« En raison de la situation politique et sécuritaire actuelle, les ressortissants français sont invités à quitter le Yémen dans les meilleurs délais ». Le ministère des Affaires étrangères est explicite sur le niveau des troubles qui secouent le Yémen et qui ont notamment abouti sur l’enlèvement d’une Française mardi.
Déchiré entre la milice chiite Ansar Allah, l’armée fidèle au président Hadi et le groupe jihadiste al-Qaïda dans la Péninsule arabique (Aqpa, qui a revendiqué l’attentat de Charlie Hebdo), le pays est au bord de l’implosion. Le régime a fui Sanaa, la capitale, fin janvier. Une situation extrême née des tensions internes qui gangrènent l’État depuis sa création.
Un État divisé depuis sa naissance
Le pays est né en 1990 de l’unification entre le Yémen-Nord et le Yémen-Sud. Avant cela, les deux entités ont déjà connu une évolution mouvementée.
Dirigé par une monarchie chiite à partir de 1918, le Yémen-Nord devient en 1962 la République arabe du Yémen à la suite d’un coup d’État. S’en suit une guerre civile qui s’achève en 1970 par la victoire des partisans de la République.
Le sud du pays quant à lui est occupé par le Royaume-Uni jusqu’en 1967. Au départ des troupes britanniques, la République populaire du Yémen du Sud est proclamée. Un régime marxiste s’installe, dirigé par le Parti socialiste yéménite à partir de 1969.
Les deux entités fusionnent en 1990. Mais l’unification est contestée dès 1994 par une première tentative, avortée, de sécession du Sud.
En 2009, les velléités de sécession refont leur apparition. Sans succès pour l’instant.
La gangrène al-Qaïda
Al-Qaïda est présent au Yémen depuis le début des années 1990. Le pays sert essentiellement de base pour l’entraînement et la formation des membres du groupes salafistes.
En 2009, Aqpa naît de la fusion entre les branches yéménite et saoudienne du mouvement. La répression des salafistes en Arabie saoudite pousse Aqpa à s’installer exclusivement au Yémen. Il y commet plusieurs attentats dont un, particulièrement sanglant, en mai 2012 qui provoque la mort de près de 100 soldats de l’armée yéménite.
À partir de 2011, le groupe profite de la faiblesse du régime de Sanaa pour poursuivre son expansion. Début 2015, Aqpa contrôle plusieurs villes dans le Sud du pays.
Il est fortement soupçonné d’avoir enlevé la Française Isabelle Prime mardi.
Le conflit avec la minorité chiite depuis 2004
La minorité chiite, chassée du pouvoir lors de la chute de la monarchie au Yémen du Nord en 1962, reprend les armes en 2004 sous la direction de la famille al-Houthi. S’estimant marginalisée par le pouvoir en place, elle réclame l’autonomie des territoires qu’elle occupe dans le Nord-Ouest du pays.
Les troupes loyalistes yéménites combattent l’insurrection avec l’aide de l’Arabie Saoudite. Appelé « guerre du Saada », du nom de la région montagneuse du Nord-Ouest du pays, le conflit s’enlise.
Les Printemps arabe et la chute d’Ali Abdallah Saleh
Inspiré par le début des Printemps arabes fin 2010, la révolution yéménite débute mi-janvier 2011 avec des appels répétés à manifester contre le régime de Ali Abdallah Saleh, au pouvoir depuis 32 ans. Le 18 mars, l’armée tire à balles réelles sur les manifestants, tuant plus de 50 personnes, provoquant le durcissement du mouvement de contestation.
En tout, la révolution yéménite coûtera la vie à plus de 2 000 personnes, selon le régime.
Blessé début juin puis exilé en Arabie Saoudite, le président Saleh revient fin septembre 2011 au Yémen. Le 23 novembre, il accepte de céder sous 30 jours le pouvoir à son vice-président Abd Rab Mansour Hadi. Celui-ci est élu président du Yémen au suffrage universel le 21 février 2012. Élection pour laquelle il était le seul candidat.
Prise de Sanaa par les Houthis
Affaibli par la révolution, l’exécutif yéménite doit toujours faire face à la rébellion chiite qui contrôle un large territoire dans le Nord-Ouest du pays. Le 19 septembre dernier, le groupe houthi Ansar Allah lance une attaque sur Sanaa. Le 21, les rebelles s’emparent du siège du gouvernement.
Le 19 janvier 2015, ils prennent le palais présidentiel. Le président Hadi démissionne trois jours plus tard. Les ambassades occidentales ferment les unes après les autres, imitées par l’Égypte et l’Arabie Saoudite.
Le 6 février, un Comité révolutionnaire est créé, dirigé par Mohammed Ali al-Houthi, cousin d’Abdul-Malik al-Houthi. Le 21 février, l’ex-président Abd Rab Mansour Hadi parvient à fuir dans la ville d’Aden, dans le Sud du pays. Il revient sur sa démission et déclare qu’il est toujours le président du Yémen en exercice.
Photo : Des rebelles du groupe chiite Ansar Allah (Mohammed Huwais / AFP)