Education, Intégration, Religion / Laïcité

Ecoles musulmanes en France : attention, sujet sensible

Forte d’une population de près de cinq millions de fidèles, la communauté musulmane de France cherche à développer son propre enseignement confessionnel, à l’instar des catholiques, des juifs ou des protestants. Cette bataille se heurte à la suspicion de l’État, mais aussi aux divisions internes à l’islam de France. Enquête.

La pre­mière école privée musul­mane de France s’était don­né un nom plein d’espoir : “Réus­site”. Le col­lège-lycée, situé à Aubervil­liers (Seine-Saint-Denis), a ouvert ses portes à la ren­trée sco­laire 2001, quelques jours seule­ment après le 11-Sep­tem­bre. “Dans ce con­texte, tous les médias sont passés par là”, se sou­vient Dhaou Mesk­ine, fon­da­teur de l’école et ancien imam de Clichy-sous-Bois. Ce sex­agé­naire d’origine tunisi­enne dis­simule un ven­tre sail­lant sous un épais tri­cot et une longue par­ka. Aujourd’hui, il ne cache pas une cer­taine nos­tal­gie : “On était plein de con­fi­ance, fiers d’offrir une nou­velle struc­ture aux enfants de ban­lieue.

Qua­torze ans plus tard, la pein­ture mauve qui recou­vre les murs s’est écail­lée. La dette de l’école atteint 800 000 euros. Elle a anni­hilé tout espoir de chang­er un jour de locaux et d’avoir “une cour de récré plus grande que ce bout de park­ing”. L’établissement, dis­crète­ment instal­lé au bout d’une impasse à quelques pas de la mairie d’Aubervilliers, ne compte plus que qua­tre class­es et 35 élèves, con­tre 150 dans les meilleures années. Dhaou Mesk­ine n’a pas réus­si à pass­er un con­trat avec l’État. Ce type d’en­gage­ment est pour­tant ouvert à tout étab­lisse­ment privé qui atteint cinq ans d’existence. Pour être “sous con­trat”, une école doit s’en­gager à accueil­lir tous les enfants sans dis­tinc­tion et, en con­trepar­tie, l’État rémunère les enseignants. Les col­lec­tiv­ités publiques accor­dent les mêmes sub­ven­tions qu’aux étab­lisse­ments publics pour le fonc­tion­nement quo­ti­di­en. Deux postes de dépens­es majeurs dans le bud­get d’une école.

Aujourd’hui, sur les 36 écoles privées musul­manes ouvertes, seules deux sont sous con­trat (1) – le lycée Aver­roès à Lille, et le groupe sco­laire Al-Kin­di dans la ban­lieue lyon­naise – alors que près de la moitié d’entre elles ont effec­tive­ment dépassé les cinq années d’existence.

Développer un enseignement aux “caractères propres”

Pen­dant qua­torze ans, l’enseignement privé musul­man a pris racine dans le paysage sco­laire français et compte désor­mais quelque 3000 élèves, de la petite sec­tion à la ter­mi­nale. La loi de 2004 restreignant le port de signes religieux dans les écoles publiques a accéléré la con­struc­tion d’étab­lisse­ments musul­mans. Les dif­férents por­teurs de pro­jet se sont don­né pour défi de resco­laris­er ces jeunes filles voilées exclues de leur étab­lisse­ment pub­lic. Sur le site inter­net du lycée Aver­roès de Lille, la créa­tion de l’établissement est ain­si racon­tée comme répon­dant à “un besoin pres­sant” de “pren­dre en charge ces jeunes filles”. 

Aujourd’hui, les raisons de fonder une école privée musul­mane sont mul­ti­ples et dépassent la volon­té de con­tr­er l’interdiction du voile à l’école. La com­mu­nauté musul­mane – qui représen­terait env­i­ron 7% de la pop­u­la­tion française (2) mais dont les écoles ne représen­tent que 0,4% des écoles privées – revendique un enseigne­ment con­fes­sion­nel à l’instar de celui dont dis­posent les com­mu­nautés catholiques, juives ou protestantes.

Les pro­grammes sont en tous points sim­i­laires à ceux du pub­lic, mais avec pour car­ac­tère pro­pre une ambiance musul­mane, con­forme et com­plé­men­taire à l’éducation parentale”, insiste Makhlouf Mamèche. L’homme fait fig­ure d’expert dans un domaine encore bal­bu­tiant. Il est à la fois vice-prési­dent de l’Union des organ­i­sa­tions islamiques de France (UOIF) chargé de l’enseignement et directeur adjoint du lycée Aver­roès de Lille.

