Le premier séminaire interacadémique de la “grande mobilisation de l’école pour les valeurs de la République” s’est tenu ce week-end au lycée Jean-Zay de Paris.
La ministre de l’Éducation nationale, Najat Vallaud-Belkacem, en avait annoncé le principe à la suite des attentats jihadistes de janvier. Avec l’idée, pour commencer, qu’un millier d’enseignants, documentalistes, proviseurs, inspecteurs, conseillers d’éducation ou d’orientation puissent demain former leurs pairs à la citoyenneté et à la lutte contre les préjugés.
“La tâche est grande, les enjeux de formation sont très forts”, note l’historien Benoît Falaize, pour qui “la question religieuse s’est imposée et irrigue l’école”.
Le philosophe Abdennour Bidar décrit des situations concrètes : “Certaines élèves gardent leur voile le plus longtemps possible, l’enlèvent deux mètres trop tard, jouent au chat et à la souris avec le CPE (conseiller principal d’éducation, ndlr), demandent un lieu pour se déshabiller…” Il souligne la subtilité de l’exercice : “Cela exige de la fermeté mais aussi du discernement, et quand la situation se tend, il s’agit d’apporter une réponse concertée. Pas de monter la fleur au fusil en défendant la laïcité de manière éruptive, ce qui met l’établissement en porte-à-faux.”
Et cet expert d’inviter à considérer les situations dans leur ensemble, sans déni ni fixation: “Même s’il y a 30 ou 40 jeunes filles portant une abaya (robe musulmane longue, ndlr), il y a des centaines d’autres élèves dans cet établissement : notre responsabilité est de transmettre à tous les valeurs de la République.”
“Discours culpabilisant”
Une enseignante “dans un lycée à problèmes”, fière de mener “des élèves musulmans à la mention Très Bien au bac”, se lève : “Je suis triste de voir qu’on ne dit pas assez que l’école de la République, ça marche encore. On est dans un discours extrêmement culpabilisant et destructeur. Il y a des échecs mais aussi des réussites. C’est aussi la société civile qui souffre de problèmes.”
“On avait lâché des choses, abandonné quelques principes… Peut-être qu’une telle journée rafraîchit la mémoire”, confie à l’AFP, à l’issue du séminaire, un inspecteur de l’Éducation nationale d’une académie d’outre-mer.
Professeur de lettres dans un lycée du Havre, Laurence Ronzier a pu échanger sur sa manière de considérer la parole de l’adolescent. Quand par exemple une jeune fille lance, lors d’un cours sur L’Ecole des femmes de Molière: “Toutes les femmes sont vicieuses”, ou “quand des élèves ont parfois osé dire: ‘Je ne suis pas Charlie’ “. “Tout cela se démine. Le dialogue est important, il faut laisser parler l’enfant et travailler sur ses mots avec lui”, dit-elle.
Sept autres séminaires sont prévus sur le territoire en mars et avril. Mille formateurs vont être mobilisés pour aider leurs collègues à promouvoir la laïcité à l’école, et déminer les situations difficiles. Au total 300 000 enseignants doivent être formés d’ici juin dans le cadre de cette mobilisation, selon les plans du ministère de l’Éducation nationale.
(Avec AFP)