Ahmed Aboutaleb est connu pour deux choses : il est le premier maire musulman d’une métropole européenne (Rotterdam, aux Pays-Bas) et il a invité les musulmans tentés par le jihad à “foutre le camp”, dans les heures qui suivirent les attentats de Charlie-Hebdo. Dans une interview donnée à L’Express mardi 17 février, il s’explique :
“J’étais en colère, et ce n’était pas du théâtre, croyez-moi ! Ces mots, je les ai prononcés pour être sûr d’être compris, comme maire de Rotterdam mais aussi comme un musulman en colère.”
“Je peux comprendre que certains de mes coreligionnaires aient pu se sentir offensés par Charlie Hebdo mais, dans ce cas, il existe des protocoles tels que le recours aux tribunaux. J’ai voulu dire que si l’on revendique le vivre-ensemble, il faut accepter le compromis; ceux qui s’y refusent n’ont qu’à faire leur examen de conscience et avoir l’honnêteté de reconnaître qu’il n’y a pas de place pour eux ici.”
M. Aboutaleb dresse un parallèle entre les attentats de Paris, ceux de Copenhague et l’assassinat du cinéaste néerlandais Theo Van Gogh, en 2004 : “Je m’étais adressé à ceux qui se réjouissaient de ce crime : ‘Partez !’, leur avais-je dit. ‘Vous serez plus heureux en Afghanistan ou au Soudan ! Après tout, il y a des avions qui décollent d’Amsterdam toutes les cinq minutes…’ ”
Pour le maire de Rotterdam, “l’attentat contre Charlie Hebdo force l’islam à se remettre en question”. Il poursuit son raisonnement :
“Il est très important que les musulmans répondent aux questions qui leur sont adressées : pourquoi ces criminels ont-ils pu interpréter le Coran et l’islam dans un sens qui les a conduits à justifier leurs agissements? Récemment, j’ai entendu ici un imam expliquer que les musulmans avaient le droit de répondre à l’injustice par leur coeur, leur tête ou leurs mains. Un de ses fidèles a rétorqué que c’était ce que les criminels avaient fait à Paris, en prenant des kalachnikovs au nom des injustices qu’ils dénonçaient. […] Dire que l’islam n’a rien à voir avec leurs actions, c’est vraiment absurde.”
Bien que l’islam ne dispose pas d’un véritable clergé, M. Aboutaleb appelle les “musulmans européens [à] faire pression sur leurs leaders religieux” afin que les modérés reprennent le pas sur les extrémistes.
Il refuse enfin d’attribuer des causes sociales au jihadisme :
“Certains élus mettent en avant les conditions sociales défavorables, les discriminations, l’échec scolaire, le racisme… Franchement, je ne vois aucune preuve à l’appui de cette thèse. Pourquoi des millionnaires saoudiens partent-ils pour Raqqa ? A cause de la misère, du racisme ? En réalité, ces gens-là se construisent leurs propres vérités, qu’ils souhaitent imposer à d’autres à coups de kalachnikov. A la différence des terroristes d’extrême gauche de la Fraction armée rouge, dans les années 1970, qui étaient politiquement motivés, c’est leur interprétation de la religion qui les pousse à agir.”