Ils ont marché par milliers le 11 janvier, inondé les réseaux sociaux de messages de soutien, traversé la France à pied, de Bordeaux à Paris. Pour rendre hommage aux 17 victimes des attentats perpétrés entre le 7 et le 9 janvier dernier, les lycéens ont répondu présents.
Deux mois après l’attaque contre la rédaction de Charlie Hebdo, le président de l’Assemblée nationale Claude Bartolone se rend dans le Béarn ce vendredi pour les rencontrer. Au menu de cette visite, des échanges sur les questions d’engagement, de laïcité et de citoyenneté. Une occasion de mesurer si les jeunes se sentent toujours concernés par les événements tragiques qui ont frappé la France.
Dans les lycées Marcelin Berthelot de Saint-Maur, et Edouard Branly de Nogent-sur-Marne, dans le Val-de-Marne, les attentats des 7, 8 et 9 janvier ont provoqué une vive émotion. En première ligne pour porter la voix de l’ensemble des lycéens, les journaux lycéens ont été immédiatement sollicités.
Rédacteur en chef de la « Mouette Baîllonée », journal étudiant de Marcelin Berthelot, Louis se souvient :
« J’ai appris qu’il y avait eu des attentats en rentrant chez moi. À partir de là le téléphone n’a pas arrêté de sonner. J’ai reçu beaucoup de messages qui disaient ‘Réagissez’ ou ‘La Mouette doit réagir’.»
La rédaction a dû composer avec un contexte particulièrement difficile : deux étudiants de l’établissement ont été personnellement touchés par les attentats. L’un a perdu son père, correcteur à Charlie Hebdo. L’autre a perdu son oncle dans la prise d’otage de l’Hyper Cacher. Le numéro spécial qui a suivi a été composé avec les contributions de l’ensemble des élèves du lycée.
« On a lancé un appel sur les réseaux sociaux, on en a parlé autour de nous. On a reçu une quarantaine ou une cinquantaine de mails. Tout le monde a participé, de la seconde aux classes prépas. Le journal a été tiré à 1200 exemplaires, tout a été distribué. »
Dans « L’Inébranlable », journal du lycée Edouard Branly, un dossier spécial de huit pages élaboré en urgence par les étudiants de la rédaction au lendemain des attaques a provoqué le même élan. Co-rédacteur en chef du journal, Luca explique :
« C’est la première fois qu’un numéro ne provoque que des retours positifs. Beaucoup de gens sont venus nous voir pour nous féliciter. »
« Personne n’est mort depuis deux mois, alors il n’y a plus rien à dire »
Pour autant, deux mois plus tard, l’émotion est retombée à Nogent-sur-Marne. L’effervescence, les questionnements, et les débats qui ont suivi les attentats se sont fait plus discrets. Beaucoup plus discrets. « On n’en parle plus du tout », regrette Anna, directrice de publication de « L’Inébranlable », « Il y en a beaucoup qui considèrent que c’est du passé. C’est presque comme s’ils disaient : ‘personne n’est mort depuis deux mois alors il n’y a plus rien à dire.‘»
Louise, co-rédactrice en chef, acquiesce et ajoute :
« On en parle beaucoup sur le moment, et puis après plus rien. Il y a eu quand même d’autres attentats à Copenhague (Le 14 février, ndlr) et personne n’en a parlé.»
Au lycée Marcelin Berthelot, la situation des deux élèves touchés pousse l’ensemble des étudiants à la discrétion. Les nouvelles contributions reçues par la rédaction de la « Mouette bâillonnée » pour le prochain numéro ne font plus mention des attentats. « Tout le monde a compris qu’il ne fallait pas en parler pour l’instant, souligne Louis. C’est encore trop frais. Mais je me doute que dans deux ou trois mois, on recevra des articles là-dessus. »
Si la discrétion reste de mise, elle n’empêche pas le débat pour autant. Des couloirs du lycée où il était cantonné, il s’est déplacé désormais dans le cadre plus confidentiel des salles de cours :
« Il y a une vraie volonté des élèves d’aller vers les professeurs pour en parler dans les classes, c’est toujours le cas aujourd’hui. Pour nous, c’est le 11 septembre français. »
« On voudrait faire quelque chose de grand »
Dans les deux cas, les équipes des journaux étudiants espèrent bien pouvoir relancer les discussions à une plus large échelle. La rédaction de « L’Inébranlable » planche avec l’administration du lycée Edouard Branly sur plusieurs projets. Louise explique :
« On voudrait organiser des débats, des expositions, des réflexions sur des films. Il y a déjà beaucoup de choses envisagées dans le lycée. On voudrait faire ça dans le cadre de la semaine de la presse. Ces évènements ne seront pas centrés sur les attentats, ce sera plutôt une réflexion sur la presse. »
À Saint-Maur, l’équipe de « La Mouette bâillonnée » n’a pas encore défini les contours des évènements à venir, même si quelques idées ont déjà germé en attendant un contexte plus favorable. « On voudrait organiser une réunion pour que les élèves puissent en parler, pourquoi pas faire venir Philippe Val (ancien directeur de Charlie Hebdo, ndlr) », explique Louis. Chargé de la communication du journal, Pierre-Louis ajoute :
« On voudrait faire quelque chose de grand »
Photo : les Unes de la “mouette bâillonnée” et de l’Inébranlable”, deux journaux lycéens qui traitent de l’après-Charlie.