Monde, Politique

France-Qatar : une amitié qui rapporte

C'est en grande pompe que François Hollande a conclu lundi la vente de vingt-quatre Rafale au Qatar. Une transaction qui relance les interrogations sur les liens qui unissent la France et l'émirat, soupçonné par certains de financer le terrorisme.

Le Qatar est un pays ami et il est pos­si­ble de lui ven­dre nos Rafale. C’est le mes­sage qu’en­voie au monde le prési­dent François Hol­lande en ven­dant 24 avions français au petit émi­rat (2,1 mil­lions d’habi­tants) du Golfe per­sique. Une posi­tion diplo­ma­tique qui s’in­scrit dans la lignée de son prédécesseur Nico­las Sarkozy, sou­vent rail­lé pour son tro­pisme qatari, mais qui con­tin­ue pour­tant à sus­citer des réticences.

Attaques de Marine Le Pen

Ain­si la prési­dente du Front nation­al Marine Le Pen, qui avait déjà accusé en 2013 la France d’être “la catin du Qatar”, s’est inquiété de ce con­trat dimanche 4 mai sur iTélé : “J’au­rais aimé qu’en ven­dant le Rafale au Qatar, on ait une clause exigeant que le Qatar ne finance ni n’aide le fon­da­men­tal­isme islamique”. Cette déc­la­ra­tion est dans la même veine que celle faite le 12 jan­vi­er, au lende­main du soulève­ment pop­u­laire de l’après-Char­lie: “On ne peut pas con­tin­uer à accepter d’avoir des rela­tions priv­ilégiées avec le Qatar dont tout le monde sait, à part Mon­sieur Fabius et Nico­las Sarkozy, qu’il finance le ter­ror­isme”.

Ces accu­sa­tions lancées régulière­ment se fondent prin­ci­pale­ment sur un rap­port du Tré­sor améri­cain, pub­lié en sep­tem­bre 2014, affir­mant que le Qatar con­stitue un des plus grands dona­teurs de l’or­gan­i­sa­tion Etat islamique. Le 19 jan­vi­er, l’un des dirigeants de l’UMP, le député Bruno Le Maire, invité de BFMTV, l’a cité pour faire part sur BFM TV de ses “doutes” à l’é­gard de l’émi­rat et de ses liens “de par­rainage, de sou­tien tacite et de finance­ment” à l’é­gard du terrorisme.

L’an­cien Pre­mier min­istre François Fil­lon (UMP) a lui aus­si pré­con­isé le 21 jan­vi­er dans les colonnes du Monde  “un aggior­na­men­to diplo­ma­tique” au Proche-Ori­ent. Pour le député de Paris, l’at­ti­tude qatarie entre­tient en effet “le doute”. “A cha­cun de mes déplace­ments au Proche-Ori­ent, j’entends dire que des organ­i­sa­tions religieuses de plusieurs pays du Golfe finan­cent des groupes ter­ror­istes” a‑t-il écrit, avant de réclamer une enquête inter­na­tionale sur le finance­ment du terrorisme.

“Nous ne finançons pas le terrorisme”, affirme l’émir Al Thani

Ces soupçons avaient été aupar­a­vant bal­ayés par l’émir Al Thani, sou­verain de cet Etat musul­man aux moeurs très con­ser­va­tri­ces. “Nous ne finançons pas le ter­ror­isme. Cer­taines organ­i­sa­tions sont qual­i­fiées de ter­ror­istes par les Etats-Unis, mais pas par nous. Si vous par­lez de cer­taines mou­ve­ments en Syrie et en Irak, nous les con­sid­érons comme ter­ror­istes”, avait t‑il affir­mé à CNN le 25 sep­tem­bre 2014, dans une déc­la­ra­tion pas tout à fait dénuée d’am­biguïté. Cer­tains experts, comme le Français Fab­rice Bal­anche, spé­cial­iste du Moyen-Ori­ent, esti­ment que le Qatar a bien financé le Front Al-Nos­ra, rat­taché à Al-Qai­da, jusqu’en avril 2013, avant de soutenir l’or­gan­i­sa­tion Etat islamique. Le géo­graphe recon­naît pour­tant qu’ ”il n’y aura jamais de preuve papi­er” de ces allégations.

Création d’emplois

Un grand flou qui ne com­porte pas que des désa­van­tages pour la diplo­matie française. Les gou­ver­nants peu­vent pass­er des accords lucrat­ifs et por­teurs d’emplois avec l’émi­rat sans for­cé­ment se com­pro­met­tre. La vente des Rafale pour­rait ain­si per­me­t­tre la créa­tion de quelque 3000 emplois dans l’Hexa­gone. Tout en espérant qu’elle par­ticipera à soud­er les liens entre les deux pays dans la lutte con­tre l’en­ne­mi que le min­istre de la Défense Jean-Yves Le Dri­an con­sid­ère comme “com­mun”: l’E­tat islamique.

Crédit pho­to : Cre­ative Common/Hamad bin Jas­sim bin Jaber bin Muham­mad Al Thani, émir du Qatar de 2007 à 2013.