Intégration, Politique

Droit d’asile : le Sénat veut durcir le texte

Deux semaines après les critiques de la Cour des comptes sur les failles du système d'accueil des réfugié, le Sénat a retouché hier le projet de réforme du gouvernement. Exit la question de l'éloignement des déboutés et place à un durcissement du texte.

Le Sénat pas­sait mer­cre­di 6 mai, à la moulinette de sa com­mis­sion des lois, le pro­jet du gou­verne­ment cen­sé sauver le sys­tème d’ac­cueil et d’héberge­ment des étrangers deman­deurs du statut de réfugié poli­tique en France. 286 amende­ments ont été étudiés, dont 180 émanant directe­ment du rapporteur.

L’ob­jec­tif de cette retouche est clair : mus­cler un texte con­sid­éré comme insuff­isant à l’heure où des mil­liers de migrants se présen­tent aux portes de l’Europe.

Eloigner les déboutés

Dans la let­tre de la loi, les séna­teurs prévoient des délais encore plus courts dans le traite­ment des dossiers, la fin de l’in­con­di­tion­nal­ité de l’héberge­ment des déboutés pour ren­voy­er les migrants, des assig­na­tions à résidence…

Chaque année en France, plus de 60 000 per­son­nes déposent une demande de droit d’asile. Un quart d’en­tre eux seule­ment obti­en­nent une protection.

Au final, les per­son­nes déboutées sont dans l’oblig­a­tion légale de par­tir pen­dant que d’autres atten­dent d’être ren­voyés. La Cour des comptes a affir­mé dans un rap­port con­fi­den­tiel mis en ligne le 13 avril par Le Figaro :

“Beau­coup restent. Ce qui ajoute au flux d’im­mi­gra­tion non détec­té 40 000 à 50 000 illé­gaux sup­plé­men­taires par an, soit 200 000 migrants économiques en cinq ans en France.”

Or, la loi actuelle est claire. Au bout de cinq années de présence sur le ter­ri­toire les deman­deurs d’asiles, mêmes déboutés, auront droit à régu­lar­i­sa­tion, explique la Cour des comptes :

“La majorité des per­son­nes déboutées sera régu­lar­isée au bout de cinq ans depuis la cir­cu­laire du min­istre de l’in­térieur du 28 novem­bre 2012”.

Au final, ce sont bien 9 déboutés sur 10 qui restent en France et qui, après cinq ans sur le ter­ri­toire, sont régularisés.

En clair, la Cour des comptes sous-entend que la cir­cu­laire Valls con­stitue une inci­ta­tion à l’im­mi­gra­tion. C’est pré­cisé­ment ce que vient com­bat­tre aujour­d’hui le Sénat. A la lec­ture de ce rap­port, la Haute assem­blée a décidé dans la foulée le report du vote prévu d’i­ci deux mois et l’au­di­tion de la Cour des comptes. Dans les tuyaux, on par­le d’une “final­i­sa­tion du texte et d’un vote pour fin juin”. Le report irrite le PS qui accuse l’UMP d’en être à l’origine.

La visite secrète

Tout s’est joué, très dis­crète­ment, le 29 avril, racon­te Le Figaro. Le patron de la Cour des comptes, Didi­er Migaud, ain­si que le prési­dent de la 4e cham­bre de la Cour, sont allés ren­dre vis­ite au prési­dent de la com­mis­sion des lois, Philippe Bas. Au menu des dis­cus­sions : le coût estimé de l’asile. Selon eux, cela représente “plus de 2 mil­liards d’eu­ros” . Pen­dant cette vis­ite, les mag­is­trats ont aus­si voulu con­fron­ter leur esti­ma­tion du taux de déboutés effec­tive­ment ren­voyés (1% selon eux) avec celle du gou­verne­ment (10% selon Cazeneuve).

Même s’ils n’a­van­cent pas les mêmes chiffres, un seul point d’ac­cord existe entre la Cour et le Sénat : la crise de l’asile ne peut se régler sans procéder aux éloigne­ments néces­saires de ceux qui engor­gent le sys­tème au détri­ment des deman­deurs risquant réelle­ment leur vie dans leur pays d’origine.

L’a­gen­da du Sénat prévoit un retour en séance du texte sur l’asile pour le 18 mai. Les asso­ci­a­tions de défense des immi­grés appel­lent d’ores et déjà à la sauve­g­arde du droit d’asile. Dans un com­mu­niqué de presse, la Cimade invite les séna­teurs à amender le texte pour ren­dre le plus effectif.

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En revanche, le texte sur le droit des étrangers ne sera pas exam­iné par le Par­lement avant la fin de l’an­née… En pleine crise migra­toire et au moment où l’Eu­rope regarde ses fron­tières, la France sem­ble tou­jours plus repouss­er l’échéance.

Crédit pho­to : Flickr