« Quelle république après Charlie ? » Trois semaines après la vague d’attentats qui a frappé la France, vient le temps de la réflexion. Le collectif « L’avenir n’attend pas », proche du PS, organisait ce jeudi un colloque sur ce thème. La question est vaste. Des intervenants aux profils divers ont tenté d’y répondre pendant deux heures, dans une large salle de l’Assemblée nationale.
« Il y a une impasse dans ce pays. Pour une partie de nos concitoyens, l’espoir d’une vie décente n’existe pas ».
Pour Juliette Méadel, présidente de l’association « L’avenir n’attend pas », les attentats ont mis en lumière la question sociale en France. « Les actes de terrorisme sont le fait de personnes pour qui il n’y a pas d’issue. Il existe une jeunesse française qui est en rupture car elle évolue dans un environnement dans lequel elle ne peut pas se projeter », estime-t-elle.
Un constat partagé par Jean-Louis Bianco, qui soutient l’emploi du terme « apartheid » par Manuel Valls : « Ces propos révèlent les failles dans l’intégration et l’organisation spatiale ».
Les deux hiérarques du Parti socialiste en tirent une proposition commune : l’instauration d’un service civique obligatoire d’un an. «La jeunesse se sentirait alors partie prenante d’une société qui croit en elle» assure Juliette Méadel.« Ces jeunes comprendraient que la France a besoin d’eux », a renchéri Jean-Louis Bianco. Des propos hors-sol, s’est agacé un membre du public. « Un service civique à 1000 euros par mois, cela pèse quoi par rapport à l’argent que certains jeunes de quartiers peuvent se faire dans le trafic de drogue ? ».
La laïcité en questions
En creux, se dessine un combat : celui de l’égalité dans une société qui se fissure. Christophe Barbier, directeur de L’Express, s’interroge : « Face à une situation d’inégalité, qui apporte des réponses ? L’école, le parti communiste, le sport ou une religion ? Ça peut donner des dévoiements. Derrière le religieux peut se cacher le fanatique ».
Alimentée par les questions du public, la discussion s’est rapidement portée sur la laïcité en France. “Elle n’est pas menacée comme conception. Personne ne veut faire de la France une nation religieuse”, tranche Christophe Barbier. Jean-Louis Bianco, président de l’Observatoire de la laïcité, acquiesce :
“Les Français sont en majorité laïcs sans le savoir. Les pancartes ‘Je suis Charlie’ le montrent”.
Pour autant, l’ancien ministre note une évolution des Français dans leur rapport à ce principe fondateur. “La laïcité impose la neutralité des agents publics. Aujourd’hui, certains voudraient aller jusqu’à la neutralité des usagers, ils sont choqués de voir des femmes voilées dans la rue”.
L’arsenal législatif destiné à assurer le respect de la laïcité fait débat. “Les outils des agents publics face aux problèmes sont faibles”, souligne Christophe Barbier, qui appelle à une révision de la loi de 1905. “Elle n’a pas prévu le développement de l’Islam en France. Notre législation se défausse trop sur les agents publics, comme le directeur d’école, qui doit dire quel signe religieux est ostentatoire ou pas. On lance des hussards dans un combat pour lequel ils ne sont pas armés”. Modifier le dispositif de 1905, Jean-Louis Bianco s’y oppose. “Il y a un risque de surenchère. Si on part d’une approche antimusulamne, cela devient dangereux”.
L’Islam et la République. Cette problématique n’en finit pas de nourrir le débat public. Un participant de culture musulmane s’est interrogé sur l’opportunité de la loi de 2004, qui interdit le port du voile à l’école. ” Certains musulmans peuvent percevoir la laïcité comme une attaque contre l’Islam”, s’est-il inquiété. Une proposition fait néanmoins consensus : celle formulée par Jean-Louis Blanco d’abolir le délit de blasphème, encore en vigueur en Alsace-Lorraine. Les applaudissements de la salle furent nourris.
Photo d’en-tête : Juliette Méadel, Benoît Joseph Onambélé, Christophe Barbier et Myriam Benraad ont débattu avec le public sur l’après-Charlie