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Six auteurs anglophones s’opposent à la remise d’un prix à Charlie Hebdo

Char­lie Heb­do devait recevoir un prix pour la défense de la lib­erté d’expression aux Etats-Unis. Six célèbres auteurs anglo­phones s’y opposent et boy­cotteront le gala du PEN Amer­i­ca, l’association qui veut décern­er la récompense.

Char­lie Heb­do doit recevoir le prix du courage en faveur de la lib­erté d’expression le 5 mai prochain. C’est le PEN Amer­i­ca, l’association des auteurs pour la défense de la lib­erté d’expression, qui délivr­era la récom­pense. Mais ce choix ne passe pas : cette déci­sion est con­testée par six auteurs anglo­phones, qui boy­cotteront le gala.

La rai­son ? Peter Carey, Michael Ondaat­je, Francine Prose, Teju Cole, Rachel Kush­n­er et Taiye Selasi se dis­ent opposés à la ligne édi­to­ri­ale de l’hebdomadaire satirique.

Peter Carey est un homme respec­té. Le lau­réat à deux repris­es du Prix Book­er (l’un des plus impor­tants prix lit­téraires pour les romans en anglais) estime que la branche améri­caine de la société des auteurs lit­téraires va au-delà de son rôle en attribuant ce prix à Char­lie Heb­do. L’organisation défend la lib­erté d’expression con­tre la cen­sure gou­verne­men­tale. “Un crime hor­ri­ble a été com­mis, recon­naît-il, mais était-ce une ques­tion de lib­erté d’ex­pres­sion pour que le PEN Amer­i­ca s’im­misce là-dedans?”

Il va plus loin : “Tout cela a été aggravé par l’ap­par­ent aveu­gle­ment du PEN vis-à-vis de l’ar­ro­gance cul­turelle de la France, qui ne respecte pas son devoir moral à l’é­gard d’une grande par­tie de sa pop­u­la­tion”. Il fait ici référence aux cri­tiques ignorées par l’hebdomadaire sur les car­i­ca­tures, qui visent selon Peter Carey trop sou­vent l’islam et son prophète.

“Je souhaite aux écrivains que per­son­ne ne cherche jamais à les tuer”

La direc­tion du Pen, elle aus­si divisée, défend son choix. “Il est indé­ni­able qu’en provo­quant les extrémistes, Char­lie Heb­do a heurté la sen­si­bil­ité d’autres musul­mans, de la même manière que leurs dessins ont heurté d’autres groupes (…), détaille le prési­dent Andrew Solomon, mais nous croyons aux déc­la­ra­tions de Char­lie Heb­do expli­quant que l’équipe ne voulait pas ostracis­er les musul­mans mais rejeter fer­me­ment les efforts d’une petite minorité désireuse de réduire la lib­erté d’expression”. L’organisateur de l’événement a aus­si souligné que cette polémique a quelques jours du gala l’étonnait puisque la liste des prix est publique depuis le 17 mars. “Nous serons désolés de ne pas voir ceux qui ont choisi de ne pas assis­ter au gala, mais nous respec­tons leurs con­vic­tions”, a‑t-il ajouté.

Salman Rushdie, ancien prési­dent de PEN qui fait l’objet d’une fat­wa depuis la paru­tion de son roman Les ver­sets sataniques en 1989 vient de soutenir Andrew Solomon. “Si le PEN, en tant qu’organisation de lutte pour la lib­erté d’expression, ne peut ni défendre ni célébr­er des gens qui ont été assas­s­inés à cause de leurs dessins, alors franche­ment, l’organisation en ques­tion ne mérite pas son nom”. Il lâche, en direc­tion des écrivains qui veu­lent boy­cotter le gala : “Je souhaite à Peter, Michael et aux autres que per­son­ne ne cherche jamais à les tuer”.

Jean-Bap­tiste Thoret, cri­tique ciné­ma pour le jour­nal satirique, recevra le “PEN/Toni and James C. Goodale Free­dom of expres­sion courage Award” au nom de ses col­lègues. Il est arrivé en retard à la rédac­tion le 7 jan­vi­er. Il a donc échap­pé à l’attentat des frères Saïd et Chérif Kouachi, qui ont fait irrup­tion dans les locaux parisiens du mag­a­zine et tué douze per­son­nes dont cinq dessinateurs.