Ils disent “n’être porteurs d’aucun message officiel”. Gérard Bapt (PS), Jean-Pierre Vial (UMP), François Zocchetto (UDI) et Jacques Myard (UMP) étaient reçus mardi dernier à Damas, en Syrie. En acceptant l’invitation de Bachar al-Assad, les quatre élus sont pourtant allés contre la ligne diplomatique de la France, provoquant l’ire du président de la République et du Premier ministre.
Dans le microcosme politique français, la nouvelle n’a pas manqué de faire réagir. Ainsi, le président de l’UMP, Nicolas Sarkozy, n’a pas pris de pincettes, qualifiant les députés incriminés de “Gugusses” tandis que le secrétaire général du PS, Jean-Christophe Cambadélis, promettait des “sanctions” à leur encontre.
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Si la visite des parlementaires suscite la division au sein des partis concernés — UMP, UDI et PS — elle recueille par ailleurs l’approbation d’autres formations politiques. Ainsi, le vice-président du Front national, Florian Philippot, a estimé “l’initiative saine sur le fond”. Le Parti chrétien démocrate a également salué la démarche, par la voix de sa présidente Christine Boutin.
Si cette visite parlementaire en Syrie est inédite, l’intervention — que certains n’hésitent pas à qualifier d’ingérence — des députés dans la diplomatie française n’est pas nouvelle.
1. Henri Emmanuelli, “jumeau blanc” de Laurent Gbagbo
En 1992, Laurent Gbagbo, qui n’est alors qu’un opposant au président et père fondateur de la Côte d’Ivoire, Felix Houphouët-Boigny est arrêté et incarcéré. Il appelle alors celui qu’il considère comme son “jumeau blanc”, le député des Landes et président de l’Assemblée nationale, Henri Emmanuelli. Condamné initialement à deux ans de prison, Laurent Gbagbo sortira des cellules ivoiriennes grâce à l’activisme du député du Parti socialiste.
2. Des voyages en Irak à l’ ”affaire Julia”
Au moins d’octobre 2002, alors que le gouvernement américain affirme détenir des preuves de l’existence d’armes chimiques en Irak, trois députés UMP, Didier Julia, Eric Diard et Thierry Mariani s’y rendent en visite “personnelle” et provoquent la colère de l’exécutif.
En 2004, deux journalistes français, Christian Chesnot et Georges Malbrunot sont pris en otages par “l’Armée islamique en Irak”. En plus de l’action menée par le gouvernement pour les faire libérer, le même Didier Julia se rend sur place et monte une mission parallèle. Ce que les médias qualifient d’ ”Affaire Julia” fait alors l’objet d’une instruction judiciaire. Il faudra attendre 2009 pour voir les juges rendre une décision de non-lieu, au motif que Didier Julia “a agi en coordination avec l’État français”.
3. François Fillon et son “cher Vladimir”
Lorsqu’il était Premier ministre, François Fillon entretenait des relations plutôt cordiales avec le président de la Russie, Vladimir Poutine. Relations qui, semble-t-il, se maintiennent toujours. Au mois de septembre 2013 celui qui n’est (que) député de la deuxième circonscription de Paris rend visite au chef de l’État russe. Devant celui qu’il nomme “mon cher Vladimir”, François Fillon a fustigé la politique de François Hollande, l’accusant de suivre les États-Unis en se prononçant pour une intervention en Syrie.
Sans les nommer, François Fillon avait accusé les États-Unis de vouloir “réanimer d’une manière ou d’une autre le modèle d’un monde unipolaire, unifié, de diluer l’institution du droit international et de la souveraineté nationale.»
En France, comme le soulignait alors le Figaro.fr, l’usage veut qu’un dirigeant français ne critique pas son pays à l’extérieur…
4. Patrick Ollier, le bon ami de Mouhamar Kadhafi
En 2004, lorsque l’embargo vers la Libye est levé, Patrick Ollier, alors député des Hauts-de-Seine, fonde le Groupe d’étude à vocation internationale (GEVI) sur la Libye, qu’il anime seul. Comme le révèle Libération, il “décide lui-même des nombreux voyages — une quinzaine — qu’il effectue” en Libye. La ministre de la Défense en poste, Michèle Alliot-Marie, n’est autre que sa compagne. Le général Rondot, alors coordinateur du Renseignement, ira jusqu’à le soupçonner de «compromission».
Photo d’en-tête : Le dictateur Bachar al-Assad entouré par quatre députés français. (Photo du site officielle de la présidence syrienne)