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Afrique du Sud : les raisons pour lesquelles le pays s’est embrasé

Plusieurs milliers de Sud-Africains ont manifesté jeudi contre les violences xénophobes. Depuis le début des émeutes, 7 personnes sont mortes, et plusieurs milliers de personnes ont dû être déplacées. Retour sur trois semaines de violence.

« L’Afrique est unie, nous sommes tous Africains. » C’est le mes­sage délivré jeu­di 23 avril par env­i­ron 10 000 Sud-Africains dans les rues de Johan­nes­burg. Les man­i­fes­tants sont venus réclamer la fin des vio­lences xéno­phobes qui endeuil­lent l’Afrique du Sud depuis la fin mars.

7 per­son­nes sont mortes, et plusieurs mil­liers de per­son­nes ont dû être déplacées depuis le début des émeutes à Dur­ban. L’ar­mée a été déployée et depuis, la sit­u­a­tion est rev­enue au calme. Retour sur trois semaines de violence.

La mauvaise réputation

Les com­mu­nautés étrangères africaines, accusées par cer­tains Sud-Africains d’être en sit­u­a­tion irrégulière, de vol­er leur tra­vail ou encore de ven­dre de la drogue, sont visées par ces vio­lences. Au moins 400 Malaw­ites ont dû ren­tr­er dans leur pays, par peur des attaques xéno­phobes. Des bus ont même été affrétés par le Malawi et le Zim­bab­we pour rap­a­tri­er leurs ressortissants.

Par­ties de Dur­ban, ces vio­lences se sont rapi­de­ment propagées à la cap­i­tale. Les autorités publiques, accusées de lax­isme, ont déployé mar­di des mil­i­taires dans les quartiers les plus sen­si­bles. « L’ar­mée va être util­isée comme force de dis­sua­sion con­tre la crim­i­nal­ité que nous obser­vons », a déclaré, la min­istre de la Défense, Nosivi­we Mapisa-Nqakula.

Depuis bien­tôt dix ans, la sit­u­a­tion se détéri­ore en Afrique du Sud. Déjà en 2008, le pays était en proie à une série de vio­lences. Les town­ships de Johan­nes­burg, Dur­ban et Le Cap s’étaient embrasés : 62 per­son­nes étaient mortes durant ces vio­lences et 16 000 avaient été déplacées.

A l’époque, les ressor­tis­sants de la com­mu­nauté étrangère africaine étaient pris pour cibles pour les mêmes raisons.

Le roi des Zoulous et le fils du président ont mis le feu aux poudres

Selon les organ­i­sa­tions des droits de l’homme, plusieurs déc­la­ra­tions publiques ont embrasé le pays. Par­mi elles, celles de Good­will Zwelithi­ni. Le roi des Zoulous jouit d’une influ­ence impor­tante puisqu’un cinquième de la pop­u­la­tion sud-africaine appar­tient à cette eth­nie. Fin mars, il inci­tait les étrangers à « faire leurs bagages et s’en aller ». Cette déc­la­ra­tion a fait polémique et coïn­cide avec le début des émeutes.

Son influ­ence est immense, surtout auprès du prési­dent Jacob Zuma, issu de la même eth­nie. Le fils du prési­dent lui-même, Edward Zuma, a déclaré que ces étrangers vien­nent en Afrique du Sud « armés » et « con­tribuent aux prob­lèmes de drogues », ajoutant qu’il fal­lait les « déporter », du fait de leur dangerosité.

« Nous ne pou­vons écarter la pos­si­bil­ité d’un coup d’É­tat dans le futur. Le gou­verne­ment doit expulser les illégaux. »

Edward Zuma s’est par la suite excusé, pré­cisant mal­adroite­ment qu’il ne visait que les Blancs et les Asiatiques.

La moitié des jeunes actifs au chômage

La sit­u­a­tion économique est l’autre expli­ca­tion majeure de la ten­sion dans le pays : le chô­mage con­tin­ue de touch­er une grande par­tie de la majorité noire, plus de vingt ans après la fin du régime raciste d’apartheid.


Le taux de chô­mage est très impor­tant : une per­son­ne sur dix est touchée, soit 6,5 mil­lions de sud-africains.

Les town­ships, les quartiers pau­vres où vivent les étrangers africains, sont aus­si les plus touchés par les vio­lences : l’ar­mée a été appelée en ren­fort cette semaine pour épauler la police lors de deux descentes dans des foy­ers de tra­vailleurs, accusés de cibler les immi­grés du Malawi, du Mozam­bique et du Zimbabwe.

Les chiffres offi­ciels font état de 2 mil­lions d’étrangers dans le pays, voire 5 mil­lions si les étrangers en sit­u­a­tion irrégulière sont inclus. La “nation arc-en-ciel” compte env­i­ron 60 mil­lions de citoyens.

Image d’en-tête : Dans le town­ship d’Alexan­dra, à Johan­nes­burg, la com­mu­nauté étrangère africaine tient des échoppes comme celles-ci. (CC-BY-SA Lebo­gang Nkoane)