Justice, Sécurité, Terrorisme

Le projet d’attentat à Villejuif commandité depuis la Syrie ?

Arrêté dimanche à Paris, l'homme de 24 ans suspecté d'avoir préparé un attentat contre une église de Villejuif était en relation avec un individu basé en Syrie, selon le procureur de la République. Celui-ci a confirmé l'implication du suspect dans la mort d'Aurélie Châtelain.

Un homme a été inter­pel­lé le 19 avril à Paris, a annon­cé Bernard Cazeneuve, mer­cre­di 22 avril. Selon le min­istre de l’In­térieur, l’in­di­vidu “pro­je­tait” un atten­tat immi­nent con­tre “une ou deux églis­es”. L’évêque de Créteil, Michel Santier, a déclaré à l’AFP qu’ “au moins une église” était visée à Villejuif.

Ces infor­ma­tions ont été con­fir­mées par le pro­cureur de la République de Paris, François Molins. Ce dernier a par ailleurs affir­mé que le sus­pect a évo­qué avec une per­son­ne, “pou­vant se trou­ver en Syrie”, les “modal­ités de com­mis­sion d’un atten­tat”.  Cet homme lui aurait demandé “explicite­ment de cibler par­ti­c­ulière­ment une église”, a ajouté le magistrat.

  • Qui est le suspect ?

Sid Ahmed Ghlam est un Algérien de 24 ans. Arrivé en France en 2001, via le regroupe­ment famil­ial, il était repar­ti en Algérie en 2003, et a passé son bac là bas en 2010. Puis il est revenu en France pour faire des études dans l’élec­tron­ique. Con­nu des ser­vices de ren­seigne­ment, il fai­sait l’ob­jet d’une fiche “S”, pour “sûreté de l’É­tat”. Ce statut implique une sur­veil­lance dis­crète, mais l’homme n’é­tait pas placé sur écoute au moment de son arresta­tion. Depuis 2014, Sid Ahmed Ghlam avait des “vel­léités de départ pour la Syrie”.

Selon Le Monde, le sus­pect aurait passé une semaine en Turquie cette année. Placé en garde à vue dès son retour, il aurait été relâché, faute d’élé­ments probants per­me­t­tant de “justi­fi­er l’ou­ver­ture d’une infor­ma­tion judi­ci­aire”, selon Bernard Cazeneuve. Le pro­cureur de la République a affir­mé que Sid Ahmed Ghlam n’a fait jusque là l’ob­jet d’au­cune con­damna­tion par la justice.

» Lire notre syn­thèse : Qui est Sid Ahmed Ghlam ?

  • Une arresta­tion rocambolesque

D’après le pro­cureur de la République, Sid Ahmed Ghlam aurait appelé le SAMU dimanche matin, vers 8h30, après avoir reçu une blessure par balle à la jambe. Les traces de sang ont mené à son véhicule, où les policiers ont décou­vert un gyrophare et des armes. Une perqui­si­tion est alors menée à son domi­cile, situé dans une rési­dence étu­di­ante du XII­Ième arrondisse­ment de Paris. Selon Bernard Cazeneuve, “un arse­nal d’armes de guerre” (trois Kalach­nikov et des gilets pare-balles) y est retrouvé.Le Pro­cureur de la République a égale­ment indiqué que des “doc­u­ments en langue arabe évo­quant les organ­i­sa­tions ter­ror­istes Al-Qaï­da et Etat islamique” avaient été découverts.

Hos­pi­tal­isé à l’Hô­tel-Dieu suite à sa blessure, le sus­pect a été mis en garde à vue. Au cours de son audi­tion, le sus­pect tenait des pro­pos “fantaisistes”,selon le pro­cureur de la République. Sid Ahmed Ghlam a affir­mé aux enquê­teurs qu’il voulait se débar­rass­er d’armes qui ne lui apparte­naient pas, puis de s’être blessé par inad­ver­tance avec l’une d’elle. Le sus­pect s’est ensuite “enfer­mé dans le mutisme, faisant val­oir son droit au silence” selon François Molins, qui a par ailleurs évo­qué “la pro­lon­ga­tion excep­tion­nelle de la garde à vue pour attein­dre 6 jours”. L’ob­jec­tif sera de déter­min­er d’éventuelles com­plic­ités, la prove­nance des armes, et les finance­ments du pro­jet d’attentat.

