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Les 5 étapes qui ont amené le Yémen au bord du gouffre

Le renversement du régime yéménite, en janvier, attise les divisions historiques du pays où une Française a été enlevée mardi. Al-Qaïda dans la péninsule Arabique est soupçonné.

« En rai­son de la sit­u­a­tion poli­tique et sécu­ri­taire actuelle, les ressor­tis­sants français sont invités à quit­ter le Yémen dans les meilleurs délais ». Le min­istère des Affaires étrangères est explicite sur le niveau des trou­bles qui sec­ouent le Yémen et qui ont notam­ment abouti sur l’enlèvement d’une Française mardi.

Le Yémen se situe au sud de la péninsule Arabique.
Le Yémen se situe au sud de la pénin­sule Arabique.

Déchiré entre la mil­ice chi­ite Ansar Allah, l’armée fidèle au prési­dent Hadi et le groupe jihadiste al-Qaï­da dans la Pénin­sule ara­bique (Aqpa, qui a revendiqué l’at­ten­tat de Char­lie Heb­do), le pays est au bord de l’implosion. Le régime a fui Sanaa, la cap­i­tale, fin jan­vi­er. Une sit­u­a­tion extrême née des ten­sions internes qui gan­grè­nent l’État depuis sa création.

Un État divisé depuis sa naissance

Le pays est né en 1990 de l’unification entre le Yémen-Nord et le Yémen-Sud. Avant cela, les deux entités ont déjà con­nu une évo­lu­tion mouvementée.

Dirigé par une monar­chie chi­ite à par­tir de 1918, le Yémen-Nord devient en 1962 la République arabe du Yémen à la suite d’un coup d’État. S’en suit une guerre civile qui s’achève en 1970 par la vic­toire des par­ti­sans de la République.

Le sud du pays quant à lui est occupé par le Roy­aume-Uni jusqu’en 1967. Au départ des troupes bri­tan­niques, la République pop­u­laire du Yémen du Sud est proclamée. Un régime marx­iste s’in­stalle, dirigé par le Par­ti social­iste yéménite à par­tir de 1969.

Les deux entités fusion­nent en 1990. Mais l’u­ni­fi­ca­tion est con­testée dès 1994 par une pre­mière ten­ta­tive, avortée, de séces­sion du Sud.

En 2009, les vel­léités de séces­sion refont leur appari­tion. Sans suc­cès pour l’instant.

La gangrène al-Qaïda

Al-Qaï­da est présent au Yémen depuis le début des années 1990. Le pays sert essen­tielle­ment de base pour l’en­traîne­ment et la for­ma­tion des mem­bres du groupes salafistes.

En 2009, Aqpa naît de la fusion entre les branch­es yéménite et saou­di­enne du mou­ve­ment. La répres­sion des salafistes en Ara­bie saou­dite pousse Aqpa à s’in­staller exclu­sive­ment au Yémen. Il y com­met plusieurs atten­tats dont un, par­ti­c­ulière­ment sanglant, en mai 2012 qui provoque la mort de près de 100 sol­dats de l’ar­mée yéménite.

À par­tir de 2011, le groupe prof­ite de la faib­lesse du régime de Sanaa pour pour­suiv­re son expan­sion. Début 2015, Aqpa con­trôle plusieurs villes dans le Sud du pays.

Il est forte­ment soupçon­né d’avoir enlevé la Française Isabelle Prime mardi.

Le conflit avec la minorité chiite depuis 2004

La minorité chi­ite, chas­sée du pou­voir lors de la chute de la monar­chie au Yémen du Nord en 1962, reprend les armes en 2004 sous la direc­tion de la famille al-Houthi. S’estimant mar­gin­al­isée par le pou­voir en place, elle réclame l’autonomie des ter­ri­toires qu’elle occupe dans le Nord-Ouest du pays.

Les troupes loy­al­istes yéménites com­bat­tent l’in­sur­rec­tion avec l’aide de l’Arabie Saou­dite. Appelé « guerre du Saa­da », du nom de la région mon­tag­neuse du Nord-Ouest du pays, le con­flit s’enlise.

Les Printemps arabe et la chute d’Ali Abdallah Saleh

Inspiré par le début des Print­emps arabes fin 2010, la révo­lu­tion yéménite débute mi-jan­vi­er 2011 avec des appels répétés à man­i­fester con­tre le régime de Ali Abdal­lah Saleh, au pou­voir depuis 32 ans. Le 18 mars, l’armée tire à balles réelles sur les man­i­fes­tants, tuant plus de 50 per­son­nes, provo­quant le dur­cisse­ment du mou­ve­ment de contestation.

En tout, la révo­lu­tion yéménite coûtera la vie à plus de 2 000 per­son­nes, selon le régime.

Blessé début juin puis exilé en Ara­bie Saou­dite, le prési­dent Saleh revient fin sep­tem­bre 2011 au Yémen. Le 23 novem­bre, il accepte de céder sous 30 jours le pou­voir à son vice-prési­dent Abd Rab Man­sour Hadi. Celui-ci est élu prési­dent du Yémen au suf­frage uni­versel le 21 févri­er 2012. Élec­tion pour laque­lle il était le seul candidat.

Prise de Sanaa par les Houthis

Affaib­li par la révo­lu­tion, l’exécutif yéménite doit tou­jours faire face à la rébel­lion chi­ite qui con­trôle un large ter­ri­toire dans le Nord-Ouest du pays. Le 19 sep­tem­bre dernier, le groupe houthi Ansar Allah lance une attaque sur Sanaa. Le 21, les rebelles s’emparent du siège du gouvernement.

Le 19 jan­vi­er 2015, ils pren­nent le palais prési­den­tiel. Le prési­dent Hadi démis­sionne trois jours plus tard. Les ambas­sades occi­den­tales fer­ment les unes après les autres, imitées par l’Égypte et l’Arabie Saoudite.

Le 6 févri­er, un Comité révo­lu­tion­naire est créé, dirigé par Mohammed Ali al-Houthi, cousin d’Abdul-Malik al-Houthi. Le 21 févri­er, l’ex-président Abd Rab Man­sour Hadi parvient à fuir dans la ville d’Aden, dans le Sud du pays. Il revient sur sa démis­sion et déclare qu’il est tou­jours le prési­dent du Yémen en exercice.

Pho­to : Des rebelles du groupe chi­ite Ansar Allah (Mohammed Huwais / AFP)