3millions7 : Que retenez-vous de ces tables rondes organisées ce vendredi en Béarn?
Claude Bartolone : “Il faut qu’on se serve de ces expériences dans le cadre de notre mission pour amener au président de la République des propositions. Ce sont des témoignages qui sont utiles. Nous avons intérêt à ce que dès l’école l’engagement associatif soit valorisé et accompagné. On sait ce que peut représenter cette force du vivre ensemble.
On ne peut pas venir en séance à l’Assemblée nationale sans se poser la question de ce que l’on doit faire dans des établissements difficiles. Il faut mener une réflexion et se servir de ce qui marche.”
N’est-ce pas contradictoire de demander de développer l’engagement associatif tout en coupant leurs crédits ?
“Si bien sûr, c’est une piste sur laquelle nous sommes mobilisés. Les coupes budgétaires, qui sont bien réelles et qui handicapent les associations, ne sont pas un bon signal.
En tant qu’ancien ministre de la Ville, je connais les difficultés pour les associations de maintenir à flot les trésoreries. C’est une grande préoccupation et des projets sont déjà mis en route.”
Pensez-vous que l’esprit du 11 janvier est toujours intact en France ?
“Lors du la marche du 11 janvier, une graine a été semée. Tout dépend désormais de notre volonté de l’arroser et de la faire pousser. Ca dépend de la volonté de chacun. Les attentats qui ont touché la France ont été collectivement traumatisant, au travers de l’assassinat de nos compatriotes. C’est un signal d’alerte.
Les Français ont su entendre ce signal. Notre mission est le fruit de cet événement. A nous de décider si ces évènements resteront dans les pages noires de notre Histoire ou si nous retrouvons la volonté de vivre ensemble et de se reconnaître dans les valeurs de la République.
Je suis député de la Seine Saint Denis, les gens se demandent s’ils sont réellement concernés par les valeurs de la République. Nous sommes là aussi pour réfléchir sur la façon d’installer cette idée de “République partout ».
Il faut arrêter d’opposer le monde rural et le monde urbain, sur celui qui est plus avantagé que l’autre. Il faut que la République soit partout. Notre mission est aussi faite pour ça. Il faut retrouver les mots et les codes pour faire revivre le vivre ensemble.”
Cet après-midi, les élèves ont eu du mal à définir et à travailler sur la laïcité, comment l’expliquez-vous ?
“Je pense que la laïcité est plus ressentie comme un élément qui bride que comme une loi qui libère. La loi de 1905 doit être expliqué par les responsables politiques et religieux. C’est une loi qui protège, pour que chacun puisse vivre avec sa propre religion.
Mais la question de la laïcité revient avec l’irruption de la religion musulmane dans notre société. Lors des discussions sur cette loi, elle était combattue par l’Eglise catholique car elle était considérée comme anti-cléricale.
Mais la religion musulmane est une religion complexe, qui a une relation directe avec Dieu. Ce n’est pas une religion de représentativité. C’est tout le travail que mène en ce moment de Manuel Valls et son gouvernement, trouver une représentativité à l’islam de France.”
Faut-il rendre obligatoire le service civique ?
“Ce matin lors des tables rondes on a eu les deux réactions de la part des élèves. On voit cette hésitation qui peut exister. C’est une interrogation que nous aurons jusqu’au bout.
Moi je ne suis pas pour le côté obligatoire. Je ne veux pas que l’engagement devienne un moment banal. Par exemple les cours d’instruction civiques qui sont dispensés aux élèves se sont banalisés.
Il y a eu cet élève ce matin qui comparait sa vie dans un quartier populaire et son lycée à Montardon, dans un milieu rural. Il a bien expliqué la difficulté d’aller vers l’autre. Il faut appréhender ce problème pour apporter une réponse. Cela nous pose des difficultés, il faut amener les gens à se connaître.
Depuis la fin du service militaire, il n’y a plus d’occasion d’être ensemble. C’est un sujet sur lequel nous sommes obligés de réfléchir.”
Propos recueillis par Jérémie Lamothe.
Photo d’en-tête : Le président de l’Assemblée nationale Claude Bartolone lors de sa visite à Montardon (Jérémie Lamothe / CFJ)