Aux 32èmes ren­con­tres des musul­mans de France, organ­isées par l’UOIF au parc-expo du Bour­get, Makhlouf Mamèche ani­me un café-débat entre deux con­férences. La ving­taine d’au­di­teurs est attablée devant un goûter, café ou thé et gâteaux ori­en­taux. Le thème de la ren­con­tre — “L’é­cole musul­mane, école de la République ?” — attire surtout des par­ents inqui­ets. Comme cette mère de famille, accom­pa­g­née de sa fille ado­les­cente, qui s’in­ter­roge : “Vous acceptez aus­si les pro­fesseurs qui ne sont pas musul­mans ?”. Ou cette autre femme, dont le fils est en pri­maire, qui se sent ostracisée par la maîtresse d’é­cole. Le numéro deux de l’UOIF se veut fin péd­a­gogue. “Un pro­fesseur n’a pas besoin d’être musul­man pour être com­pé­tent”, ren­voie-t-il. Il pour­suit : “L’é­d­u­ca­tion n’est pas seule­ment l’af­faire des profs. Il faut s’ap­pro­prier son école et faire val­loir ses droits. C’est trop facile de tou­jours vouloir rester entre nous”.

De la mater­nelle au lycée, le pro­gramme est calqué sur celui de l’Éducation nationale, avec d’éventuels cours de sou­tien en français ou en math­é­ma­tiques, pour assur­er la réus­site des écol­iers et donc la répu­ta­tion de l’école. La dif­férence majeure vient de l’enseignement de l’arabe assuré par tous, sou­vent au même titre que l’anglais, et dès la mater­nelle pour cer­tains. L’association Sème ta graine, qui récolte des fonds en vue d’ouvrir une école pri­maire musul­mane à Car­pen­tras (Vau­cluse), souhaite que tous ses écol­iers soient bilingues français-arabe avant leur entrée au collège.

A l’intérieur des murs, un espace est dédié à la prière, à la manière des chapelles dont dis­posent les écoles catholiques. L’enseignement religieux est tou­jours pro­posé, mais si l’école est sous con­trat ou désire le devenir, ce cours doit demeur­er fac­ul­tatif. De nom­breuses écoles met­tent enfin en place un cours d’éthique musul­mane. Le con­tenu de cet enseigne­ment “reste à tra­vailler”, de l’aveu même de Makhlouf Mamèche : une récente polémique a frap­pé le lycée Aver­roès qu’il co-dirige, semant le trou­ble sur cet étab­lisse­ment pio­nnier réputé exem­plaire. Dans une tri­bune au lance-flamme, pub­liée sur le site de Libéra­tion presque un mois jour pour jour après les atten­tats du 7 jan­vi­er 2015, un pro­fesseur démis­sion­naire a accusé le lycée d’utiliser ces cours d’éthique musul­mane à des fins d’endoctrinement islamiste. Le rec­torat, con­vo­qué dans le foulée pour une inspec­tion, s’est mon­tré glob­ale­ment sat­is­fait, même s’il appelle la direc­tion à “clar­i­fi­er le statut et la place du religieux dans l’établissement”.

Lire aus­si : Les profs du lycée musul­man Aver­roès répon­dent à M. Zitouni

La défense de “valeurs religieuses” est sou­vent mise en avant pour jus­ti­fi­er le besoin de con­stru­ire des écoles musul­manes. Tour à tour sont invo­quées les néces­sités d’un “cadre pour vivre sa reli­giosité”, d’une “dis­ci­pline qui s’est per­due dans le pub­lic”, voire d’un “bon com­porte­ment au niveau de l’habillement”. Com­pren­dre : habituer les jeunes filles à porter le voile dès l’enfance.

Farid Aouragh, directeur de l’école Al Fitra qui ouvri­ra à la ren­trée 2015 à Hal­luin (Nord), con­cède que son pro­jet s’est aus­si nour­ri de “craintes sur la théorie du genre”, en référence à la réforme de l’é­d­u­ca­tion de 2013 visant à lut­ter con­tre le sex­isme et les stéréo­types de genre à l’é­cole. Quand l’enseignement privé musul­man occupe l’actualité, le débat se crispe sou­vent autour de la ten­ta­tion du repli com­mu­nau­taire. Les craintes s’ap­puient sur le manque de diver­sité con­staté dans cer­tains étab­lisse­ments — au col­lège-lycée Réus­site notam­ment — où la très grande majorité des femmes, qu’elles soient pro­fesseures, employées du per­son­nel ou écol­ières, sont voilées.

