Justice

Au commissariat à 8 ans : “Les élèves l’appellent Ahmed le terroriste”

A 8 ans, Ahmed a passé ce matin une demi-heure au commissariat de Nice pour "apologie du terrorisme". Les polémiques sont déjà vives. L'avocat de la famille parle d'un enfant "traumatisé".

Ahmed, 8 ans, n’ira pas à l’école ce jeu­di. L’élève de CE2, enten­du mer­cre­di 28 jan­vi­er dans un com­mis­sari­at de Nice au motif qu’il aurait tenu des pro­pos exp­ri­mant une « sol­i­dar­ité » avec les auteurs de l’attentat de Char­lie Heb­do est « trau­ma­tisé ».

L’avocat de ses par­ents, Me Sefen Guez Guez, expli­quait dans l’émission Bour­din Direct sur RMC ce jeu­di, que ces derniers comp­taient porter plainte con­tre l’école qui a sig­nalé les pro­pos de l’enfant à la police de Nice. Depuis ce sig­nale­ment, émis le 9 jan­vi­er, le jeune garçon serait harcelé à l’école.

” Il est harcelé. Les enfants l’appellent Ahmed le ter­ror­iste, il s’isole dans les toi­lettes. C’est une sit­u­a­tion trau­ma­ti­sante pour lui”, rap­porte l’avocat. 

Un har­cèle­ment qui ne con­cerne pas que les enfants selon l’av­o­cat, mais aus­si les adultes respon­s­ables d’en­cadr­er les élèves. C’est aus­si l’avis du père d’Ahmed, qui a décidé de porter plainte con­tre le directeur de l’é­cole pour “vio­lences aggravées sur mineur”.

“On ne sait pas où il est allé chercher ses propos”

Invité à s’ex­primer par son pro­fesseur au lende­main des atten­tats, l’en­fant aurait déclaré: “Je ne suis pas Char­lie, je suis avec les ter­ror­istes. Il faut tuer les Français ». Mar­cel Authi­er, directeur départe­men­tal de la sécu­rité publique de Nice a affir­mé que le garçon avait refusé de respecter la minute de silence au lende­main des attentats.

C’est le directeur de l’é­cole où Ahmed est sco­lar­isé qui a sig­nalé les pro­pos de l’en­fant à la police. “Dans le con­texte actuel, le directeur de l’é­cole a décidé de sig­naler ce qui s’est passé à la police”, pré­cise le com­mis­saire Authi­er. L’en­fant a été enten­du pen­dant une demi-heure, en présence de son père. “Vis­i­ble­ment, l’en­fant ne com­prend pas ce qu’il a dit. On ne sait pas où il est allé chercher ses pro­pos”, selon le commissaire.

“Hystérie collective”

Pour l’avocat des par­ents de l’enfant, Me Sefen Guez Guez, qui utilise le pseu­do­nyme S. Ibn Salah sur Twit­ter, l’enfant a dit lors de l’audition qu’il ne con­nais­sait pas le sens du mot ter­ror­isme, tout en con­fir­mant avoir dit « Je suis avec les ter­ror­istes ».

Selon le Parisien, qui cite Me Guez Guez, les par­ents d’Ahmed auraient « fer­me­ment con­damné les pro­pos de leur fils.” “Le père et son fils sont pro­fondé­ment choqués d’un tel traite­ment qui illus­tre l’hys­térie col­lec­tive dans laque­lle la France est plongée depuis début jan­vi­er”, a estimé dans un com­mu­niqué le Col­lec­tif con­tre l’is­lam­o­pho­bie en France. Mohamed Kebab­sa, le père d’Ahmed a déclaré sur iTélé “J’ai demandé à mon fils s’il savait ce qu’é­tait un ter­ror­iste, il m’a répon­du non.” 

Me Sefen Guez Guez affirme encore que l’en­fant est visé par une plainte pour apolo­gie du ter­ror­isme, qui aurait été déposée par l’école. Une ver­sion con­tred­ite par la police niçoise. Par­al­lèle­ment, la com­mis­saire divi­sion­naire Fabi­enne Lewandows­ki a annon­cé qu’une enquête venait d’être ouverte sur des “sus­pi­cions de vio­lences intrafa­mil­iales” dans la famille du jeune garçon. Ce jeu­di après-midi, la min­istre de l’É­d­u­ca­tion nationale, Najat-Val­laud-Belka­cem a déclaré que “la sit­u­a­tion per­son­nelle de cet enfant était préoc­cu­pante”. Cette dernière a rajouté que “l’équipe de l’étab­lisse­ment sco­laire a bien réagi”. 

Début de polémique

En dehors de maître Guez Guez, d’autres avo­cats ont réa­gi. Maître Eolas, pseu­do­nyme d’un avo­cat très suivi sur Twit­ter, s’est égale­ment exprimé:

Les réac­tions poli­tiques ne se sont pas fait atten­dre non plus. Le maire UMP de Nice, Chris­t­ian Estrosi s’est rapi­de­ment exprimé sur Twitter.

Il a ajouté en direct sur I Télé que l’en­fant n’é­tait qu’une vic­time d’un envi­ron­nement famil­ial. Le député UMP Eric Ciot­ti a égale­ment affiché son sou­tien à la direc­tion de l’école. Le prési­dent du Con­seil général des Alpes-mar­itimes a annon­cé avoir saisi les ser­vices de pro­tec­tion de l’enfance.

Le 15 jan­vi­er, Eric Ciot­ti pro­po­sait de met­tre en place un dis­posi­tif pou­vant aller jusqu’à la sup­pres­sion des allo­ca­tions famil­iales pour les familles des enfants n’ayant pas respec­té la minute de silence en hom­mage aux vic­times des attentats.

Pho­to d’en-tête : l’avocat du père d’Ahmed, maître Sefen Guez Guez (cap­ture d’écran BFM)