Sécurité, Terrorisme

Sécurité : pourquoi armer la police municipale coûte cher

Après les attentats de janvier et celui déjoué à Villejuif, de nombreux maires souhaitent armer leur police municipale. Problème : le coût de l'équipement et de la formation.

De la volon­té mais peu de moyens mis en place. Dans un con­texte de plan Vigipi­rate ren­for­cé, le min­istre de l’In­térieur Bernard Cazeneuve a évo­qué, dans une note du 23 avril adressée aux préfets et patrons des forces de l’ordre, une “série de mesures de vig­i­lance à l’égard des sites exposés à la com­mis­sion d’actes ter­ror­istes”. “L’impli­ca­tion des polices munic­i­pales sera sol­lic­itée auprès des maires des com­munes qui en sont dotées”, écrit-il également.

En clair : pour pro­téger cer­tains lieux, les polices munic­i­pales seront mis­es à contribution.

Il n’en fal­lait pas plus pour faire écho à la propo­si­tion de loi déposée à l’Assem­blée nationale le 18 févri­er qui prévoit de ren­dre oblig­a­toire l’armement des policiers munic­i­paux avec un arse­nal de caté­gorie B (inclu­ant les armes à feu). Cela per­me­t­trait notam­ment de répon­dre aux 10 700 postes sup­primés en cinq ans dans la police nationale et la gendarmerie.

Des équipements très coûteux

Aujour­d’hui, le port d’armes des forces de l’or­dre munic­i­pales reste option­nel et néces­site une procé­dure spé­ci­fique à la charge du maire. Surtout, elle inclut des dépens­es élevées, comme le mon­tre l’in­fo­gra­phie ci-dessous.


L’aide de l’Etat insuffisante

A Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire) le maire UMP Gilles Pla­tret a décidé d’armer sa police après les atten­tats de jan­vi­er “afin d’as­sur­er la sécu­rité des agents à la suite de la mort de la poli­cière de Mon­trouge”.

Il a sol­lic­ité auprès du préfet de Saône-et-Loire deux devis com­prenant “15 gilets pare-balles pour 7500€” et “22 revolvers pour 18000€”. Si sa com­mune, dont le bud­get avoi­sine les 100 mil­lions d’eu­ros, peut faire face à cet investisse­ment, l’élu compte beau­coup sur le fonds inter­min­istériel de préven­tion de la délin­quance (FIPD).

Ce fonds, géré par l’a­gence nationale pour la cohé­sion sociale et l’é­gal­ité des chances (ACSE) a été crédité, le 23 mars dernier, d’une enveloppe de 20 mil­lions d’eu­ros dont 2,4 mil­lions d’eu­ros des­tinés à l’équipement des policiers munic­i­paux.

“Aucun cal­en­dri­er n’a été fixé pour la mise à dis­po­si­tion des armes et le déblocage des subventions”

Par équipement des policiers munic­i­paux, il faut com­pren­dre les gilets pare-balles, financés à hau­teur de 50% par le fond, et les moyens de com­mu­ni­ca­tion. Cette déci­sion s’ac­com­pa­gne de la remise en ser­vice de 4000 armes de poing de la police nationale qui seront don­nés aux munic­i­pal­ités souhai­tant armer leur police municipale.

Cepen­dant, la date d’ap­pli­ca­tion de ces mesures reste une énigme. “Aucun cal­en­dri­er n’a été fixé pour la mise à dis­po­si­tion des armes et le déblocage des sub­ven­tions”, s’é­tonne le maire de Chalon-sur-Saône.

A en croire Richard Mous­set, sécré­taire général du Syn­di­cat de Défense des Policiers Munic­i­paux (SDPM), le coup de pouce de l’E­tat n’est pas sat­is­faisant. “300 ou 350€ par gilet pare-balles, c’est nég­lige­able dans le bud­get arme­ment de la police munic­i­pale”, déplore-t-il. A Meaux (Seine-et-Marne), Dominick Lemul­lois, le directeur de la police munic­i­pale, assure que faute de moyens, “tout n’est pas renou­velé” dans l’arse­nal de ses hommes armés depuis 1997.

Il arrive que cer­taines munic­i­pal­ités enga­gent des sommes con­sid­érables dans l’arme­ment de leur police. Le maire FN de Béziers (Hérault), Robert Ménard, a par exem­ple dépen­sé entre 60 000 et 70 000€ dans le but d’équiper les forces de l’or­dre. Encore une fois, “la con­tri­bu­tion de l’E­tat a été min­ime”, avance un agent de la police munic­i­pale biterroise.

Un revolver Manurhin calibre 38 Spécial, utilisé par la police municipale française
Un revolver Manurhin cal­i­bre 38 Spé­cial, util­isé par la police munic­i­pale française

La formation des policiers en question

En plus des armes, la for­ma­tion des hommes ne doit pas être nég­ligée. Celle-ci s’or­gan­ise “en deux semaines avec une par­tie théorique axée sur les aspects juridiques et une phase pra­tique réservée au tir”, détaille M. Mous­set. Son prix : entre 1500 et 1700€.

“On est obligé de rémunér­er la formation”

Autre sub­til­ité, la grande majorité des for­ma­tions de maniement d’armes est dis­pen­sée par le Cen­tre nation­al de la fonc­tion publique ter­ri­to­ri­ale (CNFPT). “Cet organ­isme envoie des moni­teurs spé­cial­isés dans les com­mis­sari­ats afin d’ini­ti­er les policiers aux armes à feu”, explique M. Mous­set, secré­taire général du Syn­di­cat de Défense des Policiers Munic­i­paux (SDPM),

Les struc­tures imposantes et anci­ennes, comme celle de Nice, pos­sè­dent leurs pro­pres moni­teurs mais à Chalon-sur-Saône et dans des com­munes plus mod­estes, “on est obligé de rémunér­er la for­ma­tion”, explique-t-il.

Pour le moment, l’élu est dans l’at­tente et estime qu’il ne ver­ra pas la couleur des gilets pare-balles avant fin 2015. Sur les 19 479 policiers munic­i­paux recen­sés en 2014, on estime que 43% d’en­tre eux pos­sè­dent au moins une arme de caté­gorie B.