Plusieurs fois déclaré mort ou blessé, Abou Bakr Al-Baghdadi gagne pourtant en puissance. Autoproclamé “calife” de l’Etat islamique (EI), ce chef cultive le mystère. Une tactique qui alimente son image charismatique.
Abou Bakr Al-Baghdadi aurait été “sérieusement blessé lors d’un raid aérien” mené par les Etats-Unis le 18 mars dernier. Le Guardian l’affirmait mardi 21 avril en présentant la nouvelle comme une information exclusive. C’est une source proche de l’organisation de l’Etat Islamique, dirigée par Al-Baghdadi, qui a alerté le quotidien britannique. Le soir même, le colonel Steven Warren, porte-parole du Pentagone a déclaré que l’information “avait déja émergé” à la mi-mars. Le ministère de la défense américain avait alors estimé “qu’il n’y avait rien pour indiquer que Al-Baghdadi avait été blessé ou tué”. “Il n’y a rien qui indique un changement” dans cette évaluation, a conclu hier Steven Warren.
Il appelle tous les musulmans à lui “obéir”
Ce n’est pas la première fois que l’état de santé d’Al-Baghdadi agite la sphère médiatique. En 2005, les Etats-Unis avaient même annoncé sa mort. Cinq ans plus tard, en 2010, il a “ressuscité”, plus puissant que jamais, à la tête de l’Etat Islamique en Irak et au Levant (EIIL).
Il s’est autoproclamé, le 29 juin 2014, premier jour de ramadan, “calife” de tous les musulmans. En novembre de la même année, la rumeur courait une nouvelle fois qu’il aurait été tué ou blessé.
Si la vie de ce quadragénaire irakien est un sujet récurrent, c’est parce que sa disparition serait un coup important porté à l’EIIL. Il est certainement le djihadiste le plus puissant au monde et fait partie des terroristes les plus recherchés par le FBI avec le chef d’Al-Qaïda, Ayman Al-Zawahiri. Les Etats-Unis offrent une prime de 10 millions de dollars pour sa capture soit environ 8,8 millions d’euros. Il dirige une organisation qui compte plusieurs dizaines de milliers de combattants (aucun chiffre précis n’est disponible) basés dans onze pays.
Il s’était exprimé en juillet 2014, dans une mosquée à Mossoul, appelant tous les musulmans à lui “obéir”. Une intervention qui a été filmée par la chaîne France 24:
Ses apparitions publiques sont exceptionnelles. Le chef de file de l’EI n’est pas un amateur de messages filmés (sur le modèle de grands chefs terroristes comme Oussama Ben Laden) et son parcours est méconnu.
“Le croyant” était un élève médiocre
Né en 1971 en Irak, Ibrahim Awad Ibrahim Al Badry de son vrai nom, rejoint l’insurrection des salafistes en Irak en 2003 lors de l’intervention américaine. Il est arrêté en 2004, par erreur, alors que les Américains souhaitent capturer une de ses connaissances, Nessayif Numan Nessayif. Il reste alors détenu à Camp Bucca pendant dix mois. Ces informations ont été révélées par le site Business Insider qui s’est procuré son dossier de détention. Dans ce document, Al-Baghdadi était seulement répertorié comme prisonnier civil. Il n’est à aucun moment qualifié de membre d’un groupe armé. Dans la case “profession”, il est indiqué qu’il occupe un poste de secrétaire. A l’époque, il est aussi marié.
Un char devant la prison de Camp Bucca, en Irak (crédit: Wikimedia Commons)
Sa jeunesse a aussi fait l’objet d’une enquête par des médias allemands, le journal Süddeutsche Zeitung et la chaîne de télévision ARD : plusieurs échecs égrènent le parcours du futur terroriste. Al-Baghdadi aurait redoublé une classe à cause de ses mauvaises notes en anglais et n’aurait pu intégrer l’armée à cause de sa myopie. En raison d’un dossier scolaire jugé trop faible, il n’est pas non plus parvenu à intégrer les murs de la faculté de droit et s’est alors dirigé vers des études de théologie islamique qui dureront huit ans.
Les informations divergent quant à son lieu de naissance précis. Son dossier d’emprisonnement de Camp Bucca indique qu’il est né à Fallujah tandis que la plupart des sites d’information affirment qu’il est originaire de Samarra. Les journalistes allemands sont allés à la rencontre des résidents de cette ville de 200 000 habitants située au nord de Bagdad. Certains habitants racontent que Al-Baghdadi était surnommé “le croyant”. Des anciens voisins ont révélé qu’il est le troisième d’une fratrie de quatre garçons issus d’une famille musulmane sunnite très pieuse. Un de ces voisins aurait déclaré : “Nous étions tous complètement choqués de le voir calife” mais aurait aussi admis que le jeune Baghdadi “aimait déja le pouvoir”.