Les derniers soldats américains ont quitté l’Irak en décembre 2011. Un peu plus de trois ans plus tard, ils sont tout proche d’y retourner. Mercredi, Barack Obama a annoncé avoir transmis au Congrès une proposition de résolution pour autoriser l’intervention de troupes au sol pour contrer le groupe État islamique, qui contrôle un large territoire à cheval sur la Syrie et l’Irak.
Pour le président des Etats-Unis, c’est une rupture. La fin de la ligne du « aucun soldat américain sur le terrain », qu’il défend depuis le début des frappes aériennes contre l’organisation jihadiste. C’est surtout prendre le risque quasi inévitable d’un parallèle avec son prédécesseur George W. Bush, le dernier à avoir fait une telle demande au Congrès, en septembre 2002, pour obtenir l’autorisation d’envahir l’Irak de Saddam Hussein.
Dans une lettre adressée aux parlementaires, Barack Obama a revendiqué une approche opposée à celle défendue par le Texan treize ans plus tôt :
“Je suis convaincu que les Etats-Unis ne devraient pas être plongés dans une nouvelle guerre prolongée sur le sol du Moyen-Orient. Je ne crois pas que les intérêts américains puissent être servis par un autre conflit sans fin, ou un retour à un état de guerre permanent.”
Sa proposition divise déjà aux Etats-Unis. Les Républicains la trouvent trop restrictive. Les Démocrates estiment qu’elle donne encore trop de marge de manœuvre à l’exécutif. À la lecture de son discours, et de celui de George W. Bush en 2002, les différences sont nombreuses. Mais il reste encore des zones d’ombre sur laquelle le président américain n’a pas donné de précision.
Une limite temporelle fixée pour l’intervention militaire
Ce que demande Obama : Barack Obama est conscient que la lutte contre le groupe EI sera longue, et qu’il n’en verra très probablement pas la fin en tant que président des Etats-Unis – son mandat expire en 2016. Pour éviter l’enlisement, il a proposé au Congrès de se prononcer sur une intervention militaire de trois ans, qui ne pourra se prolonger « à moins qu’elle ne soit renouvelée » par un nouveau vote des parlementaires.
Ce qu’a fait Bush en 2002 : Aucune limite temporelle n’avait été fixée avant l’invasion de l’Irak en mars 2003. La première apparition d’une indication de temps n’était venue qu’une fois les troupes américaines engagées sur le terrain. Dans une lettre adressée au Congrès le 21 mars 2003, jour du déclenchement de l’intervention militaire, George W. Bush écrivait :
“Il est impossible de savoir à ce jour la durée des opérations de combat, et la durée nécessaire du déploiement de nos troupes pour atteindre pleinement nos objectifs.”
Des interventions ciblées plutôt qu’un déploiement massif de troupes
Ce que demande Obama : Pas question pour l’administration Obama de plonger l’Amérique dans une campagne longue, avec des milliers de soldats mobilisés sur le terrain. Dans sa lettre au Congrès, le président a définit les contours des opérations au sol qu’il entend lancer pour contrer le groupe EI à l’appui des frappes aériennes. Il évoque des « opérations de secours » et des « actions militaires menées par des forces d’intervention spéciales ».
“Si nous avons des preuves par nos services de renseignement qu’une rencontre entre des dirigeants du groupe EI se prépare, et que nos partenaires n’ont pas les moyens de les atteindre, nous devons pouvoir mobiliser nos forces spéciales pour intervenir. Il m’est impossible de laisser à ces terroristes des sanctuaires où ils se sentent en sécurité.”
Ce qu’a fait Bush en 2002 : S’il n’a jamais utilisé le terme « invasion », George W. Bush menait un projet beaucoup plus large que celui proposé aujourd’hui par son successeur, avec des effectifs beaucoup plus importants et une occupation du terrain. « L’objectif des Etats-Unis sera de soutenir la transition démocratique en Irak », écrivait-il dans sa lettre au Congrès le 21 mars 2003. Dans son discours télévisé le soir du lancement de l’intervention, il s’est adressé directement aux Irakiens pour présenter son approche :
“Lorsque notre coalition chassera les hommes sans foi ni loi qui occupent le pouvoir, nous vous distribuerons les vivres et les médicaments dont vous avez besoin. Nous détruirons l’appareil de la terreur et nous vous aiderons à construire un nouvel Irak qui sera prospère et libre.”
Ce qu’Obama ne dit pas : Dans sa lettre au Congrès mercredi, Barack Obama utilise des termes suffisamment flous pour garder une grand liberté de manœuvre. Les termes « actions militaires » et « opérations de combat » n’ont pas de définition précise, et étaient utilisés à l’identique par l’administration Bush en 2002. L’expression « Associer des personnes ou des forces » aux frappes aériennes ne permet pas d’en savoir plus sur les modalités d’action, d’autant qu’aucun chiffre concernant les effectifs mobilisés n’a été dévoilé.
Aucune limite géographique à l’intervention
Ce que demande Obama : Barack Obama n’a voulu donner aucune limite géographique à l’action de l’armée américaine dans sa proposition de résolution. Une approche qui correspond à la volonté du président des Etats-Unis de lutter contre le groupe EI, mais aussi « toute entité remplaçante étroitement liée » à l’organisation djihadiste.
Ce qu’a fait Bush en 2002 : La nature du groupe État islamique, à cheval entre deux pays, est très différente de celle d’un État souverain comme l’était l’Irak il y a treize ans. Mais il existe tout de même un point commun entre les deux approches. Le président Bush a toujours désigné le groupe terroriste Al Qaida comme l’ennemi essentiel des Etats-Unis, ce qui a conduit l’armée américaine à agir en dehors des frontières des pays visés, que ce soit l’Afghanistan en 2001 ou l’Irak en 2003.
Ce que ne dit pas Obama : La présence de plus de 2500 conseillers militaires américains en Irak sera sans doute déterminante dans le choix des premières interventions. Sa capacité d’action en Syrie, où le régime de Bachar el-Assad ne participe pas à la coalition contre le groupe EI, sera beaucoup plus réduite.
Photo : Barack Obama à la Maison Blanche aux côtés du vice-président Joe Biden (à gauche) et John Kerry (à droite) (AFP)