Culture

Des figures de Charlie Hebdo critiquent la gestion du journal

L'appel à l'unité nationale n'a pas atteint les rangs de Charlie Hebdo. A l’intérieur de la famille de l'hebdomadaire satirique, on se dispute régulièrement. Dernier épisode : le documentaire "Cavanna même pas mort" du journaliste Denis Robert, qui critique les choix et la gestion du journal.

 

Dans la famille Char­lie Heb­do, le deuil n’a pas tu les cri­tiques. Qua­tre semaines après l’at­ten­tat, un doc­u­men­taire rou­vre les plaies au sein de l’heb­do­madaire satirique, déjà sec­oué par plusieurs polémiques avant l’at­taque. Pro­jeté en marge du fes­ti­val de BD d’Angoulême, le film rend hom­mage à François Cavan­na, fon­da­teur de Hara-Kiri et de Char­lie Heb­do, décédé le 29 jan­vi­er 2014.

Mais le réal­isa­teur du doc­u­men­taire Denis Robert veut aus­si ren­dre jus­tice à l’auteur des “Ritals” et des “Ruskoffs”, injuste­ment écarté du jour­nal selon lui, et lésé finan­cière­ment : “Ils l’ont vrai­ment mal­traité. Il le dis­ait lui-même. Philippe Val a récupéré le porte­feuille. C’é­tait dic­ta­to­r­i­al. Quand Cavan­na a pris posi­tion con­tre le licen­ciement de Siné, il était tout seul. Per­son­ne n’a rien dit car ils avaient tous peur. Il a été très blessé par ça. Et puis il a été pro­gres­sive­ment mis à l’écart” explique-t-il.

Chiffre à l’appui, Denis Robert dénonce la com­po­si­tion du cap­i­tal de Char­lie, large­ment en faveur du compt­able, de Charb et de Riss, selon lui. 

Ce n’est pas la pre­mier témoignage dis­so­nant qui vient cass­er l’image, désor­mais sanc­ti­fiée, du jour­nal satirique. Une semaine jour pour jour après les atten­tats, Delfeil de Ton, rédac­teur chez Hara-Kiri, puis chez Char­lie Heb­do jusqu’en 1975, accu­sait Charb d’avoir “trainé son équipe” à la mort, dans une tri­bune pub­liée dans l’Obs : “Il était le chef. Quel besoin a‑t-il eu d’en­traîn­er ses amis dans la surenchère?”

Une tribune critique dans l’Obs

Delfeil de Ton, de son vrai nom Hen­ri Rous­sel, se rap­pelle aus­si les paroles qu’aurait tenu Wolin­s­ki, au lende­main de l’incendie crim­inel des locaux de Char­lie Heb­do en novem­bre 2011. La rédac­tion s’ap­prê­tait alors à pub­li­er un numéro spé­cial, bap­tisé Charia Heb­do : “Je crois que nous sommes des incon­scients vul­nérables et des imbé­ciles qui avons pris un risque inutile (…) Pen­dant des années, des dizaines d’an­nées même, on fait de la provo­ca­tion et puis un jour la provo­ca­tion se retourne con­tre nous. Il fal­lait pas le faire”.

Delfeil de Ton com­prend que sa démarche puisse cho­quer, au lende­main des atten­tats. “Je sais, ça ne se fait pas” recon­naît-il à la fin de sa tri­bune. Un avis partagé par Richard Mal­ka, l’av­o­cat de Char­lie Heb­do depuis plus d’une ving­taine d’années, qui n’a pas digéré la cri­tique : “Charb n’est pas encore enter­ré que L’Obs ne trou­ve rien de mieux à faire que de pub­li­er sur lui un papi­er polémique et fielleux” s’est-il emporté.

Delfeif de Ton n’en est pas à sa pre­mière cri­tique. Il accuse depuis longtemps l’an­cien directeur de l’hebdomadaire Philippe Val d’avoir entraîné le jour­nal satirique dans un com­bat sion­iste et islamophobe.

L’histoire de Char­lie heb­do est en fait parsemée de dis­pute. L’avant-dernière polémique remonte à 2008, quand Philippe Val avait décidé de licenci­er le dessi­na­teur Siné, après la pub­li­ca­tion d’un arti­cle jugé anti­sémite sur le mariage du fils de Nico­las Sarkozy.

Pho­to d’en-tête: « François Cavan­na » par Author/Auteur : Oscar J. Mar­i­anez (Per­son­al photo/Photo personnelle)