Depuis le 1er avril, l’avant-projet de réforme pénale est mis à disposition des Marocains, afin de permettre aux citoyens de se prononcer sur le texte. Certains ont cru à un poisson d’avril du ministre de la Justice, Mustapha Ramid, qui était pourtant très sérieux.
Le texte original, adopté en 1962, n’avait pas connu de réformes importantes depuis cette date, il pouvait donc sembler en décalage avec la société de 2015. C’est dans cet esprit qu’il aurait été conçu, selon le ministre de la Justice : il déclarait ainsi dans une conférence publique à Rabat que le texte traduisait : “l’évolution significative en terme de liberté et de respect des droits humains connue par le Maroc”.
Ainsi, le texte contient certaines avancées, notamment l’introduction de peines alternatives pour lutter contre la surpopulation carcérale, un fléau international.
Lire aussi : nos chiffres sur la population carcérale en France
La pénalisation de la torture, du génocide et de la traite d’être humains ont également été unanimement salués.
La religion au coeur du dispositif pénal
Mais le texte a également fait des vagues dans la société marocaine, notamment par des dispositions considérées comme rétrogrades dans les questions de mœurs. Les relations sexuelles hors mariage sont donc toujours interdites dans le pays. Mais les peines de prison ont été assouplies pour ce délit : les contrevenants ne risque désormais que trois mois de prison maximum, contre un an auparavant. L’adultère et l’homosexualité restent des interdits, comme le prosélytisme.
La religion reste au cœur du dispositif pénal : le ministre de la Justice a d’ailleurs affirmé qu’il était « hors de question de remettre en cause l’islamité de l’Etat ». Ainsi, ne pas respecter en public le jeûne pendant le ramadan est passible de six mois d’emprisonnement, auxquels peuvent se substituer néanmoins une amende de 950 euros. La notion de « mépris des religions » a également été introduite dans le texte, initiative qualifiée par le site Médias24 de « dangereuse et inutile ».
Si elle se trouvera appliquée dans moins de cas, la peine de mort reste en vigueur, malgré l’existence de facto d’un moratoire sur le sujet : aucun condamné à mort n’a été exécuté depuis 1993. Pourtant, les condamnations à mort par la justice marocaine continuent à être prononcées.
Le texte divise la société marocaine
Depuis sa mise en ligne et son annonce, le texte fait débat dans la société. Pour la députée du Parti du Progrès et du Socialisme Nouzha Skalli, qui a aussi été ministre de la Famille, continuer à pénaliser les relations hors mariage est absurde : il faudrait donc « mettre en prison tous les jeunes ».
D’autres se font plus généraux : l’avocat Abderrahim Jamaï considère que le texte « enregistre un recul » dans le domaine des libertés, malgré les déclarations du ministre de la Justice affirmant le contraire.
Des voix plus conservatrices se font également entendre, émanant par exemple du quotidien At-Tajdid, considéré comme proche du PJD, le parti du gouvernement. Dans ses colonnes, il dénonce les « extrémistes » qui n’ont pour objectif que « d’imposer aux Marocains, sous couvert d’universalisme, des choix rejetés par le passé », avertissant contre la « zizanie » que pourrait semer des lois contraires aux « valeurs religieuses et originelles ».
Crédit photo : Magharabia, ©Flickr