L’UOIF, créée au début des années 1980 et idéologique­ment liée à la con­frérie égyp­ti­enne des Frères musul­mans, tient à affirmer aujour­d’hui son indépen­dance organique. Inté­grée au Con­seil français du culte musul­man (CFCM) par Nico­las Sarkozy en 2003, l’or­gan­i­sa­tion revendique aujour­d’hui plus de 200 asso­ci­a­tions adhérentes.

Des conceptions de l’école divergentes

Le développe­ment de l’école privée musul­mane est le nou­veau cheval de bataille de l’UOIF, après avoir obtenu des résul­tats sur les lieux de prière. “La con­struc­tion des écoles va sup­planter la con­struc­tion des mosquées”, résume Nabil Ennas­ri, prési­dent du Col­lec­tif des musul­mans de France, organ­i­sa­tion proche de l’UOIF mais à laque­lle il tient à ne pas être directe­ment affil­ié. «  La con­struc­tion d’écoles est vue comme une étape sup­plé­men­taire dans la dynamique de (…) con­ser­va­tion de l’identité islamique”, note un rap­port de 2010 sur l’enseignement de l’islam en France, com­mandé par le min­istère de l’Intérieur.

Ain­si nais­sait il y a un an la Fédéra­tion nationale de l’enseignement privé musul­man (FNEM), sous l’égide de l’UOIF, seule organ­i­sa­tion musul­mane à s’être posi­tion­née sur le ter­rain de l’éducation. Makhlouf Mamèche a le sourire crispé sur le prospec­tus posé sur le stand du lycée Aver­roès au Bour­get. Mais son mes­sage est limpi­de : “La FNEM est l’interlocuteur dont vous avez besoin pour être recon­nu par l’Éducation nationale”.

Fédér­er des écoles est un tra­vail dif­fi­cile quand le rôle de l’enseignement privé musul­man n’est clair pour per­son­ne. Le chercheur en soci­olo­gie Omero Marongiu est l’un des auteurs du rap­port sur l’enseignement de l’islam paru en 2010. Il dis­tingue deux dis­cours. “Les pre­miers voient dans l’enseignement le pos­si­bil­ité de faire émerg­er une élite musul­mane, qui sera mieux à même de défendre les intérêts de la com­mu­nauté. La dimen­sion religieuse n’est pas leur cœur de cible”. C’est la vision de l’UOIF. “Pour les sec­onds, la dimen­sion religieuse est sur­déter­mi­nante. Dans l’école con­fes­sion­nelle, ils voient le moyen de recréer une micro-société en marge, en calant par exem­ple les cours sur les horaires de prières, plutôt qu’en don­nant la pri­or­ité au pro­gramme de l’éducation nationale”. Selon le chercheur aux fines lunettes et au col­lier de barbe par­faite­ment tail­lé, un quart des soix­ante pro­jets en cours ont cette sensibilité.

Le financement, “problème numéro 1”

Le dénominateur commun de tous les projets en cours est le besoin pressant d’argent. “On fait de nombreux appels aux dons, la communauté est constamment sollicitée, affirme Nabil Ennasri. Elle donne au moins la moitié du budget de tous ces projets, si ce n’est plus”. Dans le cas des écoles, le schéma est relativement le même : les fidèles sont les premiers sollicités. La scolarité est à la charge des parents : les frais sont de l’ordre de 1500 à 3000 euros l’année environ, avec des tarifs dégressifs si plusieurs enfants de la même famille sont inscrits en même temps. Ces frais de scolarité, bien que relativement élevés, ne couvrent pas la totalité des dépenses engagées par une école hors contrat, qui doit assurer elle-même la rémunération des professeurs et les frais de fonctionnement.
Pour le reste, chaque école fait appel aux dons et consacre un onglet de son site internet à la rubrique “soutenez-nous”, avec un RIB à télécharger ou un coupon détachable pour mettre en place un virement permanent. Tous ces fonds “locaux”  représentent “90 à 95% des recettes des écoles”, selon Makhlouf Mamèche. Les pays du Golfe, qui soutiennent les communautés musulmanes dans le monde, n’interviendraient qu’à la marge. À ses débuts, Dhaou Meskine assure avoir refusé l’argent qui lui avait été proposé par la fondation Al Haramayn, dissoute en 2004 par l’Arabie Saoudite, ou par la Ligue islamique mondiale, qui demandait la non-mixité des classes en contrepartie. Le financement qatari relève du “fantasme”, tacle Nabil Ennasri, qui estime que les pays du Golfe savent qu’ils “marchent sur des oeufs pour de tels projets”. Makhlouf Mamèche, quant à lui, dit n’accepter que “l’argent qui n’est pas conditionné”. 

