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La bataille navale de l’UE contre l’immigration clandestine

En dépit des noms légendaires (Poséidon, Triton, Hermès) dont elle a été parée, la politique migratoire européenne ressemble à une succession d'opérations et de plans... passablement inadéquats.

« Per­son­ne ne se fait d’il­lu­sions. Les prob­lèmes ne seront pas réso­lus aujour­d’hui ». Jeu­di 23 avril, lors d’un som­met extra­or­di­naire dédié à l’immigration clan­des­tine, le prési­dent du Con­seil européen Don­ald Tusk admet l’impuissance des institutions.

Car les naufrages de ces dernières semaines en Méditer­ranée et les morts qui s’accumulent, plus de mille depuis ce début d’année, sont autant d’échecs pour la poli­tique migra­toire européenne maritime.

Cette dernière, en dépit des noms légendaires (Poséi­don, Tri­ton, Her­mès) dont elle a été parée, ressem­ble à une suc­ces­sion d’opéra­tions de sur­veil­lance et de plans de régu­la­tion et de con­trôle des flux migra­toires… pass­able­ment inadéquats.

Dublin II

Le règle­ment européen a été adop­té en 2003. Il cristallise aujourd’hui l’absence de poli­tique d’asile com­mune aux pays de l’UE, puisqu’il impose au pre­mier Etat auquel la demande d’asile a été adressée la respon­s­abil­ité de son exa­m­en. Un sys­tème par­ti­c­ulière­ment lourd pour l’Italie, Malte ou la Grèce. La déf­i­ni­tion d’une nou­velle poli­tique d’asile à l’échelle des 28 reste un sujet sen­si­ble, tant le domaine est poli­tisé. L’explosion des deman­des d’asile vers des pays européens est là pour rap­pel­er l’urgence de cette redéf­i­ni­tion. On dénom­brait 626 000 dossiers déposés en 2014 : 400 000 de plus qu’il y a six ans.

La Libye, couloir d’immigration

La Libye est un couloir d’immigration illé­gale majeur depuis la chute de Kad­hafi, en 2011. La sit­u­a­tion géo­graphique du pays et l’instabilité poli­tique qui y règne favorisent le tra­vail des passeurs. Le prési­dent de la Com­mis­sion européenne Jean-Claude Junck­er et son homo­logue de l’Union Africaine ont fait part de leur exi­gence d’une « réc­on­cil­i­a­tion » rapi­de entre les dif­férentes fac­tions rivales. Recon­stru­ire un Etat libyen serait une pre­mière étape pour endiguer le flux de migrants en prove­nance de ces côtes.

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Comment fonctionne la politique de surveillance des mers ?

Fron­tex est l’agence européenne pour la ges­tion de la coopéra­tion opéra­tionnelle aux fron­tières extérieures des États mem­bres de l’Union européenne. Créée il y a une dizaine d’années pour appli­quer les poli­tiques de l’UE, c’est elle qui a con­duit les opéra­tions Poséi­don, Her­mès, Inda­lo et main­tenant Tri­ton. Son bud­get provient de sub­ven­tions de l’Union Européenne et de dona­tions de pays membres.

Euro­sur est le sys­tème européen de sur­veil­lance des fron­tières. Lancé fin 2013, il four­nit à Fron­tex et aux pays européens un réseau de com­mu­ni­ca­tion pro­tégé, qui per­met de mul­ti­pli­er les échanges et d’intervenir rapi­de­ment en cas de besoin, par exem­ple lors d’un mou­ve­ment de migrants proche des fron­tières de l’espace Schengen.

Tri­ton est, depuis novem­bre dernier, la nou­velle opéra­tion de Fron­tex. Elle rem­place plusieurs opéra­tions menées par Fron­tex (Aenas, Her­mès) ain­si que Mare Nos­trum. Cette ini­tia­tive très coû­teuse, des­tinée à sur­veiller l’immigration venue de Libye, était sup­port­ée par l’Italie seule. Bien que Tri­ton est à ce jour l’opération dans laque­lle Fron­tex a mis le plus de moyens, son bud­get est plus de trois inférieur à Mare Nos­trum, avec 2,8 mil­lion d’euros alloués par mois. Les récents drames sur­venus en mer ont mon­tré ses lim­ites, et son ren­force­ment financier ferait désor­mais l’unanimité par­mi les 28.

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