“Je ne suis pas sûre que le voile fasse partie de l’enseignement supérieur.” La secrétaire d’État aux Droits des femmes, Pascale Boistard, s’est prononcée lundi contre le port du voile à l’université.
Onze ans après l’interdiction des signes religieux ostentatoires à l’école, la question du voile envahit à nouveau le débat politique. Au risque d’entretenir la confusion sur le concept de laïcité et ses implications concrètes. Où peut on porter le voile en France ? Qui peut se couvrir ainsi ? Que dit la loi ? Plusieurs situations sont à distinguer. 3millions7 fait le point.
1. Les fonctionnaires
La laïcité est une déclinaison du principe de neutralité de l’État. Si l’État est neutre, ceux qui l’incarnent le sont aussi, sur le plan politique comme religieux. Impossible donc pour une policière de travailler vêtue d’un pull à l’effigie de Nicolas Sarkozy ou d’un voile islamique. Dans un avis rendu le 3 mai 2000, le Conseil d’Etat fixa cette règle :
“Le principe de laïcité fait obstacle à ce que les agents publics disposent, dans le cadre du service public, du droit de manifester leurs croyances religieuses”
Une interdiction rappelée par une circulaire du 13 avril 2007.
“Le fait pour un agent public de manifester ses convictions religieuses dans l’exercice de ses fonctions constitue un manquement à ses obligations”
Cette prohibition gagne aujourd’hui du terrain. Depuis plusieurs années, l’État et les collectivités locales délèguent à des entreprises privées le soin de gérer des activités de service public. Dans ce cas, le principe de laïcité l’emporte. En 2013, la Cour de cassation a ainsi validé le licenciement d’une salariée d’une caisse primaire d’assurance maladie qui refusait d’ôter son voile sur son lieu de travail.
2. Les salariées du privé qui n’exercent pas une mission de service public
Le principe de laïcité ne les concerne pas. On leur applique le Code du travail. Selon son article L.1121–1, une entreprise privée peut restreindre la liberté religieuse du salarié si cela est justifié par “la nature de la tâche à accomplir” et si la mesure est “proportionnée au but recherché”.
Si la liberté religieuse est la règle, les restrictions sont possibles, comme l’a montré l’affaire Baby Loup. En juin 2014, la Cour de cassation a validé le licenciement d’une employée voilée de cette crèche des Yvelines, dont le règlement intérieur consacrait un “principe de neutralité”.
La Cour de cassation, estima que cette règle n’avait pas “un caractère général mais était suffisamment précise, justifiée par la nature des tâches accomplies, et proportionnée au but recherché”.
Elle a également mis en avant la spécificité de cette petite structure de 18 salariés, en relation directe avec les enfants et leurs parents.
Cette jurisprudence pourrait bientôt se traduire dans la loi. Laurence Rossignol, secrétaire d’État à la famille souhaite inscrire l’interdiction dans la loi.
3. Les usagers du service public
Prendre le métro, être soigné dans un hôpital public, se présenter à la convocation d’un tribunal… Ces situations font de nous un usager du service public. Mais pas un représentant de l’État. Dans ce cas, le principe de laïcité ne s’applique pas et chaque femme est libre de porter le voile si elle le souhaite.
“Les usagers des services publics ont le droit d’exprimer leurs convictions religieuses dans les limites du respect de la neutralité du service public, de son bon fonctionnement et des impératifs d’ordre public, de sécurité, de santé et d’hygiène”, précise la circulaire de 2007.
La règle souffre d’une exception majeure. Adopté dans un climat électrique, la loi du 15 mars 2004 interdit le port de signes religieux ostentatoires, y compris le foulard, dans les écoles, collèges et les lycées publics. Les établissements privés sous contrat avec l’Etat ne sont pas concernés.
4. Et dans la rue ?
Dans l’espace public, chacun est libre de manifester ses convictions religieuses. Aucune restriction n’est possible, sous peine d’être censurée par la justice. Le port du foulard est évidemment légal.
Certes, depuis 2010, la loi prohibe le port du voile intégral dans la rue. Mais ce texte est souvent mal compris. Pas limité à la burqa, il interdit globalement “la dissimulation du visage dans l’espace public”. Son fondement juridique n’est pas le respect de la laïcité mais celui de l’ordre public et de la sécurité. Sur un plan politique, c’est un autre débat…
Photo : Danny‑w — Wikicommons (image modifiée)