Sécurité

Loi sur le renseignement : 24 heures pour convaincre les députés de dire non

Vingt-quatre heures. C’est le peu de temps qu’il reste aux militants pour persuader les députés de dire non au projet de loi sur le renseignement qui sera présenté à l’Assemblée nationale. Ils sont des centaines à se mobiliser contre une loi qu’ils considèrent comme dangereuse et liberticide. Pour protester, ils n’ont qu’une arme : leur téléphone portable.

Comme s’ils étaient recher­chés, les 577 vis­ages des députés de l’Assemblée nationale sont affichés sur le mur de la “war room”. Par­fois des post-it rose en forme de cœur sont accrochés aux pho­tos des par­lemen­taires. Ce sont les chou­c­hous des mil­i­tants, ceux qui ont promis de dire non demain. Les mil­i­tants ont col­lé une gom­mette orange aux indé­cis et gri­bouil­lé quelques notes à la hâte. Ce sont les cibles de ces citoyens anti-“Big Broth­er”, ceux dont ils espèrent avoir une promesse de vote négatif.

Ces citoyens 2.0, qui se sont don­nés ren­dez-vous par Face­book et via un fichi­er Doo­dle pour plan­i­fi­er l’évènement, ne lâchent pas leur appareil. Tous regret­tent un pro­jet de loi décidé à la hâte, présen­té devant des députés peu infor­més et qui pour­rait met­tre en dan­ger les lib­ertés indi­vidu­elles de manière irréversible.On a prof­ité de l’après-Charlie pour éla­bor­er cette loi dans l’émotion, là où la froideur est de mise. Il n’y a pas d’esprit sere­in, il y a une crispa­tion, ce qui rend cette loi dan­gereuse”, explique un organisateur.

war room

Depuis ce matin, ce “call cen­ter” mis en place à la hâte grouille de citoyens présents pour la journée ou sim­ple­ment de pas­sage pour don­ner deux trois coups de fils. Les min­utes passent et rares sont ceux qui obti­en­nent une vraie dis­cus­sion : les appels restent sou­vent sans réponse et les mots arrachés aux attachés par­lemen­taires sont sou­vent déce­vants. A vingt-qua­tre heures du vote, ils sont des cen­taines de par­lemen­taires à n’avoir pas encore ren­du leur posi­tion publique. Cer­tains n’ont même pas encore lu le texte.

Math­ieu n’a pas envie de baiss­er les bras. Ce réal­isa­teur de 42 ans a réservé sa journée pour appel­er les députés de toute la France afin de les con­va­in­cre de dire non à un pro­jet qui représente selon lui une men­ace pour le pays. “Je n’ai pas l’habitude de faire ce genre d’action mais là, je devais faire quelque chose. La méth­ode de sur­veil­lance de masse n’a jamais marché, ne marche pas et ne marchera pas,” martèle-t-il entre deux coups de fil. Mal­gré les dif­fi­cultés, il se réjouit de quelques réus­sites. “J’ai réus­si à avoir une con­ver­sa­tion avec un attaché par­lemen­taire qui m’a félic­ité de mon engage­ment et qui m’a promis de faire pass­er le mes­sage à son député. Un autre m’a promis que son député saisir­ait le Con­seil con­sti­tu­tion­nel. C’est déjà une belle avancée.

A la veille du vote, les dés sem­blent jetés: la majorité des députés devrait vot­er la loi. Et pour­tant, il est loin d’être trop tard pour les mil­i­tants. Une péti­tion a recueil­li 120 000 sig­na­tures et quelques cen­taines de per­son­nes étaient atten­dues aujour­d’hui. Pour Elliot Lep­ers, l’un des organ­isa­teurs de cette mobil­i­sa­tion, c’est main­tenant ou jamais : “Il faut mon­tr­er qu’il y a une oppo­si­tion. Des cen­taines de députés n’ont pas exprimé publique­ment leur posi­tion car beau­coup sont encore indé­cis.” Mais con­va­in­cre un député n’est pas chose facile car le lien entre citoyens et insti­tu­tions est sou­vent dif­fi­cile à établir. Le pro­to­cole par­lemen­taire est un obsta­cle. Les députés ne sont sou­vent pas présents et au bout du fil, seul l’attaché par­lemen­taire décroche et promet vague­ment de faire pass­er le mes­sage. Il fau­dra encore beau­coup de patience aux mil­i­tants avant que les petits post-it rose soient plus nom­breux que les gom­mettes orange. Ce soir, ils man­i­fes­teront sur l’esplanade des Invalides pour laiss­er un dernier mes­sage aux parlementaires.