Plus d’un mois après les attentats, quelles sont les perspectives pour l’équipe des survivants de Charlie Hebdo ? A cinq jours de la publication du prochain numéro de l’hebdomadaire satirique, la journaliste Raphaëlle Bacqué fait le point pour M, le magazine du Monde, sur les difficultés qui attendent la rédaction. Problèmes pour recruter de nouveaux dessinateurs, gérer les tensions, travailler sous protection renforcée, barricadés…L’article, intitulé “Charlie Hebdo: le casse-tête de la reconstruction” se conclut sur ces quelques mots : “En venant assassiner l’équipe de Charlie, les tueurs ont aussi tué son insouciance.”
Trouver la relève
Comment retrouver cette insouciance et cette “capacité à rire de tout”, alors que la relève peine à se faire connaître ? Selon la journaliste, “les quelques dessinateurs contactés pour rejoindre la rédaction ont décliné l’offre.” Et de citer Riss, le nouveau directeur de la rédaction : « Ils demandent “Est-ce que je serai obligé d’assister à la conférence de rédaction ?”, “Faut-il que je signe de mon vrai nom ?”, et donnent rendez-vous pour dans six mois ». Un nouveau patron qui dit comprendre ces inquiétudes, puisqu’il les partage : lors des attentats du 7 janvier, Riss avait dû être hospitalisé après avoir été blessé à l’épaule. Compréhensif mais aussi amer, comme lorsqu’il regrette que « tous ceux qui conjurent Charlie de continuer à caricaturer Mahomet nous (laissent) monter seuls au front », à l’instar du journal satirique danois Jyllands-Posten. Le dirigeant du titre avait renoncé à publier la Une du dernier numéro de l’hebdomadaire français, publié le 14 janvier. L’équipe de Charlie Hebdo avait pourtant repris, par solidarité, douze de leurs caricatures de Mahomet en 2005, lorsque celles-ci avaient suscité la controverse.
L’argent, cadeau empoisonné ?
L’autre défi qui attend la rédaction est d’ordre financier. Plus de sept millions d’exemplaires du “numéro des survivants” ont été vendus, rapportant une somme d’au moins dix millions d’euros à l’hebdomadaire, relève Le Monde. Sans compter les dons de particuliers, qui iront aux familles des victimes et à des associations de soutien aux dessinateurs menacés dans le monde. Pour le reste, le cadeau pourrait bien s’avérer empoisonné. Patrick Pelloux, chroniqueur à l’hebdomadaire s’en inquiète : « C’est un cauchemar, ces millions, cela peut nous tuer ». Selon Raphaëlle Bacqué, une “écrasante majorité de la rédaction réclame aujourd’hui un changement profond qui passe à la fois par un actionnariat redistribué et une plus grande transparence des décisions”.
Photo d’en-tête : Devant les locaux de Charlie Hebdo, le 15 février. (AFP Photo/ Loic Venance)