La liberté n’est jamais totalement acquise. L’organisation Reporters sans frontières (RSF) a fêté dimanche 3 mai, en musique, ses 30 ans, en même temps que la journée mondiale de la liberté de la presse. A cette occasion, des milliers de personnes se sont rassemblées à Paris, quatre mois après les attentas qui ont conduit à la mort de huit journalistes français. Huit journalistes qui font partie des vingt-quatre déjà enregistrés par l’organisation depuis le début de l’année dans le monde. Un drame exceptionnel au pays des droits de l’homme, où les journalistes n’ont pas l’habitude de craindre pour leur vie. Ils ne sont pas non plus arrêtés ou emprisonnés à cause de l’exercice de leur fonction.
Il n’empêche que la France ne peut se targuer d’être un excellent élève sur le plan de la liberté de la presse. Au contraire, Reporters sans frontières s’inquiète. Dans son dernier rapport, daté de février 2015, RSF place la France en 38e position. Alors qu’en 2002, elle trônait à la 11e place.
Les journalistes face à la justice
Dans son rapport de 2010, Reporters sans frontières notait : « l’Europe tombe de son piédestal ». En cause : « violation de la protection des sources, concentration des médias, mépris et même impatience du pouvoir politique envers les journalistes et leur travail, convocations de journalistes devant la justice ».
Protection des sources
Le plus gros problème des journalistes français est celui de la protection des sources : il doit pouvoir assurer l’anonymat à ses contacts. Les pouvoirs politiques et judiciaires ne doivent pas s’en mêler. Or, pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy, ce droit fondamental a été bafoué.
L’affaire la plus marquante reste celle dite des « fadettes » : la justice avait ordonné à un opérateur téléphonique de fournir les factures détaillées de plusieurs journalistes du Monde afin de découvrir qui leur fournissait des informations sur l’affaire Bettencourt, dans laquelle était impliquée le président de la République. Depuis, Reporters sans frontières réclame un renforcement de la protection du secret des sources. Et il s’agissait d’une promesse de campagne de François Hollande, réitérée en janvier. Mais pour l’instant, la loi proposée par la ministre de la justice Christiane Taubira n’a toujours pas été examinée.
Les journalistes cibles
L’organisation soulignait aussi en novembre que «les agressions contre les journalistes sont de plus en plus fréquentes en France », en particulier lorsqu’ils couvrent des manifestations. Le photographe Eric Bouvet a par exemple dû quitter la commémoration à la mémoire de Rémi Fraisse, décédé lors des affrontements avec la police sur le barrage de Sivens. Une photo de lui circulait dans les rangs des manifestants, appelant à la méfiance.
Et ce sont surtout les opposants au mariage pour tous qui se sont montrés vindicatifs à l’égard des journalistes. Des journalistes de LCP, de Rennes TV ou encore de l’AFP ont été agressés physiquement au plus fort des manifestations. Le Petit Journal les a montré scandant “journalistes, collabos !” et le collectif le Printemps français a publié un “ordre du jour […] immédiatement exécutoire” dans lequel il annonçait “tenir pour cible” les “organes” qui “diffusent l’idéologie [du genre]”, avec en ligne de mire les médias.
Ce constat résonne encore en ce mois de mai 2015 : vendredi, deux jours avant la fête de Reporters sans frontières, le député européen Bruno Gollnisch s’en prenait à une équipe de Canal Plus, lors du traditionnel rassemblement du Front National du 1er mai. L’équipe a ensuite été violemment agressée par des militants, alors qu’elle était exfiltrée par le service de sécurité. Dans l’émission du 4 mai, Yann Barthès explique comment tout cela s’est déroulé.