L’émotion est encore vive à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis) ce lundi, deux jours après l’agression d’un homme à la sortie de la synagogue Beth Hanna. Dans cette commune de Seine-Saint-Denis limitrophe de Paris, la communauté juive est partagée entre colère et amertume.
« Nous sommes abasourdis », soupire Claude Sarfati, président de la communauté juive audonienne. Samedi peu après midi, Salomon Z., 53 ans, rentrait à pied de la synagogue quand il a été pris à partie par un individu de 25 ans. « Un homme a commencé à l’insulter, plusieurs fois. Au début, il n’a pas répliqué, mais il a fini par lui demander de s’arrêter. Et là, il s’est fait cracher dessus. Puis il a reçu un coup de boule », raconte Claude Sarfati, qui s’est entretenu avec la victime à plusieurs reprises dans le week-end.
“Vas‑y, pique le, le juif”
Pour Claude Sarfati comme pour Sylvain Chlomik, vice-président du Bureau national de vigilance contre l’antisémitisme (BNVCA), le caractère antisémite de l’agression ne fait aucun doute. « Il a été agressé parce qu’il était juif », soutient Claude Sarfati, dépité. Le procès verbal sous les yeux, Sylvain Chlomik nous précise : « Il s’est fait traiter de ‘sale juif’ ». Alors que son agresseur sort un couteau, il est rejoint par deux autres individus, âgés de 25 ans également. L’un d’eux s’écrie alors « vas‑y, pique-le, le juif », a affirmé dimanche la victime au Parisien.
Salomon Z. est un habitué de la synagogue Beth Hanna de Saint-Ouen, ville où il réside depuis maintenant 15 ans. « Il est même plus qu’un habitué de la synagogue, c’est un fidèle, un pilier », s’exclame Claude Sarfati, encore bouleversé par les événements. Il devait se rendre à son chevet dans la journée. Salomon Z. a été hospitalisé ce lundi et n’a pas pu donner suite à nos demandes d’interview.
« A Saint-Ouen, on n’a pas vu d’agressions de ce type depuis longtemps » selon Claude Sarfati, qui affirme que le dernier cas similaire dont il se souvient remonte à au moins trois ans. « On a de très bonnes relations intercommunautaires ici », ajoute-t-il.
Forte augmentation des agressions antisémites en 2014
Au BNVCA, Sylvain Chlomik dit quant à lui que les appels concernant des actes antisémites se multiplient. “En ce moment, j’ai jusqu’à dix appels par jour”, déplore-t-il. Pour l’année 2014, le Crif (Conseil représentatif des institutions juives de France) a enregistré une forte augmentation du nombre d’agressions antisémites dans l’Hexagone. L’enquête du Service de protection de la communauté juive (SPCJ), en coopération avec le ministère de l’Intérieur, a recensé 851 actes antisémites l’an dernier, contre 423 en 2013, soit une augmentation de 101%.
Depuis les attentats de janvier, la protection des écoles et lieux de culte de la communauté juive a été renforcée. 717 établissements, dont 300 synagogues, font l’objet de cette vigilance particulière. “L’esprit de Charlie est mort”, se désole Sylvain Chlomik, amer. “La surveillance n’a pas changé grand chose, poursuit-il. On a transformé nos lieux de culte en bunkers, avec de la vidéo-surveillance et des policiers. Mais il faut croire que ce n’est pas suffisant”.