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Boko Haram rallié à l’EI : “Cela ne changera rien”

Boko Haram a répondu aux appels du pied du groupe État islamique (EI), qui incite depuis des mois tous les musulmans à prêter allégeance à leur calife. Pour la chercheuse Sophie Desmidt, spécialiste des conflits et des relations entre l’Afrique et l’Union européenne, il s’agit seulement d’une opération de propagande.

3millions7 : Pourquoi déclarer maintenant son allégeance au groupe État islamique ?

Sophie Desmidt : Boko Haram, comme l’État islamique face à la coali­tion inter­na­tionale, est dans une posi­tion plus dif­fi­cile qu’avant, avec les inter­ven­tions du Tchad et du Niger (sur le ter­ri­toire nigéri­an et au Camer­oun, ndrl). Ils sont en train d’essayer de main­tenir leur force. Avec cette déc­la­ra­tion d’allégeance à l’EI, ils mon­trent au monde que l’idée d’un cal­i­fat islamique a une réson­nance beau­coup plus grande, qu’il ne s’agit pas seule­ment de deux ter­ri­toires séparés (l’État islamique a proclamé un cal­i­fat en Irak fin juin 2014 et Boko Haram au nord-est du Nige­ria en août 2014, ndlr). L’impact ne sera pas plus grand que cela. C’est de la rhé­torique, de la pro­pa­gande con­tre les Occi­den­taux, pour don­ner un écho à l’idée de califat.

3m7 : Quelles vont être les conséquences sur la stratégie de Boko Haram ?

S.D. : Cela ne chang­era rien. Boko Haram et l’État islamique avait déjà la même tac­tique, celle d’une vio­lence non lim­itée, ce qui les dif­féren­cie d’Al-Qaïda. Même au niveau de la com­mu­ni­ca­tion les deux groupes ont la même façon de faire de la pro­pa­gande. Depuis quelques temps, les vidéos de Boko Haram se sont mis­es à rassem­bler de plus en plus à celles de l’EI, notam­ment au niveau de la qual­ité de la réal­i­sa­tion. Mais même si l’on sup­pose qu’il existe des liens financiers entre les deux organ­i­sa­tions, je ne pense pas que des opéra­tions com­munes auront lieu entre l’État islamique et Boko Haram. Il y aura peut-être des con­tacts au niveau indi­vidu­el, par de petits groupes dans cer­tains ter­ri­toires où il y a moins de con­trôle, mais pas de grandes opérations.

3m7 : Et pour la communauté internationale, cette allégeance va-t-elle changer quelque chose ?

S.D. : Boko Haram a longtemps été vu comme un prob­lème local, qui ne con­cer­nait que le Nige­ria. Cela avait com­mencé à chang­er avec les inter­ven­tions du Niger et du Tchad : la région­al­i­sa­tion de Boko Haram com­mençait à être perçue à tra­vers la ner­vosité des voisins du Nige­ria. Une force africaine con­tre Boko Haram (la Multi­na­tion­al Joint Task Force, établie par les États de la Com­mis­sion du bassin du Lac Tchad et le Bénin, ndlr) est d’ailleurs en train de se dévelop­per. Avec cette déc­la­ra­tion d’al­légeance, la com­mu­nauté inter­na­tionale est en train de s’apercevoir que le prob­lème est beau­coup plus éten­du. En revanche, con­traire­ment à l’EI qui a une coali­tion inter­na­tionale face à lui en Irak, il n’y aura sûre­ment pas d’attaques aéri­ennes des Améri­cains, des Bri­tan­niques ou des Français con­tre Boko Haram. Le Nige­ria ne veut pas de ce type d’intervention extérieure pour le moment. Ce qui ne sig­ni­fie pas que les Occi­den­taux n’aident pas les pays de la région… Ce sont des États-clés dans la lutte con­tre les groupes islamistes.

 

Crédit : Boko Haram cap­ture d’écran / AFP