Makhlouf Mamèche ne le nie pas : “Il y a sûre­ment des pro­jets plus rad­i­caux”. Mais il se dit prêt à aider tous les por­teurs de pro­jet vers le con­trat avec l’État, et donc vers l’adhésion aux règles de l’Éducation nationale. Les “fédéra­teurs” se méfient d’un “ama­teurisme” par­fois per­cep­ti­ble. “Ce n’est pas parce qu’on sait faire fonc­tion­ner une mosquée qu’on sait faire fonc­tion­ner une école,  rap­pelle Makhlouf Mamèche. On ne doit pas jouer avec l’avenir des enfants”. Les pre­mières assis­es de l’enseignement privé musul­man ont eu lieu au print­emps 2015 pour accom­pa­g­n­er ces dif­férentes initiatives.

Les divi­sions de la com­mu­nauté musul­mane de France con­damnent la FNEM à avancer lente­ment. Plusieurs directeurs d’écoles refusent de faire cause com­mune, puisque l’af­fil­i­a­tion à une fédéra­tion issue de l’UOIF n’est pas une option envis­age­able à leurs yeux. “On n’est pas du tout à l’UOIF”, s’empresse d’affirmer un représen­tant du groupe sco­laire Belle­vue, à Clichy-sous-Bois, école ouverte en 2013. Au Bour­get, il est l’un des 600 exposants de la “foire musul­mane”, qui occupe une grande par­tie des 24 000 mètres car­ré du hall 2B. Là où s’a­mon­cel­lent librairies en arabe, asso­ci­a­tions human­i­taires, échoppes de foulards et de robes assor­tis, il tient un stand pour présen­ter son école et fait la quête au milieu de l’allée. L’événement, pour­tant, est organ­isé par cette UOIF à laque­lle il refuse d’être assim­ilé. Le para­doxe est sym­bol­ique. Orphe­lins d’un con­seil pleine­ment représen­tatif, les musul­mans de France peinent à par­ler d’une seule voix. La FNEM n’a pour l’in­stant qu’une faible influ­ence sur les déci­sions de l’Etat.

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Le risque d’une école hors-sol

Sans par­ler des dif­férends per­son­nels qui tra­versent la com­mu­nauté, ceux qui ne parta­gent pas la vision prônée par l’UOIF sont ten­tés de dévelop­per une école con­fes­sion­nelle hors-sol, éloignée de tout con­trôle éta­tique. “Le pas­sage sous con­trat avec l’Etat doit rester un choix du corps enseignant”, assure Nor­dine, de l’association Sème ta graine, qui tra­vaille à l’ouverture d’une école mater­nelle et pri­maire musul­mane à Car­pen­tras (Vau­cluse). Il ne cesse de répéter son attache­ment à l’indépendance de son école, attache­ment qui l’a notam­ment con­duit à refuser de deman­der des sub­ven­tions com­mu­nales. 

On va étudi­er le pas­sage sous con­trat, mais surtout si on ren­con­tre des dif­fi­cultés finan­cières”, con­cède le représen­tant du groupe sco­laire privé Belle­vue. Sa pri­or­ité, pour le moment, est de “don­ner aux enfants une sco­lar­ité nor­male”. “Mais on veut aus­si qu’ils aient une con­cep­tion de l’islam dès le plus jeune âge. Si un enfant attend ses 18 ans pour choisir son ori­en­ta­tion religieuse, il y a des chances qu’il ne veuille pas se con­ver­tir”. 

L’État, tous les acteurs l’ont remar­qué, prend le temps avant d’en­gager sa sig­na­ture. “Beau­coup de deman­des ont été refusées avant la nôtre”, regrette Issam Farchi, prési­dent du groupe sco­laire privé Alif. Il a fait le tra­jet depuis Toulouse pour pos­er, sur un stand, les ban­nières verte et blanche de son école. “On a vu ce que ça a don­né avec l’école Réus­site à Aubervil­liers : ils ont comp­té sur les sub­ven­tions de l’État, main­tenant ils sont suren­det­tés. Notre école est con­trôlée tous les ans, mais tout notre finance­ment est géré indépen­dam­ment des pos­si­bles sub­ven­tions”. L’homme cache un sourire charmeur der­rière sa barbe brune. Il glisse un clin d’oeil à l’homme, yeux bleus et cheveux clairs, qui tient le stand avec lui : “Regardez, on recrute même des con­ver­tis.

