Culture

Angoulême rend hommage à Charlie, mais pas question de tomber dans la morosité

Les hommages à Charlie Hebdo sont nombreux à Angoulême. Mais le souvenir des attentats ne pèse pas sur l’ambiance du festival qui préfère mettre en avant l’esprit du journal satirique, plutôt que se réfugier dans le recueillement.

De notre envoyé spé­cial à Angoulême.

Une paire de fess­es, en face de la mairie d’Angoulême. Non, il ne s’agit pas là d’une provo­ca­tion d’un opposant poli­tique quel­conque mais de la Une de Char­lie Heb­do du 27 mai 1974 représen­tant Valérie Giscard‑d’Estaing avec la men­tion « Tête de nœud président ».

Pour ren­dre hom­mage à Char­lie, l’organisation du fes­ti­val a sor­ti les pan­neaux élec­toraux pour met­tre à la vue de tous les affronts les plus con­nus du jour­nal satirique. Aux côtés de VGE, Jacques Chirac, représen­té en phal­lus, côtoie Chris­tine Boutin dess­inée avec une Bible à la main. Un drôle de mélange.

Les Unes de Charlie Hebdo affichées devant la mairie d'Angoulême (Florian Maussion / 3millions7.com)
Les Unes de Char­lie Heb­do affichées devant la mairie d’An­goulême (Flo­ri­an Maus­sion / 3millions7.com)

Le jour­nal satirique est omniprésent à Angoulême, y com­pris dans les vit­rines des com­merçants. La volon­té des organ­isa­teurs de lui venir en aide est évi­dente. Aux endroits stratégiques, de la mairie au musée de la BD, des stands « Restons Char­lie » pro­posent aux vis­i­teurs de s’y abonner.

T‑shirt « Je suis Char­lie » sur les épaules, Jean-Luc est l’un de ces vendeurs. Son rôle, con­va­in­cre les vis­i­teurs de ten­ter l’aventure avec le jour­nal. « Les gens s’abonnent volon­tiers, explique-t-il. Il y a ceux qui n’osaient pas, ceux qui se posaient des ques­tions quant à la survie de Char­lie, ceux qui n’y pen­saient pas et qui prof­i­tent de l’occasion… » 

Dans les allées du Fes­ti­val, les prin­ci­paux édi­teurs pro­posent un recueil de dessins, « la BD est Char­lie », ven­du au prof­it des familles des vic­times. Cer­tains le feuil­lè­tent en souri­ant avant de le repos­er, d’autres l’emportent avec eux vers la caisse la plus proche.

Le livre hommage à Charlie Hebdo (Florian Maussion / 3millions7.com)
Le livre hom­mage à Char­lie Heb­do (Flo­ri­an Maus­sion / 3millions7.com)

L’émotion de jeu­di soir, avec la remise du prix de la lib­erté d’expression au jour­nal satirique, n’a pas totale­ment dis­paru. Les noms des 17 vic­times des atten­tats des 7 et 9 jan­vi­er sont tou­jours accrochés sur le bef­froi de l’Hôtel de ville, et y res­teront au moins jusqu’à la fin du week-end. Mais l’heure n’est plus au recueille­ment. Il est main­tenant à la con­sécra­tion de la bande-dess­inée, et de l’esprit de Charlie.

« Il y a une certaine pudeur, même chez les visiteurs »

L’ambiance du Fes­ti­val, elle, n’a pas changé d’un pouce. Les rues du cen­tre ville sont pleines dès 10h du matin, les « bulles » — les espaces réservés aux stands des édi­teurs – sont noires de monde et les files d’attente s’allongent pour obtenir de pré­cieuses dédi­caces. Du côté des dessi­na­teurs, l’heure est à la dis­cré­tion et à la mod­éra­tion. Sur le stand de Flu­ide Glacial, réputé proche de Char­lie Heb­do, rien, excep­té le livre hom­mage, ne rap­pelle le jour­nal satirique. « On en par­le assez peu en fait, explique Chanouga, auteur aux édi­tions Paquet, qui vit son pre­mier Fes­ti­val de la BD. Il y a une cer­taine pudeur, même chez les vis­i­teurs. Peut-être qu’on veut seule­ment con­tin­uer à avancer. »

Au musée de la bande-dess­inée, l’exposition mon­tée en urgence a rem­placé celle con­sacrée habituelle­ment à l’histoire du neu­vième art. Le numéro des sur­vivants, qui s’est ven­du à sept mil­lions d’exemplaires est bien-là, aux côtés de cen­taines de Unes du jour­nal satirique, et de son prédécesseur Hara Kiri. Là encore, les sourires et les rires dis­crets l’emportent large­ment sur le recueille­ment, mal­gré l’ambiance feu­trée du musée.

Les Unes de Charlie Hebdo présentée au musée de la BD (Florian Maussion / 3millions7.com)
Les Unes de Char­lie Heb­do présen­tées au musée de la BD (Flo­ri­an Maus­sion / 3millions7.com)

« Nous ne ne voulions pas en faire un autel sur lequel on vient déposer des fleurs »

« Nous avions d’abord pen­sé à un événe­ment sym­bol­ique, dans un lieu pré­cis d’Angoulême, mais nous ne voulions pas en faire un autel sur lequel on vient dépos­er des fleurs, explique Jean-Philippe Mar­tin, directeur de l’action cul­turelle de la Cité de la BD.

« L’équipe de Char­lie appré­ci­ait beau­coup l’idée des affich­es dans Angoulême et ils ont trou­vé l’idée de l’exposition intéres­sante parce que nous cher­chions d’abord à met­tre en avant la qual­ité artis­tique du jour­nal et son esprit. Nous avions tout ce qu’il fal­lait dans nos collections. »

Seule preuve de l’émotion sus­citée par l’attentat, un immense tableau noir, occu­pant tout un pan de mur, lais­sé à dis­po­si­tion des vis­i­teurs pour y laiss­er des mes­sages de sou­tien. Sur cet espace long d’une dizaine de mètres, il n’y a plus un cen­timètre car­ré disponible. Les slo­gans célèbres sont là : « Je suis Char­lie », « Ils ont voulu tuer Char­lie, ils l’ont ren­du immor­tel ». D’autres ont sim­ple­ment dit « Mer­ci ». Un sim­ple mot, avant de pass­er à la salle suiv­ante, et retrou­ver le sourire à la lec­ture des exem­plaires du Beauf de Cabu, mis à dis­po­si­tion du public.

Les messages de soutiens des visiteurs au musée de la BD (Florian Maussion / 3millions7.com)
Les mes­sages de sou­tien des vis­i­teurs au musée de la BD (Flo­ri­an Maus­sion / 3millions7.com)

« Il y a tou­jours de l’émotion chez les vis­i­teurs, mais il y a aus­si beau­coup de plaisirs à redé­cou­vrir Char­lie », pour­suit Jean-Philippe Mar­tin, son badge « Je suis Char­lie » épinglé à sa veste de velours rouge. Ren­dre hom­mage en faisant rire, le Fes­ti­val d’Angoulême est sur le point de réus­sir son pari.

À lire aus­si : Le Fes­ti­val d’An­goulême est Char­lie, il a tout fait pour le montrer

Angoulême rend hom­mage à Char­lie Hebdo 

Un hom­mage à Char­lie Heb­do annulé à Angoulême

Pho­to : Des Unes de Char­lie Heb­do affichées devant la mairie d’An­goulême (Flo­ri­an Maus­sion / 3millions7.com)