“Pendant cinquante ans, j’ai été ‘contre’, aujourd’hui je veux être ‘avec’. Être ‘contre’, c’est l’ancien militantisme”. Pour Patrice Levallois, adhérent du Mouvement du 11 janvier, la contestation ne suffit pas ou plus. Ancien militant écologiste, il est aussi homme de télévision : “Je suis le papa des Minikeums”, lance-t-il dans un sourire. Un programme diffusé au cours des années 1990, pensé pour “réconcilier les parents et les enfants”. Patrice est également le créateur du téléfilm ‘l’Instit’, avec Gérard Klein, dont l’ambition était de “revaloriser la place du prof à une époque où le métier était très déconsidéré.” Réconcilier, revaloriser, créer du lien… autant de notions que le Mouvement du 11 janvier souhaite incarner. Alors que le soleil commence à peine à décliner sur la place de la République, Patrice règle les derniers détails avec son jeune acolyte, Benjamin Ball. Sur la petite table de camping qu’ils ont installée à quelques mètres de la statue de la République, un flyer, sur lequel on peut lire : “Mercredi 11 mars 2015, Faites de la fraternité à 18h”.
La Fraternité, “parent pauvre de la République”
L’initiative, lancée à la suite des grands rassemblements du 11 janvier par le collectif des États généraux du Pouvoir Citoyen, est originale. Tous les 11 du mois, depuis ce fameux 11 janvier où près de 4 millions de Français sont descendus dans les rues en scandant “Liberté d’expression”, tous les citoyens sont invités à se rassembler place de la République, pour participer à un temps de parole autour du thème “comment vivre et faire grandir la fraternité”. Pour Patrice Levallois, cette notion reste “le parent pauvre de la République”.
“J’y ai goûté le 11 janvier, se remémore-t-il, et aujourd’hui j’en reprendrais bien un petit bol!” L’appel a été soutenu par une cinquantaine de personnalités, dont les philosophes Patrick Viveret, Abdennour Bidar, l’auteur d’un “Plaidoyer pour la fraternité”, mais aussi Claude Alphandery ou encore Jean-Baptiste Foucault, fondateur de l’association du Pacte Civique. Au total 75 associations et réseaux sont impliqués dans le mouvement. Pour autant, lors du dernier rassemblement le 11 février dernier, ils n’étaient qu’une “trentaine” à participer.
Des “Indignés” au 11 janvier
Benjamin Ball ne revendique aucune étiquette. Cette semaine, il s’occupe de la coordination logistique. Ancien militant des Indignés, ce trentenaire, désormais membre des États généraux du Pouvoir Citoyen, espère ramener un maximum de monde. Des politiques, des célébrités, et surtout, de simples citoyens, “qui pourront avoir le même temps de parole”, lors des discussions collectives.
Une telle initiative n’aurait pas pu voir le jour chez les Indignés, explique Benjamin. Ceux-ci veulent développer des actions “purement citoyennes” et “rejettent les corps intermédiaires”. Chez les Indignés, associations et partis politiques ne sont pas les bienvenus. La seule bannière qu’ils reconnaissent est celle du citoyen. Au contraire, le mouvement du 11 janvier cherche à fédérer tout type d’acteurs. Des religieux de toutes les confessions, des ONG, mais aussi des personnalités du monde politique désireuses de s’impliquer.
République, là où les luttes convergent
Pour servir cette ambition, rien de tel que la place de la République. Carrefour entre le 3ème, le 10ème et le 11ème arrondissement de Paris, la place est un point de rendez-vous incontournable pour toutes les manifestations, quel qu’en soit l’objet. À quelques mètres de Benjamin et Patrice, cet après-midi-là un “bus du glaucome” a élu domicile. Alors que les bénévoles de l’association UNADEV (Union nationale des aveugles et déficients visuels) démarchent les passants pour les informer sur cette maladie méconnue, Patrice et Benjamin s’interrogent : la page Facebook qui annonce l’événement a reçu plus de 100 promesses de participation, mais les internautes seront-ils bien au rendez-vous ? Vers 18h30, c’est une autre manifestation, lancée à l’appel du réseau “Sortir du nucléaire” qui est prévue, pour les victimes de Fukushima cette fois.
Cette concurrence pourrait inquiéter Benjamin. Il s’en réjouit pourtant : “Lorsque nous aurons terminé, nous appellerons les gens à se joindre à eux”, annonce-t-il. Lors de la précédente édition, le 11 février, c’était un rassemblement de soutien à la Grèce qui s’était formé de l’autre côté de la statue. Là aussi, “nous nous sommes agrégés à la manifestation”, explique Benjamin. Dans ces conditions, difficiles de dire combien de personnes sont réellement là pour le Mouvement du 11 janvier. Par rapport à la précédente édition, qui avait réuni une trentaine de participants, leur nombre a augmenté, mais sans atteindre la centaine de participants escomptée.
(article mis à jour le 13/03)
Photo d’en-tête: Patrice Levallois (à gauche) et Benjamin Ball, du mouvement du 11 janvier (L.Le Runigo/ 3millions7)