Justice, Sécurité, Terrorisme

Attentat déjoué à Villejuif : qui est Sid Ahmed Ghlam ?

Etudiant "féru d'informatique", actif sur les réseaux sociaux où il manifestait son attrait pour la Syrie, Sid Ahmed Ghlam était discret selon son voisinage. Jusqu'à son arrestation par la police, qui le soupçonne d'avoir planifié un attentat et d'être lié à un meurtre.

L’é­tu­di­ant dis­cret pré­parait vraisem­blable­ment un atten­tat depuis quelques mois. Sid Ahmed Ghlam, l’é­tu­di­ant algérien de 24 ans arrêté dimanche 19 avril et soupçon­né d’un meurtre à Ville­juif ain­si que d’une attaque con­tre une église, résidait dans la cham­bre 310 (aujour­d’hui sous scel­lés) d’un foy­er étu­di­ant ultra-mod­erne du XII­Ie arrondisse­ment de Paris. C’est à quelques pas de là qu’il a été arrêté dimanche, blessé à une jambe.

La porte-parole du Crous, Con­stance Blan­chard, con­fie à l’AFP que l’é­tu­di­ant se fai­sait dis­cret : “C’est la pre­mière fois qu’on entend par­ler de lui depuis qu’il a pris l’ap­parte­ment, il n’y a eu aucun sig­nale­ment, il payait son loy­er nor­male­ment, dans les 200 euros par mois”.

L’an­nonce de l’ar­resta­tion de Sid Ahmed Ghlam par Bernard Cazeneuve, mer­cre­di matin, a beau­coup sur­pris. Un de ses voisins, Léo Coeur, racon­te : “Je suis un peu choqué d’ap­pren­dre ça comme ça”. L’é­tu­di­ant de 18 ans en philoso­phie à Paris 1, qui a observé le déploiement polici­er dimanche, se dit “inqui­et”.  “J’ai peur qu’il se passe quelque chose dans une fac parisi­enne”, soupire-t-il. Quant à Con­stance Blan­chard, elle a évo­qué une “sit­u­a­tion pas évi­dente” pour les 70 étu­di­ants et le per­son­nel de cette rési­dence étu­di­ante jaune et grise aux bal­cons oranges, dans un quarti­er entière­ment rénové.

Con­nu des ser­vices de renseignement

Dans la cham­bre 310, un arse­nal d’armes a été retrou­vé lors de la perqui­si­tion. Les policiers ont égale­ment décou­vert des doc­u­ments étab­lis­sant que Sid Ahmed Ghlam avait plan­i­fié, selon le gou­verne­ment, un atten­tat “immi­nent” con­tre “une ou deux églis­es”. Selon le pro­cureur de la République, il s’a­gi­rait de “doc­u­ments en langue arabe évo­quant les organ­i­sa­tions ter­ror­istes Al-Qaï­da et Etat islamique”. François Molins ajoute que le sus­pect “était en con­tact avec une autre per­son­ne pou­vant se trou­ver en Syrie avec laque­lle il échangeait sur les modal­ités de com­mis­sion d’un atten­tat, ce dernier lui deman­dant explicite­ment de cibler par­ti­c­ulière­ment une église”. Sid Ahmed Ghlam n’au­rait donc pas agi seul. Cer­tains élé­ments témoignent d’une pré­pa­ra­tion minu­tieuse. Le sus­pect sem­ble ain­si avoir chronométré le temps que met­traient les policiers à inter­venir, d’après les pre­miers élé­ments de l’enquête.

Sid Ahmed Ghlam est arrivé en France en 2001, via le regroupe­ment famil­ial. Il est repar­ti en Algérie en 2003, et a passé son bac­calau­réat là bas en 2010. Depuis 2011, il est revenu en France pour faire des études dans l’électronique.

Sid Ahmed Ghlam avait exprimé sur Face­book, “comme des dizaines voire cen­taines d’autres, son envie de par­tir en Syrie” pour y men­er le jihad, selon une source poli­cière con­tac­tée par l’AFP. Le sus­pect était d’ailleurs con­nu des ser­vices de ren­seigne­ment. Il fai­sait l’ob­jet d’une “fiche S” de la direc­tion générale de la sécu­rité intérieure (DGSI), qui implique une sur­veil­lance dis­crète au nom de la sûreté de l’E­tat. Mais les “véri­fi­ca­tions sur l’en­vi­ron­nement” de l’é­tu­di­ant, réal­isées en 2014 et 2015, n’ont pas révélé d’élé­ments jus­ti­fi­ant une enquête judi­ci­aire, assure le gou­verne­ment.

