La loi sur le renseignement, qui a été adopté mardi 5 mai par les députés, avait vu son examen accélérer à cause des attentats de janvier. Le texte ne concerne en effet pas que le terrorisme. Son objectif est de « renforcer la politique de renseignement » afin de « prévenir les risques et les menaces pesant sur notre pays et sa population ».
Si la loi est votée, les services de sécurité auront le droit d’invoquer un large spectre de menaces pour justifier la surveillance d’un citoyen ou d’un organisme :
- la sécurité nationale
- les intérêts essentiels de la politique étrangère
- les intérêts économiques ou scientifiques essentiels
- la prévention du terrorisme
- la prévention de la reconstitution ou du maintien de groupement dissous
- la prévention de la criminalité organisée
- la prévention des violences collectives pouvant porter gravement atteinte à la paix publique
Une liste qui se veut exhaustive mais que les opposants au projet de loi estiment surtout trop vague pour ne pas mettre en danger les libertés individuelles.
Surveillance d’Internet
La disposition phare du projet est l’installation de « boîtes noires » chez les fournisseurs d’accès Internet (FAI). Ils seront tenus de détecter automatiquement les utilisateurs ayant une utilisation du web typique d’un terroriste. Ce ne sont pas les contenus des conversations qui seraient surveillés mais les métadonnées : qui écrit à qui, dans quel contexte, pendant combien de temps, en consultant quelles pages… L’objectif est de détecter les personnes faisant partie d’un réseau terroriste, mais aussi les djihadistes en herbe. Dans ce cadre, pourra faire l’objet d’une surveillance toute personne étant entrée en contact avec des personnes déjà suspectées.
Généralisation des écoutes
Seraient également légalisées : la pose de micros dans une pièce sur un objet, ou à l’intérieur d’un ordinateur, ainsi que l’utilisation des IMSI-catchers, qui permettent d’intercepter des conversations téléphoniques.
Si les magistrats, les avocats, les journalistes et les parlementaires sont un peu plus protégés que le reste des citoyens, ils pourront quand même faire l’objet d’écoute si le premier ministre l’autorise, après avis de la commission.
Fichage des citoyens
La loi prévoit également la création du Fijait (fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions terroristes) : il répertoriera toutes les personnes, mineurs compris, ayant été condamnées, ou mis en examen pour terrorisme, même si une procédure d’appel est en cours. Les données y seront conservées pendant dix ans, au maximum. Elles seront cependant effacées en cas de non-lieu, relaxe, acquittement, amnistie ou réhabilitation, ces informations seront effacées.
Commission de contrôle sans pouvoir
Ce que la loi prévoit, c’est surtout l’encadrement des services de sécurité. C’est pourquoi une commission de contrôle spécifique doit être créée : la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR). Composée de six magistrats du Conseil d’Etat et de la Cour de cassation, de trois députés et trois sénateurs de la majorité et de l’opposition, ainsi que d’un expert technique, elle devrait remplacer l’actuelle Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS).
Son rôle est consultatif : avant chaque opération de surveillance, elle donnera son avis. Mais celui-ci ne sera pas contraignant. En plus, deux exceptions sont prévues. En cas « d’urgence absolue » ou d’urgence exceptionnelle dans un cadre limité, cette étape pourra être passée. Un rôle extrêmement limité donc.
Elle pourra être contactée par des « lanceurs d’alerte » : des agents du renseignement qui suspecteraient un abus de la part de leur service. Aucune mesure de rétorsion ne pourra viser l’agent qui aurait dénoncé des actes potentiellement illégaux.