De notre envoyé spécial dans les Pyrénées-Atlantiques.
Mathilde est en Terminale L. Ce vendredi après-midi, dans une salle bondée du lycée Albert-Camus à Mourenx, elle n’a pas hésité à dénoncer “l’image de l’État (qui) fait honte parfois aux jeunes”. “L’État” dont parle Mathilde, ce sont les hommes politiques, et ces hommes politiques se tiennent devant elle.
L’État, ce vendredi là, c’était Claude Bartolone et une délégation de six députés, venus dans le Béarn pour “sortir de l’agitation parisienne” et consulter les lycéens de Montardon et Mourenx sur la citoyenneté, l’engagement ou la démocratie.
“On a moins ressenti de peine que les Parisiens”
D’après Mathilde, “c’est une bonne idée que les députés soient venus ici, pour qu’ils connaissent les véritables problèmes”. Quand on évoque les évènements post-attentats, une gêne est perceptible chez la jeune femme.
Pour elle, tout cela “a pris une énorme ampleur, un peu trop même. Des gens, comment dire… ‘faux-cul’, ont acheté le journal après les attentats alors qu’ils ne l’avaient jamais fait. Personne ne défendait Charlie Hebdo avant ce qui leur est arrivé”, regrette-t-elle.
Ce malaise par rapport aux évènements de janvier a été perceptible toute la journée chez les lycéens béarnais. Vendredi matin, la délégation s’est rendue à Montardon, village de 2 000 habitants. En arrivant dans le lycée agricole, vieux de 50 ans, on aperçoit, au loin, les Pyrénées qui surgissent et des champs à perte de vue. La frontière espagnole n’est plus très loin.
Les attentats qui se sont déroulés à Paris semblent bien éloignés. Pour Thomas, 27 ans et opérateur de production au lycée agricole, “on a moins ressenti de peine que les Parisiens. Le fait qu’on soit à 800 kilomètres de Paris, ça a joué.”
“Refaire le point sur la liberté d’expression et la liberté de la presse”
Même sensation chez Charles, 18 ans :
“Moi je vis dans la Vallée d’Aspe, c’est un coin très reculé, ça n’a pas forcément touché tout le monde.”
Un sentiment que confirme Pascal Lopez, directeur de l’atelier pédagogique agroalimentaire du lycée de Montardon : “L’émotion est passée plus vite qu’à Paris. Toute l’atmosphère qu’il peut y avoir là bas quotidiennement, on ne l’a pas ici. Il n’y a pas de visuel anxiogène.” Il poursuit :
“Moi, par exemple, je n’ai jamais acheté Charlie Hebdo. Et puis il ne faut pas se mentir, ici on est plus l’Équipe ou Midi Olympique que Charlie Hebdo.”
Mais pour Pascal Lopez, la venue du président de l’Assemblée nationale a permis de reparler des notions de citoyenneté et d’engagement :
“On a profité de cette journée pour relancer le débat sur la citoyenneté avec les élèves. Ça a également permis de refaire le point sur la liberté d’expression et la liberté de la presse. C’est une bonne chose qu’il soit venu.”
À Mourenx, Robin, actuellement en bac pro gestion des milieux naturels et de la faune, n’a lui non plus pas apprécié les suites des attentats : “Beaucoup n’avaient jamais acheté Charlie Hebdo avant. J’ai un ami qui s’est fait arracher son Charlie Hebdo alors qu’il allait l’acheter, c’est allé beaucoup trop loin…”
“On connaissait Claude Bartolone, on l’a vu au Petit journal”
Le discours de Robin est bien rodé. Pour cause, ça fait près d’un an et demi qu’il est adhérent du parti de Nicolas Dupont-Aignan, Debout la France. Pour lui, l’unité nationale affichée après ces évènements n’étaient qu’artificielle :
“L’unité nationale, d’accord mais on accepte le Front national alors. Là on a pas voulu les inviter pour la marche donc il n’y avait pas d’unité nationale.”
La venue du président de l’Assemblée nationale a également permis d’échanger sur l’engagement politique chez ces lycéens béarnais.
Charles et Lucas “connaissaient Claude Bartolone, on l’a vu au Petit journal”. Ces deux jeunes de Montardon suivent la politique, mais “en tant qu’agriculteur, notamment sur les sujets qui nous concernent comme l’Europe avec la politique agricole commune.”
Comptent-ils voter pour les départementales ? “Ah oui, il faut qu’on regarde les candidats qui vont se présenter. Mais il faut voter, il faut y aller.”
Mais pour Clémentine, en BTS aménagement paysagé au lycée agricole de Montardon, l’engagement politique n’est pas forcément le meilleur moyen de faire avancer les choses :
“Je ne suis pas très convaincue quand je vote. Je préfère davantage les actions citoyennes que les politiques, c’est plus efficace. Aujourd’hui c’est bien qu’ils viennent voir ce qu’il passe concrètement. Mais c’est trop rare…”
Photo d’en tête : Pascal Lopez, directeur de l’atelier pédagogique agroalimentaire du lycée de Montardon en compagnie de Claude Bartolone (Jérémie Lamothe / CFJ)