Pour les por­teurs de pro­jets qui n’espèrent plus être financés via un pas­sage sous con­trat, le respect des normes de l’Éducation nationale ne s’impose plus comme une pri­or­ité. Per­suadés que l’État n’est pas dis­posé à les aider, ils ont davan­tage intérêt à dévelop­per un enseigne­ment con­forme aux attentes de la com­mu­nauté. C’est d’elle que vien­dra la majorité des finance­ments (voir encadré).

En atten­dant, il peu­vent met­tre mon télé­phone sur écoute si ça les amuse, je n’ai rien a cacher”, souf­fle Issam Farchi. Les por­teurs de pro­jets se sen­tent entourés d’un cli­mat de sus­pi­cion qui les lasse. “Si vous avez de bonnes rela­tions, ça aide”, ajoute Dhaou Mesk­ine. Il n’exclut pas que son oppo­si­tion à Nico­las Sarkozy — au sujet du CFCM et du traite­ment des émeutes en ban­lieue en 2005 — ait joué en sa défaveur. Cette année, il n’essayera pas de pass­er sous con­trat : “Depuis 2006 et les cinq ans de l’établissement, on a déposé un dossier chaque année, tou­jours reto­qué. Cette année, on ne demande même pas, on n’y croit plus”. Pour Issam Farchi, le pas­sage sous con­trat est une étape trop opaque pour être prise au sérieux. “On par­le d’une ques­tion philosophique, mais qui se dis­cute sur un coin de table avec le rec­torat”.

“La procé­dure est la même pour tous, que l’établissement soit con­fes­sion­nel ou non, et peu importe la con­fes­sion, réfute la déléguée à la com­mu­ni­ca­tion de l’Éducation nationale Patri­cia Le Gall. Quant aux dif­fi­cultés ren­con­trées par les écoles musul­manes, elle refuse de les lier au car­ac­tère con­fes­sion­nel de l’école et les explique par “leur nou­veauté dans le paysage sco­laire français, qui peut se traduire par une maîtrise insuff­isante des con­di­tions d’ouverture”. Nico­las Cadène, rap­por­teur pour l’Observatoire de la laïc­ité, admet que la sus­pi­cion est “pos­si­ble, dans le con­texte actuel de crispa­tion religieuse”.

Makhlouf Mamèche, lui, con­firme qu’à ses yeux, “la démarche est poli­tique avant d’être admin­is­tra­tive”. S’il s’agit de trou­ver des failles dans les dossiers, c’est facile. On doit chang­er le regard de l’Etat sur nos pro­jets”. Makhlouf Mamèche se dit “opti­miste, même s’il a fal­lu atten­dre les atten­tats de Char­lie pour qu’on prenne le sujet en con­sid­éra­tion”. Un com­mu­niqué du Par­ti social­iste pub­lié fin févri­er nour­rit son opti­misme. Le texte appelle au “développe­ment de l’enseignement privé con­fes­sion­nel musul­man”. Dans les rangs du par­ti qui sou­tient François Hol­lande, le trou­ble est man­i­feste. Le débat prévu mi-mars à l’Assemblée nationale sur le port du voile dans les crèch­es privées a été reporté in extrem­is. Et le PS plaide “une mal­adresse dans la for­mu­la­tion”. L’a­paise­ment, vis­i­ble­ment, n’est pas pour maintenant.

 

(1) Fin mai, le col­lège Ibn-Khal­doun à Mar­seille a obtenu le pas­sage sous con­trat avec l’E­tat : l’en­gage­ment pren­dra effet à la ren­trée sco­laire 2015.

(2) Selon une étude améri­caine du Pew Research Cen­ter, il y avait 4,7 mil­lions de musul­mans en France en 2010. La loi française inter­dis­ant le recense­ment religieux, il n’existe pas de chiffres officiels.

Pho­to d’en-tête : La foire musul­mane aux 32èmes ren­con­tres annuelles des musul­mans de France. Crédits : Thomas Sam­son / AFP