  • Perqui­si­tions et arresta­tion d’une femme à Saint-Dizier

Le Pro­cureur de la République a con­fir­mé que des perqui­si­tions avaient été menées ce matin à Saint-Dizier (Haute Marne), où rési­dent les par­ents de Sid Ahmed Ghlam. A 6 heures du matin, une jeune femme a été placée en garde à vue par des policiers de la brigade de recherche et d’in­ter­ven­tion (BRI). Elle est actuelle­ment retenue au 36 Quai des Orfèvres à Paris. Le pro­cureur de la République n’a pas souhaité com­mu­ni­quer les liens entre cette per­son­ne avec le suspect.

Selon l’AFP, la jeune femme serait la com­pagne de Sid Ahmed Ghlam. Elle louait un petit pavil­lon, où elle résidait depuis six mois avec deux enfants en bas âge, les volets tou­jours fermés.

  • Impliqué dans un meurtre à Villejuif

Sid Ahmed Ghlam est par ailleurs soupçon­né d’être impliqué dans le meurtre d’Au­rélie Châte­lain. La jeune femme de 32 ans avait été retrou­vée morte dans une voiture à Ville­juif (Val-de-Marne) dimanche. Elle a été tuée “d’une seule balle” selon le pro­cureur de la République. Ce dernier a con­fir­mé que le sus­pect était présent à Ville­juif, images de caméras de sur­veil­lance à l’ap­pui. Surtout, l’ADN de l’in­di­vidu a été retrou­vé dans le véhicule de la vic­time, “sur le frein à main et le bas de caisse gauche”. De même, l’ADN de la vic­time était présent sur les vête­ments du suspect.

Les enquê­teurs cherchent désor­mais un lien entre le pro­jet d’at­ten­tat et le meurtre de la jeune femme. Selon eux, le sus­pect aurait ten­té de vol­er le véhicule d’Au­rélie Châte­lain. Une ten­ta­tive infructueuse, au cours de laque­lle l’homme se serait blessé par balle. Le pro­cureur de la République n’a pas con­fir­mé cette ver­sion des faits.

  • François Hol­lande : “Con­tin­uer à être vigilants”

Dans l’après-midi, le Prési­dent de la République a réa­gi à ce pro­jet d’at­ten­tat évité : “Un acte ter­ror­iste a été déjoué, ce n’é­tait pas le pre­mier. Il y en a eu d’autres ces dernières semaines et ces derniers mois”. François Hol­lande a ajouté : “Nous devons con­tin­uer à être vig­i­lants. C’est la rai­son pour laque­lle j’avais main­tenu le plan Vigipi­rate à son niveau le plus élevé depuis le début des atten­tats de janvier”

Alors qu’il était en déplace­ment à Nice, l’an­cien prési­dent Nico­las Sarkozy s’est égale­ment exprimé sur le sujet : “La sécu­rité prime sur un cer­tain nom­bre de règles, tout doit être fait pour assur­er la sécu­rité des Français. (…) Chaque fois que le gou­verne­ment ira dans ce sens, nous le sou­tien­drons”.

A la sor­tie du Con­seil des min­istres, le Pre­mier min­istre Manuel Valls avait affir­mé que la France “fait face à une men­ace ter­ror­iste sans équiv­a­lent dans le passé”. Il a ajouté que “la réponse doit être la pro­tec­tion de nos conci­toyens mais aus­si le rassem­ble­ment. C’est comme cela que nous répon­drons à la demande des Français le 11 janvier”.

Après cet atten­tat évité, le député UMP du Rhône Philippe Meu­nier a demandé sur Twit­ter la pro­tec­tion des églises :

Une propo­si­tion qui ne séduit pas l’évêque de Créteil, Michel Santier. Même s’il a évo­qué son “sen­ti­ment de stu­peur”, il a appelé à “ne pas céder à la peur”, esti­mant impos­si­ble de “met­tre un polici­er devant chaque église”. L’évêque racon­te que le plan Vigipi­rate “est cen­sé pro­téger les églis­es, mais de façon dis­crète pour ne pas créer un cli­mat de panique”.

Le maire UMP de Ville­juif, Franck Le Bohel­lec, a annon­cé lors d’une con­férence de presse qu’ “il y aura un ren­fort de sécu­rité com­plé­men­taire, plus de ron­des de police”. Après avoir ressen­ti “une inquié­tude, une crainte”, l’élu se dit désor­mais “ras­suré” du sou­tien que lui apportera l’Etat.

Crédit pho­to : Mic, FlickR-CC BY 2.0