La polémique suscitée par le meurtre de trois étudiants musulmans en Caroline du Nord mardi dépasse désormais les frontières américaines.
Sur les réseaux sociaux, les réactions fusent pour dénoncer le double discours médiatique, accusant les journalistes de traiter différemment les victimes lorsqu’elles sont musulmanes.
Sur Twitter, des milliers de tweets arborent ainsi le hashtag #MuslimLivesMatter (les vies musulmanes comptent), une référence directe à #BlackLivesMatter, créé après le massacre du jeune Michael Brown à Ferguson en août dernier.
“Même les chiens robots ont droit à du temps d’antenne”
Passer inaperçu. C’est le ressenti de milliers de musulmans qui ont l’impression que dès qu’un drame touche leur communauté, les médias tournent les yeux.
Sur Twitter, un utilisateur s’indigne ainsi que même les “chiens robots” font l’objet de plus d’attention médiatique que les victimes de la tuerie :
On @CNN even robot pets are more important than minority lives. #ChapelHillShooting #MuslimLivesMatter pic.twitter.com/GIeUG4QDEk
— Damiyr Andre (@KingDamiyr) 11 Février 2015
Dans un autre tweet, un professeur de Detroit se plaint que les musulmans sont toujours représentés comme des criminels alors que ceux qui sont victimes d’actes de violence sont tout simplement boudés des médias :
Muslims only newsworthy when “behind a gun. Not in front it.” Lack of coverage on Chapel HIll murders confirms this pic.twitter.com/vNQ3KWD6zF — Khaled Bey (@KhaledBeydoun) 11 Février 2015
Un argument repris par de nombreux internautes, y compris français :
#MuslimLivesMatter Comment savoir si un crime mérite d’être médiatisé ou non? Voir de quel côté de l’arme se trouvait le Musulman. — jamelbelaidjb (@Jamel_Belaid) 13 Février 2015
Du double discours au racisme
Pour les internautes, l’irrespect des médias envers la communauté musulmane ne s’arrête pas au simple oubli. Certains accusent même les journalistes de racisme. Exemple avec ce dessin cinglant : “Un tireur musulman = un terroriste, un tireur noir = un voleur, un tireur blanc = juste une dispute pour une place de parking”.
This is how the media portray a shooting incident.… #ChapelHillShooting pic.twitter.com/uD0x7rayYc @hafidz_ary — Lambanerz (@lambaners) February 12, 2015
Une idée reprise par cette amatrice de tweets qui détourne le jeux des sept différences en rajoutant une barbe à l’auteur de la tuerie. Une barbe qui permet aux médias, selon elle, de distinguer un terroriste d’un simple fou :
‘mentally insane’ vs ‘terrorist’ Spot the difference. #ChapelHillShooting pic.twitter.com/28FPQhe8hx — _ (@random_ukht) February 12, 2015
Les internautes exigent des actions concrètes
Les critiques vont aussi au-delà des médias et s’adressent plus largement à la classe politique et judiciaire. Certains internautes expriment ainsi leur incompréhension face au silence de Barack Obama, sur un sujet — la lutte contre les discriminations — sur lequel il a pourtant fait campagne en 2008 et en 2012. Cette militante écrit ainsi : “Re-bonjour @BarackObama — 3 jeunes personnes ont été tuées à #ChapelHillShooting — Vous n’avez toujours rien dit ? Pourquoi ?”
Hello again @BarackObama — 3 young people were gunned down in #ChapelHillShooting — You still didn’t say a word? Why? pic.twitter.com/ryvzSohfeX — Bea (@Bea4Palestine) February 12, 2015
D’autres encore n’hésitent pas à dénoncer l’indignation sélective de la population et de leurs représentants. Cette internaute se demande où sont les “Charlie” qui ont manifesté pour la tolérance et la paix le mois dernier dans toute la France :
Ou sont les charlie? #ChapelHillShooting que les 3 jeunes reposent en paix — Houda thaliya (@HoudaThaliya) February 12, 2015
Faisant écho à l’affaire Dieudonné et à la succession de gardes à vue pour apologie du terrorisme en France, cette journaliste du Bondy Blog se demande si la justice, elle aussi, tiendra un double discours face aux provocations racistes :
Les gens qui se satisfont de la mort de musulmans c’est de l’apologie de terrorisme ou pas ? #ChapelHillShooting pic.twitter.com/Z6CBu6vM2U — Widad.K (@widadk) February 12, 2015
Une question finalement pas si rhétorique que ça, qui traduit avant tout une envie de justice.
Le meurtrier présumé, Craig Stephen Hicks 46 ans, s’était rendu à la police mercredi, immédiatement après les faits.
Sur son compte Facebook, il s’affichait comme un anti-religieux convaincu. Une enquête du FBI a été ouverte pour déterminer si son acte relève d’un crime de haine ou d’une querelle. Quel que soit la conclusion, le sujet risque de rester explosif pendant plusieurs semaines encore.
Photo d’en-tête : L’université de Caroline du Nord à Chapel Hill, où la fusillade a eu lieu (Creative Commons calamity_sal)