Education

Hollande : un discours sur l’école mal armé pour « la reconquête »

Très attendu sur les questions éducatives François Hollande a seulement effleuré le sujet lors de la conférence de sa presse jeudi 5 février. Les réformes annoncées sur l'école républicaine ne sont pas nouvelles.

Sur Twit­ter, cer­tains iro­nisent : “Je décou­vre que l’on va appren­dre le français à l’é­cole en France.”

Ces réac­tions don­nent la réplique à la mesure que François Hol­lande a envis­agée pour l’école lors de sa con­férence de presse du 5 jan­vi­er : « la maîtrise du français dès la mater­nelle ». Le Prési­dent était très atten­du sur la laïc­ité : com­ment for­mer les enseignants à la laïc­ité, enseign­er “le fait religieux” et toute la poli­tique publique d’é­d­u­ca­tion des jeunes à la tolérance et au “vivre ensemble”.

Pour ce qui est de l’é­cole, les ques­tions sur les divers­es manières de refonder l’é­cole répub­li­caine après les atten­tats n’ont pas été abor­dées de façon exhaus­tive. Si le Prési­dent emploie un vocab­u­laire inflex­i­ble, dit de l’école qu’elle est « la meilleure arme de la recon­quête » les mesures présen­tées sont moins mus­clées, sou­vent déjà ressas­sées. Nous avons relevé qua­tre mesures principales.

1. La lutte contre le décrochage scolaire et la valorisation des lycées professionnels

Ces deux mesures sont liées, et pas nou­velles. Le lycée pro­fes­sion­nel, était présen­té en 2012 comme « un for­mi­da­ble atout pour notre pays ». Déjà, le gou­verne­ment fai­sait état du taux très élevé de jeunes issus du lycée pro­fes­sion­nel en sit­u­a­tion de décrochage représen­tant « un tiers des décrocheurs ». Le min­istère de l’Éducation nationale con­statait aus­si en 2012 un taux de réus­site des bache­liers pro­fes­sion­nels « net­te­ment inférieur » à celui des autres bacheliers.

Plusieurs pistes de réformes étaient alors énon­cées : « aug­menter le temps de for­ma­tion », « con­forter le car­ac­tère pro­fes­sion­nel du bac pro en allongeant la durée de for­ma­tion en entre­prise » ou la mise en place de « véri­ta­bles passerelles ascen­dantes ». En novem­bre 2014, Manuel Valls avait déclaré déblo­quer 50 mil­lions pour son plan de lutte con­tre le décrochage sco­laire. La réforme des for­ma­tions pro­fes­sion­nelles date de 2009, avec la loi qui avait insti­tué un « Con­trat de plan région­al de développe­ment des for­ma­tions pro­fes­sion­nelles » (CPRDFP) pour « adapter l’offre de for­ma­tion pro­fes­sion­nelle aux besoins des ter­ri­toires ».

2. La maîtrise du français dès la maternelle

« Parce que le français c’est essen­tiel pour par­ticiper à la réus­site de la France » a déclaré le Prési­dent. « Il faut met­tre tous les moyens pour que les enfants sor­tent de l’é­cole en sachant lire, écrire et compter » Le 22 jan­vi­er, le gou­verne­ment a pub­lié son « pro­jet de pro­gramme école mater­nelle », présen­té comme une « loi de refon­da­tion de l’école mater­nelle » et souligné « sa place fon­da­men­tale comme pre­mière étape » dans l’é­d­u­ca­tion d’un enfant.

Par­mi les cinq chantiers, celui de « mobilis­er le lan­gage, écrit et oral, dans toutes ses dimen­sions » était déjà mis en avant. Le pro­gramme réaf­firme « la place pri­mor­diale du lan­gage à l’école mater­nelle comme con­di­tion essen­tielle de la réus­site ». L’enseignant doit s’adresser aux plus jeunes « avec un débit ralen­ti de parole », être « con­stam­ment atten­tif à son pro­pre lan­gage » et doit aider les élèves à « oser entr­er en com­mu­ni­ca­tion » en créant un cli­mat bien­veil­lant. A par­tir de qua­tre ans, il faut « con­cen­tr­er leur atten­tion sur le vocab­u­laire ». La min­istre de l’E­d­u­ca­tion nationale, Najat Val­laud-Belka­cem vient d’an­non­cer l’adop­tion du projet.

3. Le « renforcement de la formation des enseignants »

La déc­la­ra­tion inter­vient deux jours après la man­i­fes­ta­tion de près de 9% du corps enseignant, appelé par la Fédéra­tion Syn­di­cale Uni­taire à faire grève pour réclamer de meilleures con­di­tions de tra­vail, un salaire revu à la hausse, et une meilleure formation.

En octo­bre 2014, un rap­port du min­istère de l’Éducation a rap­porté que les trente écoles supérieures du pro­fes­so­rat (Espe) qui rem­pla­cent les insti­tuts uni­ver­si­taires de for­ma­tion des maîtres (IUFM) depuis sep­tem­bre 2013 peinent à se met­tre en place. Le rap­port a accusé aus­si l’absence de tronc com­mun dans la for­ma­tion des trente écoles.

A la ques­tion « les enseignants sont-ils bien for­més ? », François Hol­lande a sim­ple­ment répliqué : « Ils sont for­més. » A pro­pos des inci­dents sur­venus dans les écoles, comme le non respect de la minute de silence observée après les atten­tats qui ont frap­pé la France en jan­vi­er, le Prési­dent a affir­mé « qu’il y en a eu trop ». Le Prési­dent a évo­qué les jeunes pro­fesseurs envoyés dans « les quartiers les plus dif­fi­ciles », pour con­clure que non seule­ment eux, mais « tous les pro­fesseurs » auraient plus de formation.

4. La création d’une « grande école numérique »

Le prési­dent a annon­cé que « le numérique serait enseigné de l’élémentaire jusqu’à la ter­mi­nale, avec des diplômes cor­re­spon­dants ». Le 14 juil­let 2014, François Hol­lande avait déjà présen­té son plan numérique, avec son ambi­tion d’équiper chaque élève de 5ème d’une tablette à la ren­trée 2016. Il a rap­pelé cet objec­tif le 6 novem­bre : « A la ren­trée 2016, tous les élèves de 5ème auront une for­ma­tion au numérique. »

D’après RTL, l’É­d­u­ca­tion nationale a prévu de for­mer 320.000 pro­fesseurs d’i­ci l’été 2015 sur la laïc­ité, mais rien ne laisse encore envis­ager de quelle façon cela sera mis en œuvre. Le Prési­dent était atten­du aus­si sur les ques­tions de l’éducation civique et la resti­tu­tion de l’autorité du maître, absentes du débat. Nom­breux sont ceux qui attendaient le prési­dent sur d’autres sujets, à l’in­star du député des Alpes-Mar­itimes, Eric Ciotti.

Si François Hol­lande, a déclaré avec déter­mi­na­tion que l’école était « la meilleure arme de la recon­quête » et “la pri­or­ité du quin­quen­nat “, il n’a pas explic­ité claire­ment quel espace il entendait recon­quérir. Cela explique peut-être pourquoi les annonces sont restées sur des ter­res con­nues, sans nou­v­el hori­zon en perspective.

Pho­to d’en-tête : Le prési­dent de la République, François Hol­lande et Najat Val­laud Belka­cem. (PS/Flick’r/ CC)