Politique

UMP divisée, PS soulagé, FN renforcé : les leçons de la première élection post-Charlie

Dans le Doubs, la victoire très serrée du candidat socialiste face au Front national au second tour de l'élection législative partielle de dimanche créé de nombreux remous dans la classe politique.

Dans la qua­trième cir­con­scrip­tion du Doubs, la can­di­date fron­tiste Sophie Mon­tel a per­du de peu (48,57%) la lég­isla­tive par­tielle face au social­iste Frédéric Bar­bi­er (51,43%). L’UMP Charles Demouge avait été élim­iné dès le pre­mier tour (avec 26,5% des voix). L’élec­tion, la pre­mière depuis les atten­tats de jan­vi­er, s’est jouée à 863 voix d’é­cart. Un scrutin ser­ré, et révéla­teur pour les trois partis.

Le PS l’emporte, mais ne “pavoise pas”

A l’an­nonce des résul­tats, Frédéric Bar­bi­er, vice-prési­dent du con­seil général du Doubs et élu local depuis 25 ans dans la qua­trième cir­con­scrip­tion, a eu le tri­om­phe mod­este : “Je ne pavoise pas, je ne me réjouis pas, ce suc­cès je le dois aux forces répub­li­caines.” Avant d’ap­pel­er à “garder l’e­sprit d’u­nion nationale autour des valeurs de la République”. Mais c’est aus­si à la hausse de la par­tic­i­pa­tion, de 10 points entre les deux tours (39,5% au sec­ond tour), que le can­di­dat doit sa vic­toire. Un sur­saut qui ne doit toute­fois pas occul­ter le fait que l’ab­sten­tion est restée très forte (60,5 %).

Il ne doit pas non plus faire oubli­er que cette vic­toire — rem­portée dans un bas­tion social­iste — met fin à une véri­ta­ble hécatombe élec­torale : depuis le début du quin­quen­nat, le PS a essuyé 13 échecs aux dif­férentes élec­tions par­tielles, comme à Vil­leneuve-sur-Lot (Lot-et-Garonne) en juin 2013, où l’UMP l’avait emporté face au Front nation­al, à la faveur du front républicain.

Le FN “grand vainqueur” pour Sophie Montel

Le FN n’ob­tient pas de troisième siège à l’Assem­blée nationale. Mais son score lui donne le sourire. Tout en recon­nais­sant sa défaite, Sophie Mon­tel a estimé que le grand vain­queur du scrutin était… le Front nation­al. «Le Par­ti social­iste n’a pas à fan­faron­ner. Nous avons fait vol­er en éclat le tri­par­tisme, a‑t-elle con­fié au Monde. Nous sommes dans un bipar­tisme avec la caste d’un côté et le FN de l’autre. » Pour autant, la pro­gres­sion per­son­nelle de la can­di­date est indéniable :

Déjà en juin, lors de l’élec­tion par­tielle de Vil­leneuve-sur-Lot, le FN préférait voir le verre à moitié plein. Bat­tu au sec­ond tour par l’UMP Jean-Louis Costes (53,76 %), le can­di­dat fron­tiste Eti­enne Bous­quet-Cas­sagne (46,24 %), con­cé­dait “une défaite élec­torale mais une vic­toire idéologique.

Même opti­misme chez Marine Le Pen : “Ce résul­tat ser­ré prou­ve que nous sommes désor­mais en capac­ité de l’emporter dans n’im­porte quel ter­ri­toire de France”. Une per­spec­tive qui appa­raît de plus en plus réal­iste à de nom­breuses per­son­nal­ités poli­tiques, notam­ment Jean-Christophe Cam­badélis, qui aler­tait ce lun­di matin sur France Info : « Le PS a gag­né, le Front nation­al (…) a été bat­tu mais il y a le feu au lac pour tous ceux qui, comme moi, com­bat­tent le Front nation­al et ses idées depuis de très nom­breuses années.” Pour le secré­taire général du par­ti social­iste : “Trans­posez l’élec­tion du Doubs au nation­al, ça fait que Marine Le Pen peut être élue».

Mais avant la prési­den­tielle de 2017, les départe­men­tales de la fin févri­er seront la pre­mière pri­or­ité du FN. Pour son secré­taire général Nico­las Bay, le par­ti pour­rait y “gag­n­er quelques dizaines de con­seillers généraux (con­tre deux aujour­d’hui), et même rem­porter un départe­ment comme le Vaucluse.” 

L’UMP toujours plus divisée

La grande per­dante de cette élec­tion “test” est sans con­teste l’UMP, dont le bureau poli­tique avait appelé, au lende­main de l’évic­tion de l’UMP Charles Demouge à s’ab­stenir ou à vot­er blanc.

Désor­mais, il y a d’un côté les par­ti­sans du Front répub­li­cain, “per­son­nelle­ment” prêts à vot­er social­iste pour faire bar­rage au Front Nation­al, à l’in­star d’Alain Jup­pé, Nathalie Koscius­co-Morizet ou encore Bruno Le Maire, pour qui il faut “com­bat­tre le Front Nation­al avec beau­coup de force que nous ne l’avons fait jusqu’à présent”.

De l’autre côté, les ten­ants de la doc­trine du “ni-ni” (ni FN, ni PS), qui appel­lent à s’ab­stenir ou à vot­er blanc, n’ont vis­i­ble­ment pas été écoutés si l’on en croit la hausse de par­tic­i­pa­tion au sec­ond tour. Si, dans les rangs de l’UMP, on se défend de toute alliance avec l’ex­trême droite, l’hy­pothèse d’une union avec le cen­tre pour réus­sir l’al­ter­nance en 2017 provoque de vives réac­tions. Lors du Con­seil nation­al de l’UMP qui s’est tenu same­di, la propo­si­tion d’Alain Jup­pé a recueil­li des huées.

Pho­to : Le can­di­dat PS a décidé de ne pas met­tre de logo sur son bul­letin de vote pour le deux­ième tour — AFP