Justice, Religion / Laïcité

Comment Caroline Fourest s’est innocentée à tort

Caroline Fourest s'est emballée sur le plateau de "On n'est pas couché" sur France 2. En assurant avoir gagné son procès en appel sous la pression d'Aymeric Caron, l'essayiste a omis quelques étapes dans la procédure judiciaire.

Il fal­lait oser. Annon­cer avoir gag­né un procès en appel alors que la date de l’audience n’a tou­jours pas été fixée. Sur le plateau de l’émission « On n’est pas couché », dif­fusée same­di 2 mai, Car­o­line Fourest s’écharpe avec Aymer­ic Caron. Le chroniqueur l’interpelle sur ses façons de tra­vailler, notam­ment sur une con­damna­tion pour diffama­tion. La polémiste s’emporte et assure avoir gag­né ce procès en appel. Lau­rent Ruquier, le présen­ta­teur de l’émission, inter­vient et stoppe les chamailleries.

Com­mencé la veille de la dif­fu­sion de l’émis­sion sur leurs blogs respec­tifs, le com­bat con­tin­ue de sus­citer des réac­tions. Juridique­ment, rien ne peut laiss­er penser que Car­o­line Fourest a gag­né son procès. Retour sur les faits.

 

20 mai 2013 : une agression à Argenteuil

Rabia Ben­tot, une jeune femme voilée est agressée par deux indi­vidus à Argen­teuil (Val-d’Oise). Elle assure que ce sont deux skinheads.

25 juin 2013 : Fourest met la version de la victime en doute

Dans une chronique sur France Cul­ture, Car­o­line Fourest laisse enten­dre que Rabia Ben­tot aurait changé de ver­sions à plusieurs repris­es et qu’elle pour­rait même avoir été l’objet « d’un règle­ment de compte famil­ial ». Le père de la jeune femme, mineure à l’époque des faits, porte plainte pour diffamation.

22 octobre 2014 : Fourest condamnée en première instance

Le tri­bunal de grande instance de Paris con­damne Car­o­line Fourest pour diffama­tion. Elle doit pay­er 3 000 euros de dom­mages et intérêts ain­si que 3 000 euros de frais de jus­tice. Elle décide de faire appel de cette décision.

1er mai 2015 : Caron rappelle ces faits, contestés par Fourest

A la veille de la dif­fu­sion de « On n’est pas couché », enreg­istrée quelques jours plus tôt, Aymer­ic Caron dégaine le pre­mier sur son blog hébergé par Mediapart.

« Mais revenons à la chronique sur Rabia Ben­tot. Car c’est ici que va se dérouler sur le plateau d’On n’est pas couché un éton­nant moment : Car­o­line Fourest rétorque avec aplomb qu’elle n’a pas été con­damnée. Eton­nement. L’affaire aurait-elle con­nu un rebondisse­ment qui aurait échap­pé à tous ? Je lui demande alors si elle a gag­né le procès en appel. Elle me répond que oui. Et quelques instants plus tard, excédée, elle ten­tera de détourn­er l’attention en choi­sis­sant la voie de l’invective en me trai­tant de « con ». Estom­aqué, je choi­sis alors de cess­er l’interview : à mes yeux, l’insulte coupe court à toute ten­ta­tive de dia­logue. »

Car­o­line Fourest lui répond peu après sur le sien.

« Il (ndlr : le père de Rabia Ben­tot) a obtenu gain de cause en pre­mière instance à la très grande sur­prise de mes avo­cats, tout à fait con­fi­ants pour l’appel. L’avocat adverse doit penser la même chose. Il a délibéré­ment lais­sé fil­er le délai de pre­scrip­tion pour que cet appel n’ait pas lieu, et aban­don­né les pour­suites. Je suis donc affranchie de cette plainte ridicule. » 

3 mai 2015 : l’avocat de la famille assure que l’affaire est encore en cours

Quelques heures après la dif­fu­sion de l’émission, l’avocat de la famille Ben­tot rec­ti­fie via Face­book :

« Con­traire­ment à ce qui peut se dire, l’af­faire est tou­jours en cours et Rabia Ben­tot ne nous a aucune­ment don­né pour con­signe de nous dés­in­téress­er de l’affaire l’opposant à Car­o­line Fourest. Notre déter­mi­na­tion à voir la cour d’appel de Paris con­firmer le juge­ment du tri­bunal de grande instance reste intacte. »

Dans ses pro­pos, Car­o­line Fourest, fait donc un rac­cour­ci. Aucune date n’ayant été pour l’heure fixée pour une nou­velle audi­ence, l’essayiste en a peut-être déduit que la famille s’était rétrac­tée. Mais, dans ce genre de sit­u­a­tion, elle n’a aucune démarche à effectuer, étant don­né que le tri­bunal a statué en sa faveur. Tant qu’il n’y a pas de procès en appel, venant éventuelle­ment infirmer le juge­ment de pre­mière instance, Car­o­line Fourest reste bel et bien con­damnée pour diffamation.