Politique

Secret des affaires : ce que Macron propose pour préserver la liberté d’information

Syn­di­cal­istes, jour­nal­istes, lanceurs d’alertes vont peut-être pou­voir souf­fler : le min­istre de l’É­conomie Emmanuel Macron vient d’an­non­cer qua­tre amende­ments pour encadr­er l’in­stau­ra­tion d’un “secret des affaires dans le droit français”. Cet élé­ment de la loi Macron est des­tiné à lut­ter con­tre l’es­pi­onnage indus­triel. Voté le 20 jan­vi­er par les députés, il a été épinglé dans la presse pour de pos­si­bles effets per­vers por­tant atteinte à la lib­erté d’information.

Le pre­mier point vis­era les entre­pris­es qui devront “clas­si­fi­er elles-mêmes en amont” les doc­u­ments et infor­ma­tions sen­si­bles à pro­téger. Les deux­ième et troisième amende­ments seront chargés respec­tive­ment de pro­téger les syn­di­cats, en écar­tant toute respon­s­abil­ité des salariés, et les lanceurs d’alertes. Enfin avec la dernière pré­ci­sion, la vio­la­tion d’un secret des affaires ne pour­ra pas être retenue dès lors qu’il s’a­gi­ra de la lib­erté d’ex­pres­sion. “Ce ne sera pas applic­a­ble aux jour­nal­istes” a pris soin de pré­cis­er Emmanuel Macron.

Hier, sen­tant déjà ses oreilles sif­fler sous la tem­pête nais­sante, le min­istre avait ten­té de l’apaiser :

Au départ, c’est un amende­ment à la “Loi Macron”, portée à l’Assem­blée par le député social­iste Richard Fer­rand, qui a mis le feu au poudre, enflam­mant jour­nal­istes et per­son­nal­ités poli­tiques. Hier, l’As­so­ci­a­tion de la Presse Judi­ci­aire appelait même directe­ment les députés à ne pas vot­er la mesure. Le texte défi­ni alors comme rel­e­vant du “secret des affaires” toute infor­ma­tion “qui, notam­ment en ce qu’elle est dénuée de car­ac­tère pub­lic, s’analyse comme un élé­ment à part entière du poten­tiel sci­en­tifique et tech­nique, des posi­tions stratégiques, des intérêts com­mer­ci­aux et financiers” de l’en­tre­prise qui la détient. L’al­inéa suiv­ant ajoute que “nul” ne pou­vait vio­l­er le secret des affaires. En cas de pour­suite engagée par l’en­tre­prise s’es­ti­mant lésée, le trans­gresseur s’ex­pose à une éventuelle con­damna­tion à trois ans de prison assor­tie de 375.000 euros d’a­mende. Au cas, où les “intérêts économiques essen­tiels de la France” auraient été con­cernés, les sanc­tions pos­si­bles seraient même passées à sept ans et 750.000 euros d’amende.

Un double objectif désormais

La volon­té d’établir un secret des affaires dans le droit français et de traduire pénale­ment les con­trevenants ne datent pas d’hi­er, ni même du 20 jan­vi­er. En juil­let dernier, Jean-Jacques Urvoas, prési­dent de la com­mis­sion des lois de l’Assem­blée avait élaboré une propo­si­tion de loi en ce sens. Mais son ini­tia­tive sem­ble être tombée dans les limbes du cal­en­dri­er par­lemen­taire. Richard Fer­rand en a donc pro­posé une autre ver­sion au sein de la loi Macron sur laque­lle planche actuelle­ment les députés. Les amende­ments avancés aujour­d’hui par le min­istre de l’E­conomie seront débat­tus prob­a­ble­ment en début de semaine prochaine.

Des acteurs du monde de l’en­tre­prise appel­lent de leurs voeux l’étab­lisse­ment d’un secret des affaires afin de pro­téger leurs pro­jets, se plaig­nant de fuites récur­rentes, au sujet des secteurs de pointe comme l’aéro­nau­tique. Aujour­d’hui, une entre­prise peut bien sûr pro­téger ses créa­tions ou cer­tains doc­u­ments, grâce au dépôt d’un brevet auprès de l’In­sti­tut nation­al de la pro­priété indus­trielle (INPI), mais pas néces­saire­ment ses cro­quis inter­mé­di­aires par exem­ple. Autre prob­lème pointé : si le code pénal punit bien évidem­ment le vol, il n’a pas prise sur les trans­ferts par clé USB.

La présen­ta­tion, la semaine prochaine, d’une ver­sion revue et cor­rigée du secret des affaires devra donc sat­is­faire un dou­ble objec­tif : lut­ter con­tre l’es­pi­onnage indus­triel sophis­tiqué de l’ère infor­ma­tique et instau­r­er des garde-fous pro­tégeant la lib­erté d’in­former sur la vie des entreprises.

Pho­to d’en-tête : Le min­istre de l’E­conomie, Emmanuel Macron. (Eric Piermont/ AFP)