Monde, Terrorisme

Le Yémen toujours en équilibre précaire

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per­son­nes sont mortes depuis le début de l’opération mil­i­taire, le 26 mars dernier, selon le rap­port de l’Or­gan­i­sa­tion mon­di­ale de la san­té (OMS) pub­lié jeu­di 23 avril. 4 352 blessés ont été comptabilisés.

L’or­gan­i­sa­tion avait annon­cé quelques jours plus tôt un bilan plus faible, avançant la dif­fi­culté de trans­porter les blessés vers les hôpi­taux les plus proches.

La sit­u­a­tion human­i­taire au Yémen est extrême­ment préoc­cu­pante : des cas de mal­nu­tri­tion ont été sig­nalés et l’OMS craint notam­ment une pénurie d’eau potable, ce qui pour­rait entrain­er des épidémies de diar­rhée hémorragique.

L’Arabie Saou­dite a d’ores et déjà annon­cé qu’elle prendrait entière­ment en charge les 274 mil­lions de dol­lars (soit 255 mil­lions d’eu­ros) néces­saires selon l’Or­gan­i­sa­tion des Nations Unies pour prévenir la cat­a­stro­phe human­i­taire qui s’annonce.

Un peu plus d’un mois après le début de l’intervention mil­i­taire au Yémen, l’Arabie Saou­dite a annon­cé mar­di 21 avril la fin de l’opération Tem­pête déci­sive. La coali­tion inter­na­tionale, menée par le roy­aume wah­habite, con­sid­ère avoir atteint ses objectifs.

Depuis le 19 mars, elle bom­bar­dait les posi­tions des mil­ices houthistes, dont la rébel­lion avait con­duit à la fuite du prési­dent Abd Rab­bo Man­sour Hadi à Riyad. Cepen­dant, en dépit du suc­cès revendiqué par la coali­tion, la cap­i­tale Sanaa reste aux mains des rebelles et de vio­lents affron­te­ments con­tin­u­ent de sec­ouer le sud du pays.

Terrain d’affrontement des pays voisins

Préserv­er l’équilibre frag­ile du Yémen est cap­i­tal pour plusieurs Etats. L’Arabie Saou­dite d’un côté, qui souhaite con­serv­er son hégé­monie sur les pays sun­nites de la région et con­tenir l’influence gran­dis­sante de son enne­mi chi­ite, l’Iran. Les rela­tions de ce dernier avec le Hezbol­lah libanais, la Syrie de Bachar Al-Assad et les mil­ices chi­ites en Irak font de lui l’autre pays puis­sant dans la région. Le con­flit au Yémen a per­mis à l’Ara­bie saou­dite de réaf­firmer son lead­er­ship région­al face à Téhéran, qui a encour­agé les mil­ices houthistes à se rebeller con­tre le pou­voir sun­nite, lui offrant ain­si un nou­veau point d’appui au Moyen-Orient.

La ques­tion du Yémen est aus­si essen­tielle pour les Etats Unis, qui ont apporté un sou­tien logis­tique à l’opération Tem­pête déci­sive. Depuis 2002, les forces améri­caines bom­bar­dent régulière­ment les posi­tions d’Al-Qaida dans la pénin­sule Ara­bique (AQPA), sans jamais réus­sir à bat­tre totale­ment les jihadistes. AQPA, aidé de son allié salafiste Ansar Al-Charia et des tribus sun­nites locales, compt­abilise env­i­ron 3 000 com­bat­tants au Yémen. Ils con­trô­lent notam­ment la cité por­tu­aire de Moukalla, dans le sud du pays. Un échec pour les Etats Unis, qui ont pour­tant porté le mod­èle yéménite au rang d’exemple en ce qui con­cerne la lutte con­tre Al-Qai­da. AQPA n’est désor­mais plus le seul représen­tant du jihadisme inter­na­tion­al au Yémen. Depuis le début de l’année, Daech a fait irrup­tion dans le pays, ce qui a sus­cité quelques défec­tions au sein d’AQPA. Les hommes d’Abou Bakr Al-Bagh­da­di ont même revendiqué deux atten­tats en mars dernier.

Tout repose sur un seul homme

Le prési­dent Abd Rab­bo Man­sour Hadi étant tou­jours en exil à Riyad, c’est à Khaled Bahah, ancien Pre­mier min­istre, récem­ment nom­mé vice-prési­dent, que revient la lourde tâche de remet­tre le Yémen sur pieds. Con­sid­éré comme un homme de con­sen­sus puisqu’il est orig­i­naire du sud du pays (ter­reau de la rébel­lion houthiste), M. Bahah devrait nor­male­ment céder sa place à son prédécesseur lorsque la sit­u­a­tion sera sta­bil­isée. Cer­tains obser­va­teurs pensent que l’Arabie Saou­dite serait de plus en plus favor­able à ce que le pou­voir revi­enne à Khaled Bahah. Le prési­dent Hadi serait jugé trop autori­taire par le Con­seil de coopéra­tion du Golfe (CCG), qui regroupe les six monar­chies arabes de la région (Ara­bie saou­dite, Bahreïn, Emi­rats arabes unis, Koweït, Oman et Qatar). L’un des objec­tifs prin­ci­paux de Tem­pête déci­sive était pour­tant de restau­r­er l’autorité du prési­dent Hadi.

Redonner l’espoir. C’est le nom de la nou­velle phase de l’intervention inter­na­tionale au Yémen, qui rem­place donc Tem­pête déci­sive. Cette ini­tia­tive, cen­sée être con­cen­trée sur la sécu­rité et la lutte con­tre le ter­ror­isme, n’exclut pas de com­bat­tre à nou­veau les mil­ices houthistes, notam­ment pour les empêch­er de se déplacer.

Crédit pho­to : Rod Wadding­ton/CC-BY-SA 2.0.