bi­er, directeur de L’Ex­press, s’interroge : « Face à une sit­u­a­tion d’inégalité, qui apporte des répons­es ? L’école, le par­ti com­mu­niste, le sport ou une reli­gion ? Ça peut don­ner des dévoiements. Der­rière le religieux peut se cacher le fanatique ».

Ali­men­tée par les ques­tions du pub­lic, la dis­cus­sion s’est rapi­de­ment portée sur la laïc­ité en France. “Elle n’est pas men­acée comme con­cep­tion. Per­son­ne ne veut faire de la France une nation religieuse”, tranche Christophe Bar­bi­er. Jean-Louis Bian­co, prési­dent de l’Ob­ser­va­toire de la laïc­ité, acquiesce :

“Les Français sont en majorité laïcs sans le savoir. Les pan­car­tes ‘Je suis Char­lie’ le montrent”.

Pour autant, l’an­cien min­istre note une évo­lu­tion des Français dans leur rap­port à ce principe fon­da­teur. “La laïc­ité impose la neu­tral­ité des agents publics. Aujour­d’hui, cer­tains voudraient aller jusqu’à la neu­tral­ité des usagers, ils sont choqués de voir des femmes voilées dans la rue”.

L’arse­nal lég­is­latif des­tiné à assur­er le respect de la laïc­ité fait débat. “Les out­ils des agents publics face aux prob­lèmes sont faibles”, souligne Christophe Bar­bi­er, qui appelle à une révi­sion de la loi de 1905. “Elle n’a pas prévu le développe­ment de l’Is­lam en France. Notre lég­is­la­tion se défausse trop sur les agents publics, comme le directeur d’é­cole, qui doit dire quel signe religieux est osten­ta­toire ou pas. On lance des hus­sards dans un com­bat pour lequel ils ne sont pas armés”. Mod­i­fi­er le dis­posi­tif de 1905, Jean-Louis Bian­co s’y oppose. “Il y a un risque de surenchère. Si on part d’une approche antimusu­lamne, cela devient dangereux”.

L’Is­lam et la République. Cette prob­lé­ma­tique n’en finit pas de nour­rir le débat pub­lic. Un par­tic­i­pant de cul­ture musul­mane s’est inter­rogé sur l’op­por­tu­nité de la loi de 2004, qui inter­dit le port du voile à l’é­cole. ” Cer­tains musul­mans peu­vent percevoir la laïc­ité comme une attaque con­tre l’Is­lam”, s’est-il inquiété. Une propo­si­tion fait néan­moins con­sen­sus : celle for­mulée par Jean-Louis Blan­co d’abolir le délit de blas­phème, encore en vigueur en Alsace-Lor­raine. Les applaud­isse­ments de la salle furent nourris.

Pho­to d’en-tête : Juli­ette Méadel, Benoît Joseph Onam­bélé, Christophe Bar­bi­er et Myr­i­am Ben­raad ont débat­tu avec le pub­lic sur l’après-Charlie