Le dessinateur Luz, rescapé de l’attentat à Charlie Hebdo, s’est exprimé sur Vice News ce week-end. Il est revenu sur la mobilisation du 11 janvier, sur la responsabilité du dessinateur et sur la dernière une de l’hebdomadaire. La larme à l’œil, la voix qui déraille, mais toujours avec franchise.
Malgré son émotion devant la vague de soutien qui a déferlé en France, il garde un oeil critique sur les événements : “Le fait de devenir un symbole, c’est difficile, car on a toujours combattu les symboles. Comment on perce la bulle qui est nous même ?”
La présence dans le cortège de certains chefs d’Etat l’a rendu “très triste” : “L’Arabie Saoudite n’est pas Charlie”.
Il regrette aussi que des journaux comme le New York Times ne veuillent pas publier les caricatures, “par peur de faire du mal ou par peur des terroristes”. Selon lui, “la majorité des musulmans s’en fout de Charlie Hebdo […] l’humour ça tue personne. On ne peut pas être prisonnier de l’humour des autres. Si on prend en compte les positions, les opinions de la terre entière, on déchire le dessin, c’est fini.”
Luz sort ensuite une maquette de Charlie Hebdo, presque entièrement vierge, qui illustre parfaitement son propos: “A un moment donné on s’est dit, on va faire un journal responsable, qui ne fait de la peine à personne, ça nous a fait beaucoup rire”. Il feuillette les pages, vides de tout contenu : “Ça c’est le journal des gens qui disent ‘Je suis Charlie mais…’ ”
Il finit par évoquer la dernière une du magazine, qui représente Mahomet. Le dessin du prophète fait référence à la une du numéro ‘Charia Hebdo’, “pour laquelle 17 personnes ont été tuées.” : “Celui-là, que j’ai dessiné en 2011, nous a valu beaucoup d’emmerdes.
Luz considère cette deuxième une sur Mahomet comme “un pardon mutuel” entre lui et son personnage du prophète : “Moi en tant qu’auteur, je lui disais : ‘Désolé de t’avoir foutu là dedans.’ Et lui, en tant que personnage, me pardonnait, [me disait] : ‘C’est pas grave, toi t’es vivant tu vas pouvoir continuer à me dessiner.’ ”
Sur ce dernier point, le dessinateur est déterminé et sûr de son rôle. “Je continuerai [à dessiner] […] Je suis pas contre la foi des gens. Je veux bien critiquer les curés, les rabbins, les mollah, ceux qui interprètent la foi des autres à des fins politiques et pas toujours pacifiques. […] Je veux que la place des responsabilités du dessin soit toujours là.”