Monde

Pour les migrants de la gare du Nord, Paris n’est qu’une étape

Mohammed ne sourit pas, son vis­age se ferme à mesure qu’il revient sur son passé. Ses nuits à Paris sont pires qu’il ne l’imaginait. Les yeux dans le vide, il pré­cise pour­tant qu’il ne regrette pas sa sit­u­a­tion actuelle. « Pour rien au monde je ne retourn­erais en Ery­thrée. Je préfère mille fois être ici, même si c’est dur », assure, dans un anglais ban­cal, le jeune homme de 20 ans. Son che­ich sur la tête souligne de grands yeux tristes et fatigués. “J’ai décidé de m’échap­per parce que mon pays natal oblige les hommes de 15 à 85 ans à aller se bat­tre à la guerre”.

Comme Mohammed, ils sont tous les jours près de 450 migrants, majori­taire­ment Ery­thréens, à se réveiller sous le métro aérien du quarti­er de la gare du Nord. Les plus chanceux ont passé la nuit sous une tente, les derniers arrivés doivent se con­tenter d’une bâche, de leurs vête­ments usés et du sol parisien. Mais pour la plu­part, Paris n’est qu’une escale.

“Là-bas, je pourrai vivre dans des conditions décentes”

Cinq, dix, quinze jours sur place. Pas plus. Yacob, 19 ans, arrivé à Paris il y a cinq jours, n’a qu’une idée en tête : par­tir à Calais. “Un ami sur place m’a expliqué qu’on pou­vait aller dans un cen­tre de réfugiés”, racon­te le jeune homme dans un français hési­tant. Sourire timide aux lèvres, Yacob avoue se sen­tir un peu seul ici dans cette grande ville où il souf­fre du froid la nuit. “Grâce aux asso­ci­a­tions, je peux manger du poulet et du riz, mais j’aimerais rejoin­dre mon ami le plus vite pos­si­ble à Calais”. Les hommes assis à ses côtés ne par­lent ni français, ni anglais… Une bar­rière de plus qui accentue leur isolement.

 

Autour du camp, on trou­ve des sacs plas­tiques, des cou­ver­tures de survie ou encore des chaussures.

 

Dans ce camp impro­visé, hommes et femmes cherchent à pass­er le temps en atten­dant “le bon moment”. Des raque­ttes usées, deux balles et une table : des jeunes en jog­ging jouent sans relâche au ping-pong dans le petit parc en face du pont. “Au moins ils s’amusent un peu”, mur­mure Yacob, l’air triste. Une brosse à dent à la main, un jeune homme d’une ving­taine d’années regarde d’un oeil le match et cherche une fontaine pour se laver les dents. Dans ce camp de mis­ère, l’hy­giène n’est pas négligée.

Depuis sept jours déjà, Mohammed attend le top départ pour quit­ter la cap­i­tale. Il espère par­tir vite en Angleterre : “Là-bas, je pour­rai vivre dans des con­di­tions décentes car les Anglais accueil­lent beau­coup mieux les migrants qu’ici.” Un nou­v­el espoir pour cet Ery­thréen à la recherche d’une nou­velle vie. A Lon­dres, il espère trou­ver un tra­vail. Là-bas, il pour­ra envoy­er de l’ar­gent à sa famille restée au pays. Son passé sera der­rière lui, ses jours sur le bitume parisien aussi. 

Décou­vrez avec notre carte inter­ac­tive le long voy­age de Mohammed, par­ti d’Erythrée