Culture

Dans les kiosques, l’effet Charlie s’épuise

Les attentats contre l’hebdomadaire satirique ont suscité un engouement inattendu des Français pour la presse nationale. Mais trois semaines après un pic d'affluence exceptionnel, les kiosquiers parisiens sont à nouveau boudés. Seul Charlie Hebdo surnage.

« L’effet Char­lie, c’est fini ! ». Dans son kiosque à jour­naux du boule­vard Saint-Denis, Jamel ne cache pas sa décep­tion. Les ventes de jour­naux, qui ont bat­tu des records à la suite de l’attentat con­tre l’hebdomadaire satirique, repar­tent à la baisse. « Depuis 10 jours, on assiste à un retour à la nor­male », con­firme Hakim, kiosquier parisien, dans un sourire emprunt de nostalgie.

L’é­mo­tion sus­citée par l’at­ten­tat à Char­lie Heb­do avait pour­tant provo­qué un sur­saut dans la fréquen­ta­tion des points de vente.  Le 8 jan­vi­er, au lende­main de l’at­taque, plus d’un mil­lion d’ex­em­plaires de la presse quo­ti­di­enne nationale ont été ven­dus en une journée, con­tre 600 000 en temps nor­mal. La prise d’otage de l’Hyper Cacher et la grande marche répub­li­caine ont entretenu cette ruée vers les kiosques.

« Tous les titres en ont prof­ité, même L’Equipe qui a titré plusieurs fois sur les atten­tats », assure Hakim, qui iro­nise : « Je vends beau­coup moins de Valeurs Actuelles qu’avant ».

La presse nationale en baisse

Plus de deux semaines après la grande man­i­fes­ta­tion du 11 jan­vi­er, le souf­flé sem­ble retomber. « Je vends actuelle­ment 17 exem­plaires de Libéra­tion par jour, c’est trois fois moins qu’au moment des atten­tats », assure Sabir, kiosquier du 10ème arrondisse­ment. Le quo­ti­di­en, qui a accueil­li dans ses locaux les rescapés de la rédac­tion de Char­lie Heb­do, avait, lui aus­si, vu ses ventes grimper en flèche après le 7 jan­vi­er. Avant de con­naître une chute équiv­a­lente. Pen­dant la traque des ter­ror­istes, 100 à 120 exem­plaires du quo­ti­di­en s’arrachaient chaque jour dans l’en­seigne d’Hakim, con­tre 25 aujourd’hui.

Même ten­dance pour le Canard Enchaîné et Le Monde. Au plus fort de la crise,  ce dernier se vendait entre 60 à 70 exem­plaires, nous dit Jamel. Le chiffre est retombé à 20 depuis le début de la semaine.

Charlie Hebdo résiste

Seul Char­lie Heb­do sem­ble encore et tou­jours résis­ter à l’érosion des ventes. Le numéro “des sur­vivants”, avec Mahomet en une, a dépassé les 7 mil­lions d’exemplaires. Certes, ces files d’attentes inter­minables à l’en­trée des bural­istes sont désor­mais une image du passé. Mais on con­tin­ue de s’arracher le numéro 1178 de l’hebdomadaire. « J’en ai reçu 50 ce matin, il ne m’en reste plus que deux », s’étonne Hakim.

Mais les lecteurs ne perçoivent pas ce numéro comme un jour­nal ordi­naire :  « C’est un jour­nal his­torique, je l’achète pour le mon­tr­er aux généra­tions futures », recon­naît une cliente. « Il y a un effet de mode pour Char­lie, les gens veu­lent pou­voir ressor­tir le numéro dans 20 ans », renchérit Hakim. Les touristes étrangers cherchent aus­si à se le pro­cur­er, au même titre qu’une ver­sion minia­ture de la tour Eif­fel, assurent plusieurs vendeurs.

Tous atten­dent avec impa­tience la sor­tie du prochain numéro, atten­due pour la mi-févri­er févri­er. Hakim a déjà enreg­istré une cinquan­taine de réser­va­tions. Ozgur, 60 ans, tient une papè­terie rue Mon­torgueil. Il l’assure : « On en ven­dra beau­coup plus que d’habitude mais bien moins que la dernière fois. Ça ne se repro­duira pas ».

Pho­to d’en-tête : le 14 jan­vi­er, un kiosquier a affiché toutes les pages du numéro his­torique de Char­lie, pour que tous les pas­sants en prof­i­tent  ( CFJ / B. Garrot )

 

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