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Augmenter le nombre de migrants vers l’Italie : la nouvelle stratégie de l’EI

Selon certains médias italiens, relayant des informations des services secrets, le groupe État islamique pourrait utiliser des migrants pour déstabiliser l’Italie en cas d’intervention militaire. Une aubaine pour la Ligue du Nord.

L’Italie n’a « jamais été aus­si exposée ». Selon les ser­vices secrets ital­iens, cités par la jour­nal­iste du Cor­riere del­la Sera Fioren­za Sarzani­ni, la sit­u­a­tion en Libye serait explo­sive pour la péninsule :

« Pour l’Italie, s’ouvre de manière dra­ma­tique un dou­ble front d’urgence : d’un côté les flux migra­toires, de l’autre les jihadistes dans un mélange qui, en Libye, risque de se fon­dre dans un unique dan­ger vu que beau­coup de mili­ciens, après la chute du régime de Kad­hafi, gèrent les trafics illicites et en pre­mier lieu celui des clandestins. »

Depuis la dif­fu­sion dimanche dernier de la vidéo de la décap­i­ta­tion des 21 égyp­tiens coptes en Libye, par une branche du groupe État islamique se présen­tant comme « l’État islamique de la province de Tripoli », l’inquiétude grandit en Ital­ie. Pour la pre­mière fois, le pays a été directe­ment visé à tra­vers cette phrase : « Vous nous avez d’abord vus sur une colline de Syrie. Aujourd’hui nous sommes au sud de Rome… en Lybie ».

Lun­di, la presse titrait sur le « cauchemar de l’État islamique » en Libye (La Repub­bli­ca), rap­pelant qu’avec la Libye, « nous sommes voisins » (Il Cor­riere del­la Sera). Si cer­taines voix se sont élevées pour deman­der une inter­ven­tion mil­i­taire, Mat­teo Ren­zi a rejeté pour le moment cette solution.

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L’arme des migrants

Ce mar­di matin, les quo­ti­di­ens Il Mes­sag­gero et Il Cor­riere del­la Sera, ont mis la barre encore plus haut. Selon des infor­ma­tions qu’ils tiendraient des ser­vices secrets ital­iens, des migrants pour­raient être util­isés comme « arme psy­chologique » con­tre les pays qui souhait­ent inter­venir en Libye, et en par­ti­c­uli­er l’Italie, dans le but de « créer une sit­u­a­tion de chaos ».

Selon Il Mes­sag­gero, les ser­vices secrets auraient inter­cep­té des con­ver­sa­tions télé­phoniques évo­quant la pos­si­bil­ité de laiss­er dériv­er des cen­taines d’embarcations chargées de migrants si l’Italie décidaient de lancer une inter­ven­tion armée en Libye.

Con­tac­tée par 3millions7.com, Cris­tiana Man­gani, une des jour­nal­istes du Mes­sag­gero qui a rédigé l’ar­ti­cle, explique que ces infor­ma­tions “n’ont rien d’of­fi­ciel, il s’ag­it de con­tacts per­son­nels”. Si le quo­ti­di­en a titré sur l’ar­rivée de 500 000 migrants, la jour­nal­iste évoque dans son papi­er l’ar­rivée poten­tielle de “cen­taines de migrants” : “500 000, il s’ag­it du nom­bre d’é­trangers présents en Libye aujour­d’hui”. Le Cor­riere del­la Sera quant à lui par­le de l’ar­rivée poten­tielle d’« au moins 200 000 » clandestins.

Une infor­ma­tion qui prend un écho par­ti­c­uli­er après une inter­ven­tion dimanche dernier au large de Lampe­dusa pour sauver plus de 2000 per­son­nes. Les passeurs, armés, ont men­acé les gardes-côtes pour qu’ils les lais­sent repar­tir avec leurs embar­ca­tions vides après avoir sec­ou­ru les migrants. Une « réac­tion inédite » selon la Stam­pa.

Ce n’est pas la pre­mière fois que la presse ital­i­enne se fait l’écho de telles craintes. Fin jan­vi­er, les médias relayaient un rap­port du groupe État islamique dif­fusé par la presse libyenne, dont “l’authenticité n’est pas véri­fi­able”. Selon les infor­ma­tions dif­fusées par la Rai :

« L’EI vise la Libye « pour arriv­er en Europe » avec les migrants et « le trans­former en enfer””.

Quelques semaines plus tôt, Il Mes­sag­gero évo­quait une enquête
ouverte en Sicile à cause de la sup­posée présence de jihadistes par­mi les clandestins.

Du pain béni pour la Ligue du Nord

Ces infor­ma­tions sont du pain béni pour la Ligue du Nord, par­ti pop­uliste et xéno­phobe ital­ien, qui ne cesse d’utiliser l’amalgame entre immi­gra­tion et ter­ror­isme pour ten­ter de s’imposer comme pre­mier par­ti de droite. Fin jan­vi­er, la Ligue avait déjà jus­ti­fié le vote de sa loi anti-mosquée en Lom­bardie par une ques­tion de
« sécu­rité » après les atten­tats de jan­vi­er en France.

Mat­teo Salvi­ni, le boss de la Ligue, a sauté sur l’information en pub­liant un mes­sage sur Twit­ter qui accuse Mat­teo Ren­zi, le prési­dent du Con­seil (Par­ti démoc­rate), et Angeli­no Alfano, min­istre de l’Intérieur (Nou­veau Cen­tre-Droit) de col­la­bor­er avec les jihadistes :

« L’EI est en train d’organiser le débar­que­ment de 200 000 immi­grés. Ren­zi et Alfano ? Ils col­la­borent en leur met­tant à dis­po­si­tion des embar­ca­tions et hébergements. »

Mat­teo Salvi­ni agi­tait déjà lun­di la men­ace « d’infiltrations ter­ror­istes » rema­ni­ant à sa sauce la déc­la­ra­tion de l’EI dans sa dernière vidéo : « Les gars, on est en train d’arriver à Rome ».

Le prob­lème le plus con­cret pour l’Italie sem­ble pour­tant être l’accueil des migrants. Avec la dégra­da­tion de la sit­u­a­tion en Libye, les arrivées ont aug­men­té de 100% par rap­port à jan­vi­er dernier. A Lampe­dusa, 800 per­son­nes étaient hier présentes selon Fioren­za Sarzani­ni. Soit le dou­ble de la capac­ité d’accueil.

Après avoir risqué leur vie en mer, les migrants sont con­traints à dormir dehors, sous des cou­ver­tures ther­miques. En plus d’être désor­mais vus comme des « armes » aux mains des jihadistes.

Reportage vidéo à Lampe­dusa effec­tué par des jour­nal­istes du Cor­riere del­la Sera.

Pho­to d’en-tête : Plus de 2000 migrants ont été sauvés dimanche au large de Lampe­dusa (ALBERTO PIZZOLI / AFP)