Selon Le Monde, le sus­pect aurait passé une semaine en Turquie cette année. Placé en garde à vue dès son retour, il aurait été relâché, faute d’élé­ments probants per­me­t­tant de “justi­fi­er l’ou­ver­ture d’une infor­ma­tion judi­ci­aire”, selon Bernard Cazeneuve. Le pro­cureur de la République a con­fir­mé que le sus­pect n’avait jamais été con­damné par la jus­tice. Il a seule­ment fait l’ob­jet “d’une procé­dure classée sans suite pour vio­lences volon­taires en 2013″, a ajouté François Molins.

“Pas un extrémiste de l’Is­lam”, selon sa soeur

Mal­gré les preuves accu­mulées par les enquê­teurs, la soeur de Sid Ahmed Ghlam est scep­tique. La jeune femme, qui habite Saint-Dizier (Haute-Marne), n’a pas remar­quée de signes de rad­i­cal­i­sa­tion chez le sus­pect : “Mon frère n’a pas changé. Il n’y a pas eu de rad­i­cal­i­sa­tion. Je suis choquée par tout ça. Nous, on n’y croit pas. (…) Mon frère aus­si par­le avec les femmes et les respecte. Il est resté comme il a tou­jours été. Il n’a jamais eu de pro­pos extrémistes”. Elle ajoute : “Je suis allée chez lui il n’y a pas longtemps et il n’y avait rien de tout ce qui a été décrit dans les médias (des armes notam­ment, Ndlr). (…) Je l’ai eu au télé­phone same­di, il m’a demandé des nou­velles des enfants et du quarti­er. Je l’ai vu aus­si mar­di dernier, il était nor­mal et joyeux. Il devait même venir nous voir dimanche”. 

La jeune femme pense que son frère n’est pas directe­ment respon­s­able des faits qui lui sont reprochés : “On ne croit pas que des armes ont été retrou­vées chez lui. Je pense qu’il a été manip­ulé par des gens de l’ex­térieur, qui l’ont peut-être men­acé. On n’est pas des terroristes”.

Plusieurs mem­bres de son entourage sem­blent aus­si avoir bas­culé dans l’is­lam rad­i­cal. A Saint-Dizier (Haute-Marne) où vit la famille, des opéra­tions de police se sont déroulées dans la par­tie pavil­lon­naire du Vert-Bois, un quarti­er pro­pret et arboré, avec des maisons d’un étage col­lées les unes aux autres.

Une jeune femme inter­pel­lée en Haute-Marne

Mer­cre­di matin, les policiers de la Brigade de recherch­es et d’in­ter­ven­tion (BRI) ont arrêté une jeune femme. Le pro­cureur a con­fir­mé son “place­ment en garde à vue dès 6 heures de matin”. Elle se trou­ve actuelle­ment au 36 Quai des Orfèvres, à Paris. François Molins n’a pas voulu con­firmer l’i­den­tité de cette per­son­ne. Selon la soeur de Sid Ahmed Ghlam, il s’a­gi­rait de l’an­ci­enne com­pagne du sus­pect : “C’é­tait mon ex-copine. Je l’ai ren­con­trée à la mosquée, mais je ne lui par­le plus depuis un an et demi. Mais avant ça, elle voulait se mari­er avec lui, mais ça ne mar­chait pas. Il n’a pas voulu”.

Habil­lée d’une burqa et vraisem­blable­ment con­ver­tie à l’is­lam, selon des sources proches de l’en­quête, elle résidait depuis six ou sept mois dans un petit pavil­lon loué dans le quarti­er avec deux enfants en bas âge, les volets tou­jours fer­més. Sid Ahmed Ghlam y venait le week-end.

Une voi­sine racon­te que la femme de 25 ans est “extrême­ment dis­crète, ne faisant pas d’his­toire. On ne la voy­ait que lorsqu’elle allait chercher ses enfants à l’é­cole.” C’é­tait la seule femme à porter la burqa dans le quarti­er, ajoute-t-on dans le voisinage.

(avec AFP)