Sécurité

Auteuil, Neuilly, Syrie : la tentation de la guerre chez les Français intégrés

Ils ont grandi dans des familles aisées. Ils n'ont connu ni l’exclusion, ni la délinquance. Ils sont éduqués et intégrés. L’un d’eux est parti se battre en Afghanistan en 1979. Un autre veut partir faire le jihad en 2015.

“Tout s’écroule.” Aba­sour­die. Elle s’interroge, ne com­prend pas. Marie-Agnès Choulet “n’avait rien vu venir”. Devant les caméras de France 2, puis BFM TV, elle pleure, elle essaie de com­pren­dre. Son fils Pierre, 19 ans, est par­ti faire le jihad en Syrie. Sans rai­son apparente.

Le 22 octo­bre 2013, Marie-Agnès trou­ve un mot dans la cham­bre de son « petit Pierre ». Il lui annonce qu’il est par­ti en Syrie « faire de l’hu­man­i­taire ». En févri­er 2015, le garçon de 21 ans meurt dans une attaque sui­cide. Il était « sportif, intel­li­gent et dis­cret ». Ses proches sont unanimes.

Comme Pierre, 400 Français se bat­tent actuelle­ment en Irak et en Syrie, selon les chiffres du min­istère de l’Intérieur. Env­i­ron 300 sont sur la route. Comme Pierre, nom­bre d’entre eux ont eu une enfance rel­a­tive­ment pais­i­ble, dans des familles plutôt aisées. Ils n’ont rien à voir avec le sché­ma sur­mé­di­atisé « délin­quance-prison-rad­i­cal­i­sa­tion ». Ces jeunes gens ont d’autres raisons de partir.

Dans une cer­taine mesure, cet exode guer­ri­er français n’est pas inédit. La France a été l’un de plus gros pour­voyeur de com­bat­tants durant la guerre civile espag­nole de 1936 à 1939 ou encore durant l’in­va­sion sovié­tique de l’Afghanistan de 1979 à 1989. Aujourd’hui encore, les Français sont les Occi­den­taux les plus nom­breux en Syrie. Ils par­tent par­fois pour des raisons pas si éloignées de celles de leur prédécesseurs.

“Freedom fighters” d’Afghanistan et jihadistes de Syrie

Les moti­va­tions pour par­tir faire le jihad en Syrie et en Irak ne sont pas si dif­férentes de celles qui ont poussé cer­tains Français à par­tir en Afghanistan dans les années 1980 : un esprit de sol­i­dar­ité et de résis­tance face aux injus­tices subies par une com­mu­nauté, une soif d’aventure.

Amin War­dak habite dans un petit apparte­ment, au huitième étage d’un immeu­ble mod­erne du nord de Paris. Trente ans aupar­a­vant, il était l’un des plus grands com­man­dants de la résis­tance afghane face à l’armée sovié­tique. Il s’est réfugié en France en 1995, dégoûté des luttes intestines des par­tis poli­tiques locaux et craig­nant pour sa vie.

Il reçoit dans son salon recou­vert d’épais tapis afghans, vêtu d’un élé­gant Kur­ta – une tenue tra­di­tion­nelle afghane – bleu azur, la Mis­ba­ha – le chapelet musul­man – à la main.

Amin War­dak

Ses sou­venirs sont une page d’his­toire de la guerre froide. Il par­le de ses ren­con­tres avec Bush père, de son ami­tié envers les Français par­tis se bat­tre avec lui.

Lui voit surtout les dif­férences entre son com­bat d’il y a trente ans et celui des généra­tions engagées auprès du groupe État islamique. Les « free­dom figth­ers » qui par­taient com­bat­tre les Sovié­tiques en Afghanistan n’é­taient ni payés ni embri­gadés. Ils lut­taient con­tre un envahisseur étranger, pour la lib­erté d’un peuple.

Les com­bat­tants occi­den­taux de l’EI, eux, sont rémunérés. « Les jeunes de Daesh sont manip­ulés et appâtés par les salaires que leur reverse l’organisation », fait-il observ­er. Selon plusieurs reportages, 800 dol­lars par mois sont promis aux jihadistes étrangers pour pren­dre part à une guerre civile et impos­er un mod­èle de vie aux pop­u­la­tions locales.

Dés­abusé, Armin War­dak ne veut pas croire à la sincérité de la démarche des nou­veaux jihadistes occi­den­taux. Il a déjà vu, dans son pays, trop de jeunes embri­gadés dans divers groupes fon­da­men­tal­istes manip­ulés par des puis­sances étrangères. « Jusqu’à aujour­d’hui, les trou­bles en Afghanistan ne sont pas notre guerre. C’est la guerre des étrangers, mais c’est notre peu­ple qui paie .» Si c’est vrai pour l’Afghanistan, ça l’est aus­si pour la Syrie et l’Irak.

Lau­rent Maréchaux, de nation­al­ité française, la soix­an­taine lui aus­si, a com­bat­tu aux côtés d’Amin War­dak. Il a gran­di dans le Val-de-Marne, au sein d’une famille aisée. Il com­prend cer­taines des moti­va­tions des Français qui par­tent se bat­tre en Syrie.

Pour en savoir plus sur Laurent et les autres Français partis se battre en Afghanistan :

Vies clandestines, nos années afghanes, un documentaire de Christophe de Ponfilly, en VOD ici.

Le 27 décem­bre 1979, il décide de se ren­dre en Afghanistan. Il entre en con­tact avec Amin War­dak. Lau­rent a 27 ans et une biogra­phie déjà chargée :  ama­teur de tau­ro­machie en Espagne, mil­i­tant poli­tique anar­chiste à Paris. Il sait fab­ri­quer des EEI (engins explosifs impro­visés). A son arrivée, il apprend ses tech­niques aux résis­tants afghans et les forme aux actions de guéril­la. Pour prou­ver l’efficacité de ces méth­odes, il mène avec suc­cès une attaque sur une gar­ni­son soviétique.

Laurent Maréchaux  et Djalâlouddine Haqqani, chef du "réseau Haqqani", allié des Talibans et activement recherché par les Etats-Unis
Lau­rent Maréchaux et Djalâloud­dine Haqqani, numéro 3 d’Al Qai­da pour l’Afghanistan et nom­mé respon­s­able des “human bombs” en Afghanistan par le mol­lah Omar

Comme Lau­rent, les autres « free­dom fight­ers » français n’étaient pas musul­mans. S’ils se retrou­vaient là-bas, c’é­tait au titre de moti­va­tions com­munes. En Afghanistan hier, en Syrie aujourd’hui, un motif de départ ressort par­ti­c­ulière­ment : l’humanitaire. Amin War­dak se rap­pelle qu’il y avait 11 ONG human­i­taires en Afghanistan. Sept étaient françaises.

Les jeunes com­bat­tants français dépeints comme les « bar­bares de Daesh » sont, eux aus­si, ani­més par une « forme d’humanitarisme » quand ils déci­dent de par­tir, explique Farhad Khos­rokhavar, soci­o­logue fran­co-iranien, directeur de recherche à l’E­HESS et l’au­teur de Rad­i­cal­i­sa­tion :

“Il s’ag­it d’une déf­i­ni­tion dif­férente de l’humanitaire. C’est une manière de vouloir aider leurs frères musul­mans face à un régime san­guinaire et impie (le régime alaouite). […] Ils ne sont pas pure­ment manip­ulés. Il y a une demande de manipulation.”

Leur désir de départ s’appuie sur un sen­ti­ment d’injustice et d’impuissance, relayé par les médias : les mil­liers de vic­times de la guerre, les mil­lions de déplacés dans l’indifférence.

Terroriste, un terme commode qui ne recoupe pas toujours la réalité

Laurent Maréchaux
Lau­rent Maréchaux

Lau­rent Maréchaux va jusqu’à con­tester la façon dont ces jeunes sont qual­i­fiés par les autorités et les médias. Le terme ter­ror­iste, qu’il con­sid­ère comme une expres­sion com­mode et dia­bolisante, ne peut pas tous les désign­er. Il insiste : ces Français par­tent avant tout se bat­tre pour défendre une com­mu­nauté musul­mane qu’ils esti­ment agressée et délais­sée. Une fois sur place, cer­tains com­met­tent des hor­reurs. Pas tous.

Marc [le nom a été mod­i­fié, NDLR] est un Français qui « gagne bien sa vie ». Il compte rejoin­dre le groupe EI sous peu. Lui aus­si, il sait pourquoi. À ses yeux, les exac­tions de l’EI n’ont rien à envi­er aux atroc­ités com­mis­es par les Améri­cains. Joint sur Twit­ter, il con­firme cette analyse.

“Ils [les mem­bres de la coali­tion] acceptent que les États-Unis bom­bar­dent des civils sous pré­texte de cibler des ter­ror­istes… des femmes et des enfants sont mas­sacrés, mais ça les médias n’en par­lent pas. […] Les États-Unis ont pré­tex­té des armes de destruc­tion mas­sive [en Irak] alors que Col­in Pow­ell tenait une fiole de pipi de chat. Ils ont mas­sacré des mil­liers de civils. Quand ils sont par­tis, ils ont mis au pou­voir des chi­ites qui ont com­mis des massacres…”

Lau­rent Maréchaux nuance large­ment ce con­stat. Mais il n’est pas dupe face à l’emploi du mot ter­ror­iste. Comme à son époque, il définit autant des actes sur le ter­rain qu’un statut d’al­lié ou d’en­ne­mi iden­ti­fié par les grandes puissances.

Entre deux gorgées de café, il racon­te com­ment les Améri­cains lui ont demandé de ren­con­tr­er un cer­tain Ous­sama Ben Laden en Ara­bie saou­dite, afin de mon­ter des fil­ières vers l’Afghanistan occupé par les Sovié­tiques. Il souligne qu’il y a quelques années, les Améri­cains ne se sont pas gênés pour soutenir des organ­i­sa­tions aux méth­odes et à l’idéologie très proches de l’EI afin d’affronter et d’affaiblir une puis­sance ennemie.

La soif d’aventure, porte d’entrée vers le jihad

Lau­rent Maréchaux décèle un autre fac­teur de départ vers la Syrie. Son expéri­ence lui enseigne que les jeunes jihadistes sont, au fond, ani­més comme lui par un esprit d’aven­ture, assumé ou pas. Il a fait la guerre. Il n’évoque pas sans émo­tion les ami­tiés pro­fondes qu’il a nouées sur le ter­rain, les regards graves échangés avant un assaut, les march­es for­cées à tra­vers des paysages somptueux, pour éviter les loups et les héli­cop­tères soviétiques.

Images de pro­pa­gande du groupe Etat islamique.

Puisqu’il en a réchap­pé, il con­naît le pou­voir d’at­trac­tion de la guerre. Son aspect épique. « Roman­tique », dit-il. La com­mu­ni­ca­tion de l’EI joue claire­ment sur ce créneau. Der­rière les cita­tions religieuses, les vidéos et affich­es de l’É­tat islamique dif­fusées sur Twit­ter ou Face­book sont truf­fées de codes et de références emprun­tées aux jeux vidéos et aux films d’ac­tions. Le groupe État islamique vous promet de pass­er de l’autre côté de l’écran.

Boubak­er el Hakim, jihadiste de la fil­ière des Buttes-Chau­mont, se con­fi­ait en ces ter­mes à un jour­nal­iste de RTL en Irak, en mars 2003 : « Je suis en Irak, on fait le jihad ! (…) C’est des tapettes, des bouf­fons les Améri­cans ! (…) On est des moud­jahidins ! » Le fris­son de l’aven­ture, la fierté de défi­er un immense empire sem­blent primer sur le sen­ti­ment religieux.

Lau­rent se sou­vient avoir ressen­ti un déli­cieux sen­ti­ment d’exclusivité, de sin­gu­lar­ité. La sen­sa­tion d’être là où tous les regards se braque­nt, là où l’his­toire se fait. Boubak­er el Hakim a, lui, besoin de le dire : « Je suis là, c’est moi, je suis en Irak ! »

L’idéologie de l’EI, en rupture avec l’idéologie sécularisée des « freedom fighters »

Le jihad obéit égale­ment à une dynamique sin­gulière, en rup­ture avec les idéaux des « free­dom fight­ers » : la prég­nance du religieux dans l’analyse du con­flit, le rejet du mod­èle occi­den­tal et le besoin de renouer avec des valeurs sacrées.

Lau­rent Maréchaux ne s’identifie pas com­plète­ment aux jeunes jihadistes, car leur idéolo­gie n’est pas de même nature que la sienne. Il décrit sa démarche comme un engage­ment poli­tique et roman­tique, inscrit dans un temps et un espace don­nés. Rien à voir avec l’en­gage­ment religieux et uni­versel des jihadistes.

Farhad Khos­rokhavar dis­tingue lui aus­si l’idéologie religieuse de l’EI des « espaces idéologiques sécu­lar­isés » qui lut­taient con­tre l’envahisseur sovié­tique ou le fas­cisme espag­nol. Les com­bat­tants de jadis se posi­tion­naient sur une réal­ité sociale et ter­ri­to­ri­ale qu’ils avaient analysée de façon rationnelle. Ceux d’au­jour­d’hui font pass­er leur reli­gion au-dessus de tout. C’est, pour eux, la panacée à tous les maux de la région.

Ce que recherchent les jeunes jihadistes, c’est « la servi­tude volon­taire vis à vis d’un pou­voir qui incar­ne le bien », explique-t-il. La libéra­tion et la vic­toire de leur révo­lu­tion ne dépen­dent pas de l’homme mais de sa soumis­sion à Dieu.

L’islam radical, remède au malaise identitaire

Selon le chercheur, ces jeunes de classe moyenne sont exposés à un malaise iden­ti­taire. Ils souf­frent de la dilu­tion de l’autorité et de la dis­pari­tion du mod­èle famil­ial tra­di­tion­nel : « L’islam leur pro­pose des lignes de démar­ca­tion assez nettes entre ce qui est bien et mal. » C’est, d’après le chercheur, un mod­èle ras­sur­ant où chaque aspect de la vie est éti­queté, réglé, où cha­cun con­naît son rôle dans la société.

Du côté des femmes, qui représen­tent — phénomène inédit — 20% des départs vers la Syrie, se mari­er à un jihadiste est une chance, comme l’ex­plique Farhad Khos­rokhavar : un moud­jahidin est « vir­il ». Il sera aus­si prob­a­ble­ment fidèle : une per­son­ne aus­si dévouée à son Dieu est une per­son­ne capa­ble de grande fidélité.

Le fantasme de l’âge d’or de l’islam, preuve du bien fondé du jihad

Si ce mod­èle séduit, c’est aus­si parce qu’il pro­pose de “revenir à la vie d’avant”, selon Lau­rent Maréchaux. La vie d’a­vant, c’est cet âge d’or de l’is­lam où la civil­i­sa­tion arabe était le cen­tre du monde. Le monde arabe ray­on­nait sur sa périphérie. Ses armées sur­clas­saient les autres. Son savoir était dif­fusé partout.

« Il y a un fan­tasme autour de cette péri­ode de dig­nité », recon­naît Marc. Mais, pour lui, l’islam reste la con­di­tion sine qua non d’un monde juste et prospère :

“Lorsque l’islam est appliqué, il n’y a pas de prési­dent qui détourne de l’argent ou qui est pro­tégé par une immu­nité […]. Il n’y a pas de para­chute doré, […] pas de par­ents dans des maisons de retraite pour s’en débar­rass­er, pas de pau­vres dans la rue… […] L’âge d’or revien­dra naturelle­ment avec la mise en appli­ca­tion [de la reli­gion], c’est une promesse.”

Marc cite un hadîth : “ ‘La prophétie restera parmi vous autant qu’Allah le souhaitera, puis Allah y mettra un terme quand Il voudra (période du prophète paix sur lui). Il y aura alors un califat suivant la voie prophétique, qui vous gouvernera autant qu’Allah le souhaitera, puis Allah y mettra un terme quand Il voudra (période des 4 premiers califes). Puis viendra une royauté injuste (et dynastique) qui vous gouvernera autant qu’Allah le souhaitera, puis Allah y mettra un terme quand Il voudra (période des Omeyyades, Abbassides, Ottomans). Puis viendra une royauté tyrannique qui vous gouvernera autant qu’Allah le souhaitera, puis Allah y mettra un terme quand Il voudra (période des dictateurs en Syrie, en Égypte, en Irak, au Yemen, en Libye, en Algérie, au Maroc, en Arabie Saoudite…). Puis viendra alors un califat suivant la voie prophétique (période que nous vivons actuellement).’ Puis le Prophète ( ) se tut.”

L’EI sub­lime ce retour à l’ordre social et moral en le vernissant d’une aura mys­tique : les par­ti­sans de l’organisation décè­lent dans les événe­ments actuels les prémices de l’apocalypse, annon­cé dans une prophétie tirée du Coran. Marc en témoigne :

« Un autre élé­ment explique un l’engouement [pour le jihad] : une prophétie du prophète Mohamad [paix sur lui] qui a indiqué qu’un cal­i­fat arriverait avec des indi­ca­tions qui lais­sent forte­ment penser à ce qui arrive. »

Un Occident en panne d’idées qui ne séduit plus sa jeunesse

Lau­rent Maréchaux con­state que l’Occident n’a, selon lui, rien à offrir face à un mod­èle si atti­rant d’ex­pli­ca­tion du monde. Il prend à témoin : qui voudrait se bat­tre pour le matéri­al­isme cap­i­tal­iste ? Pour lui, face au vide idéologique de l’Occident, tout sys­tème alter­natif paraît séduisant. Le tak­firisme, une doc­trine de l’is­lam rad­i­cal suiv­ie par l’EI, en est un. Sans con­cur­rent sérieux aujour­d’hui. Cheik Essa, un théolo­gien égyp­tien, l’a théorisé ainsi :

“Tout non-croy­ant, bap­tisé ou athée, est un infidèle et un enne­mi de l’islam et doit être com­bat­tu au même titre que les musul­mans non-pra­ti­quants ou les afghans qui tour­nent le dos à leur reli­gion en sou­tenant les troupes de Georges Bush.”

« Pour faire la guerre aujourd’hui, il faut être musul­man », affirme Lau­rent Maréchaux. Com­pren­dre « guerre » dans le sens suiv­ant : ris­quer la mort pour défendre ses idées poli­tiques. Cette pos­ture, fait-il com­pren­dre, était val­orisée en Occi­dent aux XIXe et XXe siè­cle. Il y a aus­si, selon lui, quelque chose de typ­ique­ment français dans cette propen­sion à par­tir « faire la guerre ». Une cul­ture de la résis­tance dont ces jeunes sont incon­sciem­ment imprégnés.

Lui-même a été façon­né par le passé résis­tant de son père et de son grand père, l’ap­pel du 18-Juin du général de Gaulle, autant de références qui célèbrent le courage et la lutte à con­tre-courant. Il aurait égale­ment pu citer « Indignez-vous ! », l’es­sai de Stephane Hes­sel en faveur de l’en­gage­ment per­son­nel et de « l’e­sprit de résis­tance » large­ment dif­fusé dans les médias et les écoles il y a cinq ans.

Il pense que les jihadistes por­tent une par­tie de cet héritage. Un héritage défor­mé, vidé de son con­tenu répub­li­cain, mais qui val­orise une pos­ture : un engage­ment con­tre un sys­tème oppressant.

« En Afghanistan, tous les Français lisaient « les sept piliers de la sagesse » », le réc­it auto­bi­ogra­phie de Lawrence d’Arabie sur la mythique révolte arabe con­tre les Ottomans. Désor­mais, les jeunes com­bat­tants français puisent dans le Coran d’autres épopées guerrières.

Aujourd’hui, Lau­rent admet qu’il ne voit plus de com­bats sus­cep­ti­bles de jus­ti­fi­er le recours aux armes. A part, peut-être, la défense des Yézidis assiégés par l’EI dans les mon­tagnes de Sin­jar. Mais il ne croit pas en une issue heureuse pour les Yézidis. En Afghanistan, il « savait qu’ils allaient gag­n­er”.