L’Union des démocrates musulmans français (UDMF) polarise les angoisses de la classe politique. Certains y voient même la réalisation du roman de Michel Houellebecq, Soumission, qui décrit l’arrivée au pouvoir d’un parti islamiste dans la France de 2022. Dans le court programme (26 pages) du mouvement créé en novembre 2012 par Nagib Azergui, pas de polygamie ni de niqab.
Les références à l’islam sont d’ailleurs quasiment inexistantes : elles concernent seulement l’économie, que l’UDMF veut « équitable ». Le parti prône l’application de la finance islamique (qui se distingue par l’interdiction du taux d’intérêt aux transactions financières) comme remède aux « spéculations à outrance ».
Le parti de Nagib Azergui souhaite aussi créer un « label halal ». L’argument n’est pas religieux, mais bassement économique : le secteur agroalimentaire français souffre alors que le « business du halal » est florissant. La France se doit donc de devenir championne de ce « secteur sous-exploité ».
Un programme de socialiste modéré
Voilà pour l’islam. Le reste du programme ressemble plutôt à un programme socialiste tendance modérée qu’à une inspiration des lapidations pour adultère en Arabie Saoudite.
À l’école, « les valeurs de la citoyenneté (du point de vue de la Nation et de l’Europe) » doivent être enseignées « dès le plus jeune âge à nos enfants ». Des valeurs qui restent d’ailleurs évasives : « règles de vie, droits fondamentaux, devoirs qui nous incombent »…
L’UDMF propose néanmoins de « proposer véritablement aux collégiens et lycéens » l’apprentissage de la langue arabe car elle est l’une des plus parlées dans le monde.
Peu de propositions claires
Le rôle « salvateur de la famille » est affirmé, sans donner lieu à des propositions, tout comme le droit à l’égalité de la femme. Il n’est pas clairement affirmé que le voile ne doit pas être interdit à l’école.
C’est l’une des spécificités du programme de ce parti des musulmans : l’absence de propositions claires. Une affinité avec l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne (UE) est évoquée, mais pas affirmée (« posons-nous les bonnes questions avant de fermer trop vite la porte à la Turquie », est-il mentionné). De même, ils regrettent que l’école n’enseigne pas assez les moments « obscurs » de notre histoire (colonisation, guerre d’Algérie, « guerre des tranchées », passé de l’Afrique) mais sans en faire une recommandation.
Sur le plan international, une reconnaissance de la Palestine comme État à l’ONU et par l’UE est réclamée — bien que la Palestine soit déjà considérée comme un « État non membre » par les Nations unies. Des mesures favorables à la Palestine sont aussi évoquées.
Pas un mot sur les banlieues ou les religions
Restent les mesures déjà connues : un audit de la dette publique, que l’association Attac mène déjà, et le vote des étrangers non communautaires aux élections locales, promis par le candidat François Hollande. Et deux propositions inattendues.
La première consiste à généraliser le télétravail des cadres pour désengorger les centres-villes où ils vont travailler et ainsi permettre aux plus modestes, de revenir dans ces aires urbaines grâce à la baisse des prix immobiliers. La seconde vise à améliorer les soins pour les personnes âgées en milieu hospitalier. Pour ce faire, de « nouvelles approches » qui ont donné « des résultats impressionnants » doivent être démocratisées. Mais aucune précision n’est donnée.
Le programme de l’UDMF marque surtout par les thèmes qu’il n’aborde curieusement pas. Pas un mot sur les banlieues, l’immigration ou la place des religions dans la République.
Photo d’en-tête : Nagid Azergui (à gauche) et Emir Megherbi (à droite), fondateurs de l’UDMF. (3 millions 7 / J. Lamothe)