Syndicalistes, journalistes, lanceurs d’alertes vont peut-être pouvoir souffler : le ministre de l’Économie Emmanuel Macron vient d’annoncer quatre amendements pour encadrer l’instauration d’un “secret des affaires dans le droit français”. Cet élément de la loi Macron est destiné à lutter contre l’espionnage industriel. Voté le 20 janvier par les députés, il a été épinglé dans la presse pour de possibles effets pervers portant atteinte à la liberté d’information.
Le premier point visera les entreprises qui devront “classifier elles-mêmes en amont” les documents et informations sensibles à protéger. Les deuxième et troisième amendements seront chargés respectivement de protéger les syndicats, en écartant toute responsabilité des salariés, et les lanceurs d’alertes. Enfin avec la dernière précision, la violation d’un secret des affaires ne pourra pas être retenue dès lors qu’il s’agira de la liberté d’expression. “Ce ne sera pas applicable aux journalistes” a pris soin de préciser Emmanuel Macron.
Hier, sentant déjà ses oreilles siffler sous la tempête naissante, le ministre avait tenté de l’apaiser :
Il n’est pas question de réduire en quoi que ce soit la liberté de la presse. 2/3
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) 28 Janvier 2015
Au départ, c’est un amendement à la “Loi Macron”, portée à l’Assemblée par le député socialiste Richard Ferrand, qui a mis le feu au poudre, enflammant journalistes et personnalités politiques. Hier, l’Association de la Presse Judiciaire appelait même directement les députés à ne pas voter la mesure. Le texte défini alors comme relevant du “secret des affaires” toute information “qui, notamment en ce qu’elle est dénuée de caractère public, s’analyse comme un élément à part entière du potentiel scientifique et technique, des positions stratégiques, des intérêts commerciaux et financiers” de l’entreprise qui la détient. L’alinéa suivant ajoute que “nul” ne pouvait violer le secret des affaires. En cas de poursuite engagée par l’entreprise s’estimant lésée, le transgresseur s’expose à une éventuelle condamnation à trois ans de prison assortie de 375.000 euros d’amende. Au cas, où les “intérêts économiques essentiels de la France” auraient été concernés, les sanctions possibles seraient même passées à sept ans et 750.000 euros d’amende.
Un double objectif désormais
La volonté d’établir un secret des affaires dans le droit français et de traduire pénalement les contrevenants ne datent pas d’hier, ni même du 20 janvier. En juillet dernier, Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois de l’Assemblée avait élaboré une proposition de loi en ce sens. Mais son initiative semble être tombée dans les limbes du calendrier parlementaire. Richard Ferrand en a donc proposé une autre version au sein de la loi Macron sur laquelle planche actuellement les députés. Les amendements avancés aujourd’hui par le ministre de l’Economie seront débattus probablement en début de semaine prochaine.
Des acteurs du monde de l’entreprise appellent de leurs voeux l’établissement d’un secret des affaires afin de protéger leurs projets, se plaignant de fuites récurrentes, au sujet des secteurs de pointe comme l’aéronautique. Aujourd’hui, une entreprise peut bien sûr protéger ses créations ou certains documents, grâce au dépôt d’un brevet auprès de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI), mais pas nécessairement ses croquis intermédiaires par exemple. Autre problème pointé : si le code pénal punit bien évidemment le vol, il n’a pas prise sur les transferts par clé USB.
La présentation, la semaine prochaine, d’une version revue et corrigée du secret des affaires devra donc satisfaire un double objectif : lutter contre l’espionnage industriel sophistiqué de l’ère informatique et instaurer des garde-fous protégeant la liberté d’informer sur la vie des entreprises.
Photo d’en-tête : Le ministre de l’Economie, Emmanuel Macron. (Eric Piermont